Mustapha Tlili : Monsieur Ghannouchi, prouvez-nous que vous avez changé!
Deux évènements, l’un de pure propagande politique, l’autre de grande dimension historique, ont eu lieu en Tunisie ces deux dernières semaines. Comme s’ils avaient été programmés dans leur proximité temporelle si frappante par un malin génie pour nous interpeller et amener à considérer les choses avec lucidité.
Il s’agit, on l’aura compris, pour ce qui est de ce fabuleux exercice d’illusionnisme : du 10e congrès du parti islamiste Ennahdha; et concernant ce symbole du triomphe de l’espoir sur les ténèbres de toutes sortes: du retour de la statue équestre de Bourguiba à son emplacement initial, au terme de 29 ans d’exil. Il s’agit là de l’exécution de la promesse électorale faite par le président de la République, M.Béji Caïd Essebsi, à qui il faut rendre hommage pour ce geste de fidélité à la parole donnée.
L’illusionnisme de Rached Ghannouchi et de ses collègues consistait, à travers une production théâtralement spectaculaire, à faire croire aux Tunisiens que l’idéologie islamiste des barbus a évolué à la lumière des réalités, au point qu’elle est devenue “civile” et qu’il faudrait s’attendre désormais à ce que le port de la barbe soit vigoureusement découragé, voire interdit, par Montplaisir et, celui de la cravate, nettement encouragé, sinon imposé…
Les Tunisiens qui ont connu trois années de manipulation diabolique visant à changer leur identité même en en évacuant tout ce qui n’était pas un produit de la conquête arabo-musulmane- plus de trois mille années d’histoire méditerranéenne- seront-ils dupes cette fois-ci? Oublieront-ils de sitôt ces années de braise et le gouffre au bord duquel ils étaient dangereusement poussés ? Seront-ils saisis d’une crise de naïveté, ou de bonté, ou des deux à la fois, qui amoindrit l’usage de la raison et limite l’exercice de la réflexion lucide dès qu’il s’agit de M. Ghannouchi, l’idéologue islamiste universellement connu pour son double langage ?
Le souvenir de cette vidéo secrète de M.Ghannouchi prêchant la patience à ses jeunes frères d’armes salafistes s’effacera-t-il de sitôt de la mémoire collective au point que le nouveau discours du chef d’Ennahdha annonçant la transformation de son mouvement en parti politique civil soit aujourd’hui pris au sérieux, au lieu d’être compris comme étant précisément une application de la stratégie des étapes prônée dans la fameuse vidéo ?
M. Ghannouchi pourrait facilement prouver le contraire s’il souhaitait que nous le prenions au sérieux. Deux grandes initiatives de sa part apaiseraient nos doutes et nous convainqueraient que désormais la famille moderniste tunisienne va s’enrichir d’une nouvelle sensibilité politique aussi fidèle à la sécularité historique du pays que l’opposition qui a gagné les dernières élections législatives et présidentielles sous le leadership de M. Béji Caïd Essebsi.
La première initiative pourrait être toute proche : le 1er juin. Que Rached Ghannouchi, qui n’a manqué aucune occasion, tout au long de son parcours de chef islamiste, d’insulter le père fondateur de la Tunisie moderne, Habib Bourguiba, se tienne aux côtés du président Essebsi lors de la cérémonie qui verra le 1er juin la statue équestre du leader historique tunisien retourner à son emplacement légitime. Et pour nous prouver sa sincérité et nous montrer qu’il a véritablement coupé les ponts avec son passé d’agitateur islamiste obnubilé par l’idée de transformer l’identité ouverte et tolérante de la Tunisie et lui substituer une vision obscurantiste de la vie et du monde, qu’il prenne la parole dans ce sens, demande pardon à la mémoire de Bourguiba par les mots et physiquement demande pardon à la famille Bourguiba en se rendant chez eux à La Marsa.
La deuxième initiative concerne la constitution tunisienne. Pour affirmer une fois pour toutes la sécularité du pays, il faut l’inscrire clairement dans son texte fondamental et en faire un point de non-retour, à l’opposé de l’ambiguïté de la formulation actuelle, fruit des manœuvres diaboliques d’Ennahdha et de la Troïka quand ils étaient au pouvoir.
Monsieur Ghannouchi, prouvez-nous que vous avez changé!
Mustapha Tlili
Écrivain, Distinguished Fellowau East West Institute à New York,
fondateur et directeur émérite du Centre des dialogues de la New York University.
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الغنوشي ليس تلميذ أمامك ليجيبك على أسئلتك وأنت تدّعي ماذا بالضبط؟ من أعطاك حق أن تنتقد توجهات الآخرين وتدّعي لها العافية وتنسب الخطأ لفكر غيرك؟ هذه أولى هناتك باعتبارك لا تقبل الآخر. أما عن المرجعية الدينية في الحياة السياسية والصراعات التي تحوم حولها فسوف تزول أحزاب وترتفع أخرى ويبقى الإسلام هو المرجعية الأولى المحدّدة لهويتنا والتي لها أثر في كل جوانب حياتنا الثقافية والإجتماعية والسياسية الإقتصادية