Voilà cinq ans que les gouvernements successifs répètent que le niveau « actuel » du chômage est le résultat d’accumulations, d’insuffisances ou d’erreurs commises dans le passé, et surtout dues au modèle de développement adopté. Tous affirment également qu’ils ne disposent pas de baguettes magiques pour résoudre tous les problèmes qui entravent la création d’emplois et le développement en général. Ils en appellent ainsi à la raison et à la patience des citoyens. Mais les solutions proposées ou mises en œuvre n’ont jusque là induit aucun effet notable et durable sur la capacité de l’économie à créer des emplois. Nous sommes toujours dans la sphère de la fonction publique et des emplois publics ou assistés.
S’il est vrai qu’il n’y a pas à priori des recettes magiques pour venir à bout du chômage, il y a lieu cependant d’apporter davantage de pragmatisme dans son traitement.
Nous tenterons dans les développements qui suivent de proposer quelques mesures susceptibles d’améliorer le fonctionnement des entreprises et leur rentabilité tout en augmentant leurs capacités à recruter. C’est en tout cas la seule voie qui nous paraît intéressante. En somme, la baguette magique. La croissance par la productivité globale qui couvre à la fois la productivité du capital par l’amelioration de l’utilisation des moyens de production, et la productivité du travail par l’amélioration de l’encadrement. Il est à espérer des points de croissance par la productivité car notre économie comporte à ce niveau des gisements énormes.
L’une des mesures à la quelle je pense découle entre autres de mes observations lors de l’exercice de mes différentes fonctions parmi lesquelles la direction de la COTUNACE. J’observais alors que les exportateurs notamment les PME que j’ai appris à connaître, rencontraient parfois des problèmes par suite de négligences et de non observation des clauses des contrats qu’ils ont conclu avec leurs clients ou leurs partenaires. A l’examen je me rendais compte qu’ils n’avaient pas toujours de service ni même de responsable de l’exportation, ni de contrôleur de qualité ni de gestionnaires ni de juristes…. Le chef d’entreprise fait tout lui même ; il achète, il importe, il rend visite aux fournisseurs et clients tunisiens et étrangers, il surveille la production, il assure les relations avec l’administration … En un mot il ne délègue rien de ses pouvoirs de gestion. Quand il le fait c’est pour son fils, sa fille ou un proche mais ils doivent toujours se référer à lui. Il est partout, et sur tous les fronts.
Lors d’indisponibilité occasionnelle du Patron, tout s’arrête ou presque.
En fait les non conformités aux clauses contractuelles et aux procédures étaient fréquentes, et c’etait souvent l’insuffisance de l’encadrement qui était à l’origine ….
Recruter un cadres qualifié ou à qualifier ,chargé de l’élaboration des contrats et du suivi des exportations ,et un autre pour être chargé de la qualité en cas de besoin ,ne pouvait que donner à l’entreprise plus de chance de rentabiliser son exploitation et de se développer.
Parmi les demandeurs d’emplois on sélectionnerait ceux qui pourraient recevoir une formation de « Responsable Qualite » et tout le monde sera gagnant.
Il ne s’agit point d’exonérer ces nouveaux cadres de la cotisation à la CNSS. Mais plutôt de rendre leur recrutement utile et bénéfique car l’entreprise y gagne aussi. Tous les exportateurs doivent normalement disposer d’un responsable Qualité, d’un responsable Commercial, d’un juriste ou gestionnaire polyvalent.
Nous pouvons penser également à inciter les entreprises à examiner de près leurs frais financiers souvent importants comparés aux résultats. En ma qualité de dirigeant de différentes entreprises, je m’étais livré à cet exercice. Pour chacun des comptes bancaires auprès de différentes banques, j’ai affecte un jeune SIVP dont la mission était de contrôler « les dates de valeur » les commissions bancaires, Etc.… Une formation rapide en a fait les gardiens des comptes bancaires.
Le résultat fut impressionnant. Un virement de l’étranger pouvait attendre sans raison une semaine pour être logé dans le compte de la société ; des erreurs, même petites mais nombreuses étaient relevées et l’on devine le résultat : les petits taux font les grands totaux. Je n’étais pas peu fier de ma trouvaille. Ces contrôleurs de compte avaient réussi à faire réaliser à l’entreprise des économies supérieures à leurs salaires….C’était leur principale tâche.
Des questions se posent : Toutes les banques opérant en Tunisie sont bénéficiaires, toutes et largement. Un grand nombre d’entreprises sont déficitaires, et l’économie est en crise. Un paradoxe. Je n’ai pas d’explication mais c’est une question que nous devons nous poser.
Pour le moment nous nous contenterons de chercher et de trouver des pistes pour des mesures similaires qui pourraient ensemble constituer une baguette, au final pleine de magie.
Je voudrais signaler également la gestion des Ressources Humaines. Pour les entreprises familiales, l’objectif est souvent de passer la main à l’un des enfants.
L’on oublie souvent que l’on a fidélisé un collaborateur qui attend lui, de prendre un peu du pouvoir du chef d’entreprise. Mais lorsque le fils ou la fille du Patron arrivent, c’est un choc et c’est parfois la rupture: Le cadre fidèle est déçu et quitte « son » entreprise pour en créer une autre concurrente. S’il ne quitte pas, il sera en tout cas déçu et démotivé.
Ce phénomène est fréquent. Ces deux entreprises seront sous encadrées. Elles vont se partager la clientèle et les fournisseurs et les moyens humains. Aucune ne se développera convenablement ….Le transfert du pouvoir de décision entre les membres de la famille doit être étudié avec soin et opéré dans le respect des intérêts en présence. Le fils ou a fille destinés à prendre la relève du fondateur doivent penser à l’avenir de l ‘entreprise et non seulement au leur ; car du premier dépend le second.
Le secteur agricole pour sa part est riche en baguettes magiques créatrices d’emplois. Des terres agricoles couvrant des superficies énormes et non exploitées sont nombreuses et étendues.
Les diplômés des écoles d’agronomie et les techniciens d’agriculture pourraient se voir attribuer, à titre de location ou autres, des lots de terrains et être assistés aux niveaux du financement, de l’investissement et de l’exploitation. Ils ne chercheront plus ni à migrer vers les centres urbains, ni a réclamer un emploi dans la fonction publique. La Banque Nationale Agricole qui ne reserve que moins de 15 % de ses ressources pour financer l’Agriculture est appelée à fournir un effort considérable pour soutenir l’agriculture qui reste un secteur stratégique principal. Elle mériterait alors son nom.
D’autres petites baguettes magiques, seraient à identifier pour alléger progressivement le poids du chômage et notamment celui de la non employabilité des mal-formés.
Il ne serait pas sans intérêt que les recrutements d’étudiants dans les filières de l’Enseignement Supérieur dont les spécialités ou les emplois ne sont pas disponibles soient limités et les capacités de ces filières elles mêmes reconverties dans les filières de l’enseignement professionnel. Cela réduirait les inadéquations et donc les contestations.
Il serait en outre utile que l’on revienne à la loi qui exonérait de l’impôt, les bénéfices réinvestis soit dans l’entreprise elle-même, soit dans une nouvelle entreprise, sur agrément bien sur en vue d’en augmenter la capacité, ou en améliorer la rentabilité.
La liste des possibilités de créer des emplois, pourrait être plus longue. Chaque possibilité serait assimilée à une petite baguette et l’ensemble aurait un effet magique.
Même dans le secteur des banques, l’un des rares secteurs restés à l’abri des turbulences, au moins par les résultats financiers affichés, soutenir davantage l’économie et faciliter d’une manière plus efficace notamment aux PME l’accès au crédit, peut s’avérer opportun et efficace pour créer plus d’emplois.
Le résultat? Créer à court terme une centaine de milliers d’emplois pour les jeunes diplômés, et à moyen terme beaucoup plus .C’est dans cette recherche continue d’opportunités, que réside la baguette magique que nous évoquions plus haut.
Concernant enfin le partenariat avancé avec l’Europe supposé résoudre les problèmes du chômage et relancer l’économie, il y a lieu au préalable de résoudre le problème du visa. Si l’Europe veut bien nous aider comme elle le dit et le redit, elle devrait pouvoir accepter d’ouvrir ses frontières pour accueillir quelques 300 000 jeunes Tunisiens et les déployer dans les secteurs de l’agriculture et des services objet des négociations actuelles. Ces jeunes pourraient acquérir certaines compétences et de l’expérience et rentrer après une certaine période dans leur pays et contribuer à son développement.
Cela correspond à seulement l’équivalent de 0,1 % de la population Européenne. Ce qui est véritablement insignifiant. Ceci est d’autant plus nécessaire que l’Europe ne cesse de recruter les cadres Tunisiens d’une manière sélective, dont la formation est assurée sur le budget de l’Etat Tunisien. Ce serait la une baguette vraiment magique à côté de toutes les autres. Et la discussion pourrait commencer sur l’avenir des relations Euro-Tunisiennes. Aux négociateurs Tunisiens de jouer …
Moncef Zouari