C’est notre Masmoudi, qui n’a rien à avoir avec le vôtre!
Persistant à fait aboutir l’Accord de Djerba, signé avec Bourguiba le 12 janvier 1974, mais rapidement dénoncé par la direction tunisienne, Kadhafi avait prétexté de la célébration du Mouled pour s’inviter à Kairouan en mode séduction. Cette fois, il sera ponctuel pour ne pas irriter le «Combattant suprême» qui a prévu une séance de travail avec son hôte, élargie aux délégations biens fournies des deux parties.
A l’ordre du jour, nombre de questions, à commencer par les attaques de la presse libyenne contre la Tunisie. Au grand dam de Kadhafi, Bourguiba invitera alors le directeur général de l’information, Mustapha Masmoudi, à présenter un état de toutes les calomnies colportées par les médias libyens. Très contrarié, Kadhafi essaya de l’interrompre, une première fois, puis une deuxième, avant de se tourner vers Bourguiba pour lui demander: «Mais, qui c’est celui-là !» La réponse ne tardera pas à tomber, grinçante: «C’est Masmoudi. Le nôtre, pas le vôtre! Il est en charge de l’information». Bourguiba demandera ensuite à Masmoudi de reprendre sa présentation. Inutile de prévoir comment la réaction de Kadhafi s’annonçait violente. Soudain, un assistant entre dans la salle et murmure quelques mots à l’oreille de Masmoudi qui se lève, pour aller vérifier au téléphone l’information urgente reçue. De retour, il ira l’annoncer à voix basse à Bourguiba: le Roi Fayçal d’Arabie venait de décéder.
Bourguiba en fera part avec beaucoup d’émotion et lèvera la séance sans donner la parole à Kadhafi, annonçant qu’il a décidé de se rendre immédiatement en Arabie Saoudite pour présenter ses condoléances.
Autant de moments forts vécus et de témoignages de première main que nous lègue l’ancien ministre de l’Information dans ses mémoires posthumes, publiés sous le titre de «Une face additionnelle de la vérité : pages de ma vie». Exauçant ses vœux, sa famille a édité ses mémoires rédigés en six chapitres qui reviennent sur ses origines, sa montée à Tunis, son parcours d’étudiant en sciences économiques à ministre, sa mission diplomatique auprès de l’Unesco, et ses souvenirs avec Bourguiba, Wassila et Nouira. Le sixième et dernier chapitre, il le réservera à sa double souffrance de l’ire de Ben Ali et du cancer.
Un ouvrage poignant qui nous fait entrer dans l’intimité de l’auteur, à travers les différentes séquences de sa vie, et apprécier son humour fin, tout en découvrant des coulisses significatives du pouvoir. Les portraits personnels que Masmoudi nous livre de Bourguiba, Wassila et Nouira, totalement inédits, sont exquis.
Dr Mustapha Masmoudi, "Wajhon idhafiyon lil hakika 410 pages 25 dinars tunisiens ed. El markez el magharibi lil nachriwa tawzii Tunis 2016
- Ecrire un commentaire
- Commenter
Brillante présentation : si le livre est du même tonneau, alors il vaut certainement d'être lu ! Mais comment faire? Contrairement aux traditions, vous n'en indiquez ni l'éditeur, ni le prix auquel on peut se le procurer, en Tunisie ou ailleurs ! Merci d'y pourvoir ! Cordialement.
Le regretté Mustapha Masmoudi avait fait partie de cette génération de jeunes cadres universitaires qui avaient pris, aux côtés de leurs ainés, les destinées du pays à l'orée de l'indépendance. Certains pour la relève des hauts fonctionnaires français partis avec les autorités du protectorat, d'autres pour contribuer à parfaire les attributs de la souveraineté du jeune Etat indépendant dans divers domaines tels que celui de la défense nationale ou d'autres secteurs comme celui de l'information et de la communication où le regretté a laissé son empreinte hissant la voix de la la Tunisie dans le concert des nations. Puisse son parcours contribuer à inspirer les générations actuelles pour relever les défis en ce moment de grandes turbulences que traverse notre pays. Med Noureddine Koubbaa