ADIEU MAITRE
Lors de cette cérémonie d’une douloureuse épreuve de la vie, celle de la perte d’une figure marquante de la médecine Tunisienne, les mots ne suffisent pas à exprimer la profondeur de ma peine.
Le 20 Février 2010 à 22 H, le pilier central de la médecine Tunisienne est tombé, pilier de soins, pilier d’enseignement, pilier de recherche. Le Professeur H. Ben Ayed nous a quitté pour un monde meilleur. Il laisse des orphelins, soit ses trois enfants, mais des centaines de fils spirituels. L’oeuvre qu’il a accompli est colossale et a marqué d’une pierre blanche la médecine Tunisienne.
Cher Maître, vous avez assuré une longue carrière menée par un double impératif, celui du travail bien fait et celui du devoir parfaitement accompli. De votre brillante carrière, n’ont jamais été exclus ni le talent, ni l’amour de la Science, ni l’amour des autres ni la compétence.
Né à Sedghiane (Jerba) le 21 Juillet 1926, vous avez entrepris vos études primaires à l’école Franco Arabe de Mahboubine, puis secondaires, débutées au cours complémentaire de Houmet Souk et poursuivies à Tunis, à l’école normale, puis au lycée Carnot où vous avez eu le baccalauréat de mathématiques élémentaires en 1947. Vous avez choisi de faire, médecine, en l’absence de tout antécédent dans cette profession. Vous étiez prédestiné à l’enseignement primaire, mais la destinée a voulu que vous soyez enseignant du supérieur.
Vos études médicales ont été jalonnées de succès, externe des hôpitaux de Paris en 1952, puis interne en 1957. Vous avez été formé dans les meilleurs services parisiens. Vous avez été élève de Lenègre, Laporte, Garcin, Cattan Caroli, DeGennes et Azrad, puis Hamburger. C’est dans le service de ce dernier à l’hôpital Necker que vous avez eu le privilège d’être un des acteurs de la
naissance de la néphrologie.
De retour à Tunis, vous avez pris la direction du service de médecine interne à l’Hôpital Charles Nicolle en 1962 au Pavillon 10/2, puis vous avez déménagé au pavillon M8 où vous êtes resté jusqu’au 28 Février 1990. C’est dans ce service que vous avez accompli votre oeuvre. Vous avez développé la médecine interne, l’endocrinologie, la rhumatologie et surtout la néphrologie.
Pour cette dernière, vous avez créé progressivement un service à l’image de celui de l’Hôpital Necker, avec la néphrologie clinique, la dialyse péritonéale et l’hémodialyse, la réanimation, le laboratoire d’histopathologie rénale, puis la transplantation rénale.
Vous avez dirigé ce service de main de maître sur le plan soin et formation grâce à votre présence et votre disponibilité exemplaires.
Médecin des hôpitaux en 1963, Professeur Agrégé en 1966, puis professeur titulaire en 1970, votre oeuvre universitaire est colossale, vous avez fait partie du noyau dur de la faculté de médecine de Tunis ; de cette élite de médecins qui ont donné le meilleur d’eux mêmes pour que vive la médecine dans une Tunisie, alors balbutiante et où il fallait d’abord barrer la route, à l’ignorance et à la maladie.
Doyen de la Faculté de Médecine de Tunis, de 1976 à 1985, vous avez poursuivi le travail de vos prédécesseurs, en organisant l’enseignement et en l’adoptant aux besoins de la Tunisie.
Les principaux faits qui ont marqué votre décanat sont :
- L’institution du concours national de résidanat, en Avril 1977, seule filière pour former les spécialistes.
- La mise sur pied d’un enseignement post universitaire auquel il participe activement et avec enthousiasme.
- L’encouragement à la recherche médicale, par l’octroi de subvention par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique.
- Le jumelage entre les hôpitaux Charles Nicolle de Tunis et de Rouen.
- L’acquisition par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la recherche scientifique du terrain sur lequel a été bâti la nouvelle Faculté de médecine cédé par le Ministère de l’Agriculture. Monsieur le Professeur H. Ben Ayed a joué un rôle clé.
Vos qualités d’excellent clinicien et de fin pédagogue ne font pas toutefois concurrence à celle de chercheur. Vous avez été l’auteur d’un grand nombre de publications en médecine interne, en endocrinologie, en rhumatologie, en néphrologie et en hypertension artérielle.
Vous avez été l’organisateur, l’animateur et le président de plusieurs congrès nationaux et internationaux.
Vous avez été président de la Société Tunisienne des Sciences Médicales et père fondateur des sociétés Tunisiennes de Néphrologie, médecine interne, endocrinologie et de l’association tunisienne de réanimation.
Vous étiez membre de plusieurs sociétés savantes internationales.
Ainsi, par votre parole, vos écrits et votre action, vous avez rempli magnifiquement la triple mission de soins, d’enseignement et de recherche. Vous étiez le modèle d’un universitaire. Un universitaire est un homme qui va à l’essentiel, un homme qui sait transmettre aux jeunes ses connaissances et son expérience, un homme qui sait éduquer et apporter des valeurs.
Cher Maître,
Médecin, vous étiez médecin dans la cité. Vous avez milité avec discrétion et courage pour soulager les souffrances humaines, vous étiez président de l’Association Tunisie Palestine. Vous avez fondé l’association de promotion sanitaire et sociale de Jerba, l’association Tunisienne des insuffisants rénaux. Vous étiez membre du comité supérieur des droits de l’Homme et des libertés
fondamentales et du comité national d’éthique médicale.
Vous n’avez pas recherché ni les honneurs, ni les médailles ; celles que vous avez obtenues semblaient vous échoir presque malgré vous. Vous avez été élu membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine (Paris) en mars 1988. Vous étiez commandeur de l’ordre de la République. Vous avez reçu en 1992 le prix du 7 Novembre pour la recherche et la créativité. Les médailles suivants vous ont été discernées: médaille de mérite de la Santé, médaille de mérite de l’éducation, médaille Jean Hamburger, médaille de la Société Arabe de Néphrologie et de Transplantation, médaille de la Société Tunisienne de Néphrologie, médaille du cinquantenaire de l’Université.
Cher Maître,
Votre oeuvre est à votre image. Solide, humain, responsable, discret, silencieux, vous étiez de ceux qui font du bien sans faire de bruit.
Cher Maître,
Votre chère épouse la très regrettée Madeleine Née Vivier a été votre collaboratrice active et efficace. Elle a travaillé des dizaines d’années, bénévolement, à structurer le service, sur le plan soin, hygiène, gestion de matériel et tout particulièrement le secrétariat et les archives dont les retombées positives sont perceptibles jusqu’à ce jour. Les ennuis de santé de votre épouse puis votre
veuvage ont été pour vous un drame inconsolable.
Un groupe de vos amis et certains de vos élèves ont tout fait pour égailler vos jours, en étant près de vous, en toute circonstance.
Cher Maître,
J’ai reçu plusieurs lettres de condoléances de vos collègues G. Richet, J.P. Fillastre, J.P. Mery, R. Ardaillou, J.P. Grunfeld, P. Ronco, je vous transmets ce que m’a écrit le Professeur G. Richet qui vous a connu de près à Necker «Mon Cher Ben Maïz, la triste nouvelle du décès de votre père spirituel et intellectuel, bien que nullement surprenante, me fait me souvenir de son coeur, de son intelligence et de son oeuvre ».
Cher Maître,
Votre épouse vous a précédé. Vous l’avez rejoint aussi discrètement que vous avez vécu. Soyez en paix. Adieu Maître.
Votre fidèle disciple, Professeur Emérite Hédi Ben Maïz
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