يوميات مواطن au pays de l'absurde
Nous sommes un lundi 16 octobre, une journée presque ordinaire à l’école primaire de Hoffret el Jenna. Ce petit village du la délégation de Balta, à Jendouba, coupé du monde, n’est desservi que par une piste graveleuse, qui sera coupée après chaque averse, cet hiver. C'est ici que Sami Bennour a choisi de filmer la difficulté d'être citoyen, écolier dans une zone rurale, privé de tout, même d’enseignants qualifiés parfois. Témoigner, de la vie recueillir la réalité sociale dans ses faits bruts, est l’ADN de l’émission Yaoumeyet Mouaten que Sami Bennour produit et présente depuis 5 ans. Une émission, parmi les meilleures du paysage médiatique tunisien de par la justesse de son écriture et la pertinence de ses enquêtes. L’objet du scandale déclenché par la diffusion du dernier épisode est donc doublement inquiétant. Dans une scène, plus triste que révoltante, on voit un texte écrit par un instituteur, plein de fautes aberrantes, corrigées inévitablement par le journaliste. Un constat d’échec de tout un système éducatif, qui ne s’arrête pas à cette école ni au gouvernorat de Jendouba qui déplore 404 postes vacants pour les maitres d’école de base.
Mais ce qui est encore plus grave, ce sont les réactions suscitées par cet épisode. Le syndicat des professeurs de l‘enseignement de base s’est acharné sur le journaliste, l’accusant de diffamation, de « mise en scène » le qualifiant, ainsi que tout le corps médiatique, de « gang de mafieux, » à la solde de l ‘enseignement privé, de « nostalgique de du colonialisme », « d’esclave culturel ». Le syndicat de l’enseignement de base ne s’arrête pas là dans sa campagne de dénigrement visant Sami Bennour « vassal des médias corrompus ».Le syndicat n’oubliera pas de prendre la défense de « ce pauvre professeur suppléant, mal payé, jeté en pleine campagne avec une expérience de seulement 10 jours. »
Les médias sont critiquables et doivent être critiqués. Mais l'agressivité verbale et parfois même physique, le dénigrement est le symptôme d’un climat malsain et morbide, et quand l’acteur est celui même qui doit défendre l’intérêt commun, ceci devient grave. Il y a dans ce fait divers une inversion des responsabilités et un acharnement à défendre l’indéfendable avec une volonté réelle, de traction par le bas. Le syndicat n’aurait-il pas mieux fait de faire le bilan de compétence des professeurs suppléants, ou du niveau en dégringolade manifeste de l’enseignement ? n‘est-il pas démentiel et absurde d’en arriver à remettre en question la nécessité même de l’enseignement des langues étrangères !
Cet épisode, ne fait que mettre en évidence le concentré des problèmes de notre société, et dans ce sens Sami Bennour a encore une fois excellé. Traiter de la réalité sociale, ne peut être une activité innocente, et sans conséquences. C’est un acte responsable et dangereux, et courageux.
Il est vrai que dans notre société brutalement « démocratisée», le journalisme est passé d’une place de une contre-pouvoir tiède et modéré à un pouvoir réel qui s’exerce quotidiennement et directement.
Cette même «société du spectacle» a parfois contribué à faire émerger involontairement une nouvelle forme de populisme. Mais ceci n’est objectivement pas le cas de cette émission. L’émotion de Sami Bennour n’avait rien de surfait, ni d’artificiel, il n’y avait aucune mise en scène, mais juste un acte de témoignage responsable. Rien n’appelait au dénigrement du professeur, il y avait dans sa démarche, comme presque dans tous les épisodes de son émission, un traitement « constructiviste" : la réalité sociale. Les faits rapportés par Bennour pointent la défaillance mais appellent à son traitement. Son but est de donner du sens au faits .C’est une responsabilité sociale, celle que d’adopter une posture citoyenne. Certains acteurs sociaux ,semblent avoir oublié ce rôle premier, agir en citoyen, en Mouaten pour le bien de tous. Bennour, vient de leur livrer une occasion de rappel, qu’ils saisiront, espérons–le.
Amel Douja Dhaouadi
- Ecrire un commentaire
- Commenter
Émergeant à grand peine du cataclysme justement provoqué par l'émission de Sami Bannour, je regrette qu'on n'ait pas suffisamment mis l'accent sur la "formation" reçue par ce pauvre maître d'école : ce "pseudo-enseignant" (j'insiste à dessein) est un pur produit de l'école de Messadi, grand philosophe, éblouissant écrivain, mais piètre réformateur de l'école publique, avec ses "2h le matin-2h l'après-midi" et ses manuels de français truffés d'extraits de Abdelaziz Dahmani, morceaux choisis publiés par "Le Sport" des années 70 : en récolte les fruits, aujourd'hui...