Hédi Béhi: A vaincre sans péril...
Au risque d’être taxé d’acharnement, me voici une fois de plus et alors que je croyais avoir épuisé le sujet, en train de pérorer sur cette Ugtt dont on ne dira jamais les risques qu'elle fait courir au pays.
C’était sans compter avec le boutefeu de la centrale, Samy Tahri, dont les propos tenus récemment lors d'une réunion syndicale n’ont pas manqué de m’interpeller. Selon lui, «Critiquer l’organisation de Hached revient à comploter contre les objectifs de la révolution». C'est clair, net et précis. L'Ugtt entend gambader à sa guise dans le pays sans être critiquée. Une position pour le moins inattendue de la part d'une organisation qui n'arrête pas de se gargariser des grands principes. On prône la liberté d'expression, on s'en fait même le héraut, mais dans le même temps, on manie le paradoxe en la rejetant quand il s'agit de soi, comme si la centrale était au dessus de tout soupçon.
Que l'Ugtt soit aujourd’hui la force la plus importante du pays, c’est l’évidence même ; que son rôle déborde largement sur l’espace politique pour des raisons historiques, personne n'en disconvient. Ce qui fait problème, c’est sa propension à se présenter constamment comme le parangon du patriotisme, à se considérer comme le défenseur patenté du peuple, l’interprète de ses aspirations et le chantre de la souveraineté nationale. Lors d’un débat avec un journaliste sur une chaîne de télévision, un cadre de l’Ugtt a manqué s’étrangler en écoutant son interlocuteur égrener quelques griefs contre l’Ugtt. Au lieu de s’employer à en faire justice, il lui conseille sur un ton menaçant de ne plus critiquer «l’organisation de Hached», sinon... Car critiquer l’Ugtt, "ces défenseurs désintéressés de la veuve et de l’orphelin", "ces tenants de la justice sociale", "ces tribuns de la Plèbe", reviendrait à renforcer les rangs des exploiteurs au détriment de la classe laborieuse, c'est faire montre d’ingratitude à son égard, voire même commettre un sacrilège compte tenu des services éminents qu'elle a rendus au pays. Evidemment, on n’oublie pas de convoquer Hached. Son nom est mis à toutes les sauces. C’est l’argument d’autorité auquel les dirigeants de l'organisation ont souvent recours pour clouer le bec à leurs contradicteurs. On connaît la célèbre phrase attribuée à Jean-Paul Sartre: «Il ne faut pas désespérer Billancourt» (siège de Renault considéré comme le lieu emblématique de la classe ouvrière). Beaucoup de Tunisiens n’en pensent pas moins : «Il ne faut pas désespérer la place Mhammed-Ali», quitte à avaler quelque couleuvres, à lui passer ses lubies y compris les plus déraisonnables.
Adulée par la gauche, respectée par les autres partis parce qu’elle constitue l’ultime rempart contre les visées hégémoniques d’Ennahdha, la centrale a tendance à pousser son avantage au point d’outrepasser outrancièrement ses prérogatives. On l’a vu ces derniers temps lorsqu’elle a sommé à plusieurs reprises le chef du gouvernement et ses ministres de démissionner, ou quand elle s’est commise dans des querelles politiciennes en prenant parti pour Hafedh Caïd Essebsi contre Youssef Chahed, en imposant ses hommes dans les médias, au gouvernement et même dans la diplomatie. "A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire". Par effet de contraste, elle fait aujourd'hui figure sur la scène politique de géant dans un pays de lilliputiens. Profitant de l'état de déliquescence où se trouve l'Etat, elle ne propose pas, elle impose. Ses désirs sont des ordres. Seul Ennahdha lui tient la dragée haute grâce à l'équilibre de la terreur qui s'est installé entre les deux parties. d'où le ton modéré de l'Ugtt dans l'affaire des documents fuités relatifs aux affaires Belaïd et Brahmi. Il se trouve que les deux ont ceci en commun d'être les deux principales plaies du pays.
Comment réagir aux dérives de l'Ugtt ? Comment lui faire entendre raison ? En se débarrassant de cette peur qui nous inhibe à chaque fois qu’il s’agit de la centrale ouvrière, en exerçant notre esprit critique face à cette ferveur revendicatrice qui mène le pays à sa perte, en dénonçant la pression exercée pendant des mois sur le gouvernement pour lui imposer des accords léonins comme ces augmentations arrachées avec le revolver sur la tempe qui risquent de nous entraîner dans une spirale infernale salaires-prix. Bref, en ne cédant pas à la dictature du politiquement correct. Quitte à désespérer l'Ugtt.
Hédi Béhi
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@ M. Hédi Behi: Salutations distinguées! Votre argument s'aligne entièrement sur la position officielle, celle qui dit que la centrale syndicale tunisienne a outrepassé les limites de ses prérogatives. Mais quelles limites y a-t-il quand toutes les actions du gouvernement et des autres institutions sont embourbées dans l'illégitimité! je pense que, avant d'écrire un texte pareil, il faudrait faire des analyses plus justes de la situation socio-économiques. Sinon, cet article ne fait que faire prévaloir des idées anachroniques... Car tout est à réviser... Avec tous mes respects à votre personne!
Des victoires faciles quand on s'appuie sur la misère et l’inculture de certaines categories pour les haranguer et les enroler dans leur guerre sainte ( autre point commun...) Aprés avoir éradiqué l'espece "patronat", ils s'attaquent maintenant au seul patron qui reste: l'état Nous verrons de quoi vous serez capables une fois l'Etat à genoux L'histoire ne pardonne pas, elle enregistre les méfaits, et les enseignera aux generations futures
Oui Monsieur Hedi, nous devons nous débarrasser de la peur. En effet, ne pas avoir peur et avoir de la clairvoyance pour résoudre un problème ou franchir un obstacle est indispensable afin d’éviter nombre de dangers. C’est avec beaucoup de courage, d’intelligence humaine et artificielle que le terrorisme armé peut être évité, c’est avec du courage et de l’amour de la vie que plusieurs personnes ont pu résister aux plus atroces maladies et aussi, c’est avec du courage et du savoir utile que notre société puisse traiter ses maux. Il est à constater que les maux sociaux qui ont caractérisé notre société depuis 2011, sont d’origines sécuritaires, dues à la faiblesse de l’état devant une déflagration imprévue par les autorités dominantes mais prévues par d’autres. Il parait que le non maîtrise de la discipline collective, des lois, de la morale et des différentes déontologies ont fait de notre pays une proie facile à la corruption, à la contre bande, au banditisme et à l’anarchie soutenue de parts et d’autres. Le courage individuel puis collectif des Tunisiens est une nécessité urgente pour affronter la chute de notre vouloir de progresser avec du travail soigné, assidu, respectable et aux normes internationales. Les vrais défenseurs du peuple Tunisiens sont ceux qui participent à l’augmentation de sa puissance intellectuelle et corporelle en veillant à sa bonne santé mentale et physique, sont ceux qui savent faire profiter les citoyens de leurs temps au travail et au repos et sont ceux qui sont capables de lui préparer des ambiances favorables à une vie digne et rassurante, générée par ses propres efforts et selon les moyens du pays. C’est avec courage qu’il faut dire à ceux qui menacent les Tunisiens par l’arrêt du travail productif qu’il viendra un jour où ils seront jugés au même titre que ceux qui ont fait chuté le dinar Tunisiens et ceux qui ont quitté le pays avec les deniers du peuple Tunisien. Or, ceux qui luttent pour un positionnement, leur permettant de mettre la main sur le pouvoir en vue d’exercer une quelconque hégémonie matérielle ou immatérielle, ne sont qu’éphémères quelque soit le temps d’occupation de leurs chaises. Ainsi, le peuple ne leur donnera plus sa confiance et l’attribuera à d’autres moyens plus récents, conçus par d’autres en vue de l’orienter des centres de commandes étrangers. De ce fait, la corruption adressée plus naïfs, facilite leur transformation en mercenaires ou ennemis de leur pays. Il est donc évident que quelque soit le nom du parti ou de l’organisation, les critères d’évaluations sont à définir en fonction des facteurs favorisant la bonne gérance de nos ressources humaines et fossiles, loin de l’hégémonie préméditée par quiconque au détriment de la dignité et de la qualité de la vie des innocents Tunisiens d’aujourd’hui et de demain.
Excellente analyse , aucune autocritique de cette organisation qui est en partie responsable du malaise économique du pays.
J'admire votre courage et votre determination reiteree a dire tout haut ce que d'autres , par peur ou par nepotisme , n'osent pas dire pour relever l'abus de pouvoir intentionnel commis par certains dirigeants de la centrale ouvvriere au risque de pousser le pays vers l'abime . Bravo Si Hedi Behi et bonne continuation.
je respecte l'avis d'autrui et nous pouvons critiquer l'ugtt par contre si la Tunisie actuellement est bien là sans disputes et avec le minimum de paix je le crois sincèrement grâce à l'ugtt à mon avis il fait bien analyser et faire une grande synthèse de comportement de l'ugtt à ce jour et penser encore aux nombres de gréves annulées par l'ugtt et l'ensemble de proposition et d'action pour sauver le pays et assurer une vrai paix sociale personnellement je ne peux que saluer l'ugtt malgré les erreurs à la ténacité de conserver souvent le dialogue et les propositions et la défense totale et intégrale de biens des tunisiens .
Bravo si El Béhi! J'ajouterai une seule remarque: vous n'avez pas précisé POURQUOI L'UGTT est devenue la première force politique du pays! et tout est dans la réponse à cette question! pourquoi cette funeste institution fait-elle trembler les 7 gouvernements qui ont géré ce pays après la révolution? Pourquoi tous ces gvts se sont pliés, aplatis devant les diktats insensés des sinistres patrons de ce qui est devenu un cancer métastasé de notre beau pays je vous jure quand j'entends ces opportunistes, sangsues, profitards, fricoteurs de L'UGTT se "lamenter" sur la situations des rentiers de l'administration et des entreprises publiques, j'ai envie de vomir!