L’eurovision met à nu Israël : ainsi est pris qui croyait prendre!
A l’heure où Netanyahou sue sang et eau pour former un gouvernement qui lui permettrait d’échapper à l’inculpation pour faux, abus de confiance et concussion avec une majorité de racistes, d’ultra-orthodoxes et de boutefeux -du type du député enragé Bezalel Smotrich- qui veulent ravager la région voire l’Iran, Madonna débarque à l’Eurovision à Tel Aviv parce qu’un chèque d’un million de dollars lui est rédigé par un richissime pro-israélien (Journal de 20 h de France 2 du 16 mai 2019), il est utile de lire l’article de Gideon Levy : «Une visite guidée du vrai Israël» (Haaretz, 16 mai 2019) au moment même où les Palestiniens et le monde se souviennent de la Nakba ce 15 mai et d’apprécier la stratégie du groupe islandais techno-punk demi-finaliste à l’Eurovision qui a décidé d’être présent à Tel Aviv pour dénoncer la situation faite à la population de Gaza et pour condamner l’apartheid israélien.
Ainsi vous voila en Israël
Lévy écrit, s’adressant à un spectateur imaginaire de l’Eurovision: «Ainsi, vous avez décidé d’être là malgré les adjurations de Roger Waters [musicien rocker] et tout et tout. Bienvenue en Israël. Vous êtes ici et tout est nickel: le soleil, l’alcool, le rock and roll, la gentillesse des gens, une production fantastique, une fête énorme. Regardez l’Israël que les postcards vidéos diffusées avant chaque chanson ne vous montreront jamais- l’Israël qui est caché aux regards, la face sombre de la lune sur laquelle vous dansez.
Il est immoral de l’ignorer. Oserez-vous rêver ? Rêvez si vous le voulez mais il arrive que la fête prenne fin et que ses lampions s’éteignent. Oubliez TripAdvisor pour le moment et laissez-moi être votre guide pour un voyage et une visite d’un autre genre.
Quand vous quittez le parc des expositions de Tel Aviv- «Expo Tel Aviv»,dirigez-vous à l’ouest un petit moment. Vous apercevrez un énorme complexe de buildings. C’est un bâtiment de la sécurité et les gens qui y travaillent sont coupables de nombreux crimes et des injustices que vous allez voir tout au long de la journée. Par exemple, d’ici, on affecte les agents qui apprennent aux femmes-soldats à pratiquer, au domicile d’une femme palestinienne, examens vaginaux et rectaux*.
C’est le quartier général des sévices infligés au peuple palestinien au nom de la sécurité. Vous apercevez dans le parking un grillage derrière lequel il y a quelques tombes en déshérence. C’est là le cimetière du village en 1948. Israël a effacé de la surface de la terre plus de 400 villages comme celui-là en ne laissant, grand seigneur, que les sépultures. Vous pouvez rencontrer les descendants des habitants, enfants des réfugiés qui sont parvenus à s’échapper ou qui ont été expulsés vers le Liban, la Syrie ou la Jordanie… Ils ne sont pas en Europe ni en Israël. Vous les rencontrerez plus tard dans notre tour, dans les camps de réfugiés.
Cap au sud à présent, cap sur Gaza. A une heure de voiture du parc de Tel Aviv et vous voilà au croisement d’Erez, la porte d‘entrée de la plus grande cage du monde. Vous voulez voir à quoi ressemblent les expériences sur les humains ? Ce qui arrive aux gens enfermés 13 ans durant dans un poulailler et qu’on arrose de bombes de temps à autre ? Mais seuls les journalistes parmi vous porteurs d’un pass émanant du Bureau de presse du Gouvernement- oui, une telle chose existe dans l’unique démocratie du Moyen-Orient- sont autorisés à entrer.A l’exception des journalistes, nul n’est autorisé à entrer dans cette prison,.
Erez est un endroit plutôt désert. La porte d’entrée pour 2,5 millions de prisonniers est toujours déserte. Nul ne peut entrer ou sortir sauf un petit nombre de journalistes étrangers, quelques marchands et des malades en phase terminale que les services de sécurité israéliens du Shin Bet font chanter**. Réfléchissez à la ville habitée par 2,5 millions de personnes d’où vous venez et aux routes qui en partent ou y arrivent et imaginez que seules quelquesdouzaines de personnes sont autorisées à y rentrer ou en sortir chaque jour.
Vous n’avez jamais rien vu de pareil. Et ceci à une heure de voiture de l’exubérant «Expo Tel Aviv». C’est un endroit que l’ONU juge inhabitable, indigne d’accueillir des humains l’année prochaine. L’an 2020 marque la fin de la vie de Gaza et personne ne semble s’en émouvoir. A l’heure actuelle, avec l’argent des Qataris, on sert une soupe claire et les queues de devenir plus longues. Mercredi 15 mai, des dizaines de milliers de Gazaouis se sont massés près des grillages pour marquer la Journée de la Nakba et les soldats leur ont tiré dessus.
De là, on se dirige vers l’est, vers la Cisjordanie. Territoires occupés. Aucun pays au monde ne reconnaît l’occupation. Deux peuples vivent ici: d’abord des colons juifs ont envahi ce territoire au cours des dernières décennies. Ils jouissent de tous les droits et de toutes les ressources ; ensuite les autochtones Palestiniens qui vivent ici depuis des siècles et qui sont privés de droits. La plupart de leurs terres ont été déjà volées, pillées par les colonies, parfois par la force et toujours avec le patronage de l’Etat d’Israël. Ce qui est de l’apartheid. C’est ce à quoi ressemble l’apartheid et c’est ainsi qu’il se conduit.
Dirigeons-nous vers le sud du mont Hébron, là où Israël exproprie même les troglodytes de leurs grottes. Visitons la section H2 d’Hébron. Une ville fantôme. Des milliers de Palestiniens qui vivaient ici ont fui à cause des colons. Imaginez qu’ici il y a des routes réservées aux seuls juifs. Au nord et au sud, il y a les camps de réfugiés d’al Faouar, d’al Arroub et de Deheicha. Une vision du Tiers Monde. Durant la Pâque juive, les résidents sont confinés derrière les check-points et par des soldats en armes: ainsi, les juifs peuvent célébrer leur fête. Vous pouvez voir des scènes similaires à travers toute la Cisjordanie et ce qui reste des terres des Palestiniens.
Et Lévy de conclure: «Nous voilà de retour au complexe de l’Eurovision où tout est luxe, fête et amusements. Levons notre verre à Israël, ce fantastique pays hôte.»
Un groupe techno-punk islandais dénonce l’apartheid israélien:
Comme en écho à l’article de Lévy, le chanteur techno-punk islandais Hataritout de cuir vêtu, a déclaré que «la réalité politique en Israël est contradictoire et absurde et que l’apartheid y est évident.» Lui et son groupe ont décidé de participer à l’Eurovision en Israël avec l’intention de protester contre la politique israélienne.
Le présentateur du groupe islandais- qui doit jouer samedi soir lors de la finale de l’Eurovision- a affirmé mardi devant le public de Tel Avivque «le visage le plus laid de l’occupation est la situation à Gaza.» Un membre de l’orchestre islandais, Matthias Tryggvi Haraldsson, de son côté, n’a pas froid aux yeux quand il dit: «L’Eurovision est une belle chose et elle est enracinée dans un esprit d’unité et de paix mais l’amener dans un pays marqué par un tel conflit est un acte politique et contradictoire.» Un autre musicien du groupe Klemens Nikulásson Hannigan affirme : «Nous avons changé complètement d’opinion en arrivant ici» évoquant la visite faite à Hébron sous la conduite d’un guide palestinien. Après avoir vu «les rues fantômes de la ville » et les commerces palestiniens fermés ainsi que les routes réservées aux seuls Israéliens, Hannigancommente : «la ségrégation est claire et nette.» Haraldssonapprouve et confirme : «L’apartheid est parfaitement clair à Hébron. » (Haaretz, 15 mai 2019)
Les deux musiciens disent que leur présence dans la compétition leur offre une tribune internationale pour critiquer Israël, pour rendre les gens, à travers le monde entier, conscients de ce qui se passe dans les territoires occupés d’autant que cela leur donne aussi un pouvoir de décision important sur l’ordre du jour et cela leur permet de mettre la protestation sur l’agenda de l’Eurovision.
Rappelons que l’Eurovision a été lancée dans les années 1950 pour créer le sentiment d’une nouvelle solidarité européenne dans un continent qui avait été ravagé par la guerre. Ainsi, on a prouvé avec succès l’engagement en faveur de la paix et de la solidarité. Mais écrit Anshel Pfeffer: «Depuis 71 ans les Israéliens ne se sont pas faits à l’idée de vivre au Moyen-Orient. Il est illusoire de penser qu’on peut échapper au Moyen-Orient. Quel que soit le nombre d’Eurovision qu’Israël accueillera, il ne fera jamais partie de l’Europe. » (Haaretz, 16 mai 2019)
Ainsi est pris qui croyait prendre : le piège se referme sur Israël….et Madonna en critiquant le BDS devant des millions de spectateurs prouve que les Palestiniens et tous les hommes épris de justice et de paix n’ont pas baissé les bras et elle a fait une belle publicité à ce mouvement de résistance non-violente.
Mohamed Larbi Bouguerra
(*) Ce type d’examens n’est pas une nouveauté. Il y a longtemps, un collègue universitaire palestinien de Jordanie m’a dit qu’il avait cessé de visiter les siens en Cisjordanie parce que ces examens étaient faits en public au pont Allenby !
(**) Les malades n’étaient autorisés à sortir de Gaza pour se faire soigner à l’étranger que s’ils consentaient à renseigner le Shin Bet.
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