Tunisie – Union Européenne: du bilatéral au partenariat d'association, au partenariat privilégié
Depuis des siècles l’espace méditerranéen a suscité, tour à tour, peurs et espoirs.
Aujourd’hui, les peurs n’ont plus de raison d’être car les Nations autour de la mer méditerranée ont appris à respecter leurs différences mutuelles. Par contre les espoirs ont grandi à la faveur de la consécration des principes de droit et des valeurs communes. Ces espoirs se reflètent à présent dans une architecture partenariale de plus en plus développée entre les deux rives de la méditerranée. Fière de son appartenance à cet espace, la Tunisie a parié dès l’indépendance sur la coopération avec l’Europe qui commence dès 1957 avec la signature du traité de Rome.
Ce n’est qu’en 1995 qu’on commence à parler d’un Partenariat euro méditerranéen à la faveur de la Conférence de Barcelone réunie les 27 et 28 Novembre de la même année. Ce partenariat a pour objectif de:
• Définir un « espace commun de paix et de solidarité »
• Construire une « zone de prospérité partagée »
• Développer des échanges culturels et humains entre les peuples de cette zone géographique.
L’Accord d’Association
L’Union Européenne s’est fixée l’année 2010 pour mettre en place une Z.L.E méditerranéenne entre elle et les Etats du Sud méditerranéen. La réalisation de ce projet passe par la conclusion d’accords d’association avec les Etats concernés dont le contenu est similaire dans la mesure où il cible :
• Le renforcement du dialogue politique entre les Etats partenaires
• La fixation de conditions de libéralisation progressive des échanges de biens, de service et de capitaux
• Le développement de relations économiques et sociales équilibrées entre les parties.
• L’intégration sud-méditerranéenne en favorisant les échanges entre les Etats.
• La promotion de la coopération dans les domaines économique, social, culturel et financier.
Il convient d’observer que l’axe commercial a été privilégié puisqu’il devait préparer l’économie au libre-échange. Toutefois, il n’a touché que la libéralisation du commerce des produits industriels soit 28% du PIB. La Tunisie a eu raison d’exclure de cette phase de mise en oeuvre de l’accord l’agriculture et les services qui avoisinent entre eux près de 70% du PIB et nécessitent des réformes profondes.
La mise en oeuvre de l’accord a montré la limite des mécanismes prévus pour réaliser un dialogue politique conséquent et faire respecter les principes démocratiques et les droits de l’homme tel que spécifié dans l’article 2 de l’accord. Aucune action d’envergure n’a eu lieu de la part de l’Union pour exiger une ligne de conduite conforme à l’esprit de l’accord. Le fait qu’on traite entre gouvernements et dans le
cadre d’enjeux très importants peut expliquer pourquoi on ferme souvent l’œil sur les excès.
Les objectifs visés plus haut ont-ils été atteints ? La réponse est non au moins en ce qui concerne le dialogue politique, le développement de relations économiques et sociales équilibrées entre les parties et surtout l’intégration sud-méditerranéenne qui se fait toujours attendre. L’exemple le plus frappant à ce sujet est l’inertie où se trouve la coopération intermaghrébine. Certes, l’Union Européenne n’est pas responsable de cet état de fait mais l’influence qu’elle exerce sur son voisinage et l’attrait de son marché expliquent en partie cette situation. Curieusement, l’intégration maghrébine pourrait être facilitée un jour par l’acquis du partenariat avec l’U.E. Toutefois, le bilan global de l’Accord d’association pour la Tunisie n’est pas négligeable en dépit des critiques estimant que cet accord a été conclu dans la précipitation.
En effet, il a permis:
• D’achever l’opération de démantèlement tarifaire pour les produits industriels
• De réviser (en 2000) le régime spécial se rapportant aux produits agricoles notamment l’huile d’olive dont le quota annuel d’exportation est passé de 46 000 t à 56 000t
• D’amorcer la nouvelle phase de négociation portant sur la libéralisation graduelle du commerce des produits agricoles et des services.
L’Accord d’association a été un grand défi pour la Tunisie mais aussi une grande
chance pour son tissu industriel car une vaste réforme structurelle a été effectuée pour préparer l’économie Tunisienne à gérer la nouvelle situation créée par l’Accord et affronter la concurrence extérieure dans de meilleures conditions. Le cadre juridique et institutionnel a été amélioré et une mise à niveau a été initiée dans les domaines de l’infrastructure, l’administration, les ressources humaines… l’impact s’en est fait sentir sur les exportations qui ont connu une impulsion à travers la simplification des formalités du commerce extérieur outre la restructuration des entreprises publiques et la mise à niveau de l’industrie pour améliorer la production, la productivité et le système de formation professionnelle…
A titre indicatif, le volume des échanges avec l’U.E. a connu une forte augmentation : 4 065 MDT d’exportations vers l’U.E. en 1995 ; 17 028 MDT en 2008.Les importations étaient de 5 328 MDT en 1995 et de 17 299 MDT en 2008 soit un taux de couverture de 98% contre 76% en 1995. Les investissements européens sont passés de
250 MDT en 1995 à 2 515.7 MDT en 2008, soit 10 fois plus.
Il y a eu aussi une augmentation du soutien financier depuis la conclusion de l’Accord. La mobilisation des fonds Européens pour la même période à travers l’instrument MEDA (I et II) a atteint 1 094 M d’euros sous forme de dons et 2424 M d’euros sous forme de prêts à long terme soit 3 518 M d’euros en tout. Ce qui fait de l’U.E. le premier partenaire commercial de la Tunisie (70% du commerce extérieur de la Tunisie), le premier fournisseur d’aide et le premier investisseur également. Il est clair que le pari sur le partenariat avec l’U.E. est un pari gagnant et ceux qui critiquent la dépendance accrue de la Tunisie vis-à-vis de l’Europe n’ont pas complètement tort bien qu’ils cachent mal leur refus que la Tunisie partage des valeurs communes avec cet ensemble.
La politique Européenne de voisinage (P.E.V)
Un développement important du côté de l’Europe allait introduire des améliorations dans l’approche et le concept de partenariat. En effet, suite à la dislocation du Bloc Socialiste et dans le sillage du grand élargissement de l’Union en direction de l’Est en Mai 2004, une nouvelle politique a été édifiée progressivement sous le sigle Politique Européenne de voisinage (P.E.V)
Cette nouvelle politique est destinée à consolider les relations préexistantes entre l’U.E. et ses voisins du Sud mais aussi avec les pays de l’Est de manière à aller plus loin en termes d’objectifs et de réalisation par le biais de Plans d’action. Ces instruments bilatéraux rendent les dispositions des accords précédents avec les Etats voisins plus concrètes et plus précises. Il faut rappeler que les Plans d’action diffèrent des Accords d’association qui ont une structure très semblable. Ils prennent en considération, beaucoup plus que les Accords d’association, les intérêts de chaque partenaire, ses besoins spécifiques, ses capacités d’absorption et ses priorités en matière de réforme.
Il y a toutefois un minimum de cohérence à préserver qui se reflète dans un nombre incontournable de priorités telles qu’un dialogue politique efficace, la préservation des valeurs communes, le rapprochement du marché intérieur, une coopération approfondie dans le domaine de la justice…
La dimension sécuritaire, dans le sens le plus large, représente sans doute le fil conducteur qui relie les différentes composantes de rapprochement entre l’U.E. et son voisinage (sécurité des frontières, du marché intérieur, des mouvements financiers…)
La Tunisie a adopté son premier Plan d’action en 2005. Ceux qui ont été impliqués dans la mise en oeuvre de la P.E.V savent que cette nouvelle approche n’a pas introduit un changement radical dans les relations avec les pays sud-méditerranéens. Au-delà des nouveaux slogans, le traitement particulier sensé prendre en considération les spécificités de chaque partenaire était difficile à réaliser face au nombre accru de partenaires qui englobe maintenant des pays partenaires de l’Europe de l’Est soit en tout 16 partenaires auxquels a été allouée une enveloppe financière de 11 milliards d’euros sur la période 2007-2013. Le Partenariat Oriental lancé le 7 mai 2009 à Prague et comprenant six pays de l’ancien bloc soviétique à savoir l’Arménie, l’Azerbaîdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la République de Moldavie et l’Ukraine dispose en plus d’un budget spécial s’élevant à 600 millions d’euros pour la période 2010-2013.
Aussi, le travail des organes paritaires et notamment les sous-comités de nature politique était-il souvent cantonné dans un exercice d’échange de points de vue sans suivi périodique conséquent. Le dialogue politique efficace jugé prioritaire n’était pas toujours au rendez-vous.
Le partenariat pour la Démocratie
La révision de la PEV est devenue nécessaire au lendemain des révolutions arabes. La Haute Représentante Catherine Ashton a publié conjointement avec la commission Européenne un communiqué sur un ‘Partenariat pour la démocratie et une prospérité partagée’ où l’on parle d’une nouvelle stratégie à l’égard d’un voisinage en mutation qui se fonde sur de nouveaux éléments dont le principe consiste à « donner plus pour recevoir plus », l’importance de la responsabilisation réciproque entre l’U.E. et ses partenaires et la nécessité de partenariats conclus non seulement avec les gouvernements mais aussi avec la société civile. La nouvelle politique fait preuve d’une plus grande souplesse et offre un cadre pour des réformes adaptées aux nouvelles situations. Des actions additionnelles ont été décidées en faveur des partenaires comprenant entre autre :
• La nomination en juillet 2011 d’un Représentant spécial pour le Sud de la Méditerranée. (Bernardino Léon)
• L’adoption de programmes cadres financiers (SPRING pour le Sud et EAPIC pour l’Est) destinés à mettre plus rapidement à disposition les fonds supplémentaires annoncés en 2011. L’objectif poursuivi est de soutenir la transformation démocratique, le renforcement des institutions et une croissance accrue dans les pays partenaires.
• La mobilisation hors budget par la Haute Représentante et la Commission Européenne d’une aide financière en faveur de la transition dans les pays du
voisinage ;
• Les plafonds des prêts aux partenaires ont notamment été portés par la B.E.I à 1150 millions d’euros et le mandat de la BERD a été étendu pour couvrir les pays du Sud.
• Le lancement en Septembre 2011 d’un mécanisme de financement pour la Société Civile couvrant l’ensemble des pays de la P.E.V.
A signaler que seuls les partenaires souhaitant s’engager dans des réformes politiques respectant les valeurs universellement reconnues des Droits de l’homme, de la Démocratie et de l’Etat de droit, peuvent bénéficier des aspects les plus avantageux de la nouvelle politique de l’U.E. (intégration économique, mobilité des personnes et un plus grand soutien financier).
La Tunisie répond à ces critères et son souhait de s’engager dans un Partenariat privilégié avec l’U.E. est devenu réalisable. En tant qu’initiateur du « Printemps Arabe », notre pays jouit d’un préjugé favorable pour accéder à ce nouveau statut, mais il bénéficie aussi de l’expérience d’une équipe de négociateurs qui a préparé le dossier Tunisien et mené les premiers rounds de négociation avec l’U.E. en septembre, octobre et décembre 2010, juste avant la révolution.
Le Partenariat privilégié
La reprise des négociations en 2012 a abouti à l’adoption le 19 novembre de la même année d’un Plan d’action pour les années 2013-2017 confirmant ainsi l’octroi à la Tunisie du statut de Partenaire privilégié. L’événement a été sanctionné par une déclaration du Conseil de l’U.E. qui définit le plan d’action comme une « feuille de route ambitieuse qui traduit la volonté de la Tunisie de développer les réformes dans tous les domaines ».
Il s’agit selon le document d’un « accord politique » et d’un « cadre stratégique pour l’accompagnement de l’U.E. aux réformes et au processus démocratique ».La déclaration évoque les attentes de la Tunisie en termes de soutien politique et économique ainsi que ses priorités en matière de commerce et de mobilité. L’U.E. confirme dans cette déclaration « son plein appui à la transition en soulignant l’importance de consolider la protection des Droits de l’Homme, des libertés et de l’Etat de droit et en relevant le rôle important de la Société Civile». Elle y réitère son offre d’une intégration progressive de la Tunisie dans le marché intérieur Européen, d’une relance des négociations de libéralisation du commerce agricole et d’avancées rapides dans les négociations aériennes et d’une amélioration des conditions de mobilité pour les citoyens Européens et Tunisiens à travers la conclusion d’un Partenariat Mobilité.
Le Plan d’action comporte trois grands chapitres portant sur la coopération politique, l’intégration économique et sociale et la dimension humaine et scientifique appelée aussi Rapprochement entre les peuples.
Une quatrième partie est réservée au soutien et accompagnement de la mise en œuvre du Plan d’action comprenant aussi bien l’appui technique et financier que la participation de la Tunisie aux programmes et agences de l’U.E.
Evoquant les nouvelles priorités de la Tunisie après le 14 janvier, le Plan d’action décrit la Révolution Tunisienne comme porteuse de « l’espoir d’une vie meilleure pour les citoyens et d’une nouvelle approche basée sur l’édification d’un nouveau projet de société qui se veut inclusif et équilibré, fondé sur la bonne gouvernance, la transparence et la répartition équitable des richesses ».
Comment définir le Partenariat Privilégié ?
Tout simplement comme une nouvelle étape qui s’inscrit dans le cadre de la PEV et qui a vocation à offrir une visibilité politique et stratégique aux relations du pays concerné avec l’U.E. et ce, par l’intermédiaire d’une coopération plus large et plus approfondie. En d’autres termes : tout sera ouvert aux partenaires du Sud sauf les institutions.
Quelles sont les perspectives de mise en oeuvre du plan d’action ?
Il faut rappeler, d’abord, que l’U.E. a opéré au lendemain des révolutions du Printemps arabe. une révision de la P.E.V qui a introduit des correctifs importants subordonnant le volume de l’aide à la performance politique et économique de chaque partenaire. Cette révision est dictée par la conviction que certains partenaires s’engageraient dans le processus de coopération avec l’U.E. sans l’intention de réaliser les réformes démocratiques. Désormais, les partenaires sont avertis que tout octroi de fonds dans ce cadre doit trouver sa justification sur le terrain.
La Tunisie a pu mesurer lors des négociations et à l’occasion de visites officielles de nos responsables à Bruxelles et dans d’autres capitales européennes l’intérêt primordial qu’accorde l’U.E. à l’engagement et à la poursuite des réformes démocratiques dans notre pays. Dès lors, l’adoption du nouveau Plan d’action confirme l’engagement du gouvernement Tunisien d’honorer cet accord et donne le coup d’envoi pour sa mise en œuvre.
Toutefois, le contexte actuel pose une série de défis devant la transition:
D’abord au niveau économique: l’économie Tunisienne a été affectée par la Révolution et l’instabilité qu’elle a générée à tous les niveaux. L’impact a été aggravé par un environnement régional et international adverse et l’absence d’un projet économique et social qui puisse opérer des réformes dans les secteurs affectés. Il est à craindre que le ralentissement de la croissance, l’exacerbation du chômage, les remous sociaux et l’instabilité freinent les diverses réformes et mises à niveau recommandées par le Plan d’action. Mais d’aucuns restent confiants que l’administration et le tissu économique Tunisiens utiliseront leur acquis en matière d’ajustement structurel pour mener les grandes actions de stabilisation du cadre macro-économique, de consolidation de la gestion des finances publiques et de poursuite de la réforme fiscale.
Il en est de même pour les priorités en matière de gouvernance, de compétitivité et d’environnement des affaires. Quant à l’Accord de Libre Echange Complet et Approfondi (ALECA) prévu par le Plan d’action, il portera sur la libéralisation de grands secteurs de l’économie Tunisienne; il sera, de ce fait, l’objet d’âpres négociations.
L’ALECA et la libéralisation des secteurs sensibles
Les secteurs de l’agriculture et des services sont concernés à court terme par la libéralisation et suscitent de grandes appréhensions en raison de leur caractère sensible et des réformes profondes qu’ils nécessitent.
L’agriculture, secteur traditionnel, estimé à 12% du PIB, mobilise près de 540 mille agriculteurs et 70 mille pêcheurs et souffre de plusieurs carences dont un problème de financement bancaire, l’ambiguïté au niveau de la situation foncière de beaucoup de terres agricoles, le morcellement, le nombre réduit d’investissements par rapport au nombre des agriculteurs, des problèmes sectoriels tels que le net recul de l’investissement dans les terres domaniales (160 mille ha), le manque d’investissement dans l’aquaculture etc…
Des solutions sont recherchées actuellement dans la refonte du Code d’Investissement et l’approche asymétrique (plus d’avantages aux investissements agricoles). Ces solutions parmi d’autres pourraient revigorer ce secteur. Du côté de l’U.E., la Politique Agricole Commune (PAC) établie par les premiers fondateurs du Marché commun est toujours en vigueur. Elle reste restrictive entre autres pour les produits originaires de Tunisie. Les trois rounds de négociations que la Tunisie a eus en 2008-09 avec l’U.E. ont porté sur un nombre de questions importantes telles que la période de démantèlement tarifaire, l’asymétrie, les mesures d’accompagnement, la liste négative, le principe de progressivité, le délai de grâce etc… les points de vue ne concordent pas toujours. Ce secteur a une dimension sociale très sensible et la libéralisation doit se faire avec beaucoup de prudence.
Quand au secteur des services, il est estimé à 60% du PIB et englobe une gamme d’activités très large (tourisme, services financiers, secteur postal, assurance, TICs…) comme le secteur de l’agriculture, il présente des faiblesses et des fragilités et ne pourra être libéré qu’après des réformes structurelles profondes. Outre les négociations entamées en 2006 à un niveau régional euro-méditerranéen dans le cadre d’un document de principes généraux, la Tunisie a eu un premier round de négociations bilatérales sur les services avec l’U.E. en Mars 2008. Au cours de ce round, elle a attiré l’attention sur la nécessité d’entreprendre une démarche garantissant des engagements asymétriques et des agendas temporaires avec une phase de transition raisonnable conformément aux dispositions du GATS.
Les questions dites de « mode 4 » (concernant le mode de prestation de service nécessitant un mouvement temporaire des personnes physiques) et notamment la question des visas, la reconnaissance mutuelle des qualifications et des diplômes, les moyens d’accompagnement financier et technique des programmes normaux de mise à niveau du secteur des services ont figuré en tête des préoccupations Tunisiennes.
Un deuxième round de négociation s’est tenu en juin 2009 sur le projet de protocole soumis par l’U.E. et les contre-propositions Tunisiennes mais la partie européenne n’a pu se prononcer sur les questions de visa et de reconnaissance des diplômes jugées du ressort des législations nationales des 27. Peut-être qu’un accord sur la mobilité prévu par le Plan d’action permettra de régler la question des visas et facilitera le mouvement temporaire des personnes physiques en direction des pays de l’Union.
On peut espérer, outre l’effort requis pour la préparation de ces deux secteurs à la libéralisation, moyennant un minimum de stabilité sociale et l’engagement des réformes et mises à niveau nécessaires, une mise en œuvre acceptable des actions prévues dans la partie économique du Plan d’action.
Pour le volet politique et sécuritaire, la situation est différente. La Tunisie fait face après la Révolution à l’impératif de forger son propre système démocratique en créant de nouvelles institutions respectant la volonté du peuple Tunisien. La tâche n’est pas aisée.
Les blocages politiques et le concept Tunisien de dialogue national
En effet ,la Tunisie n’a pas d’acquis en matière de démocratie même si tout au long de l’année 2011 le gouvernement provisoire a pris des mesures dignes d’un processus démocratique effectif et crédible allant de la libération des prisonniers politiques et du retour des Tunisiens en exil, à la libre formation des partis politiques, la promulgation d’une loi électorale consensuelle et l’organisation d’élections libres dont la transparence a été reconnue par les observateurs internationaux.
Les actes de violence qui se sont multipliés au cours de la période suivante et qui ont atteint leur paroxysme par l’assassinat politique le 6 février 2013 de feu Chokri Belaïd, premier responsable du Parti des Nationalistes Démocrates (P.N.D), corroborent sans doute le constat que tout reste à faire en matière d’enracinement de la culture démocratique dans notre pays. Mais ils ont révélé aussi combien les Tunisiens sont opposés à ces actes qu’ils ont condamnés et décriés et combien ils sont déterminés à aller de l’avant pour instaurer la démocratie et l’état de droit. La Tunisie peut se targuer aujourd’hui d’avoir l’une des Sociétés Civiles les plus vibrantes et les plus actives sur la rive Sud de la méditerranée et on a pu constater depuis janvier 2011 l’impact de son action mobilisatrice à l’échelle nationale. Assurer une transition démocratique sans grands bouleversements et sans violence est aujourd’hui un souci majeur pour le peuple Tunisien. La stabilité et la pérennité du pays en dépendent.
La mise en œuvre du partenariat avec l’U.E. dépendra surtout de l’aboutissement du processus démocratique. La conditionnalité liant l’octroi d’avantages financiers et techniques à la performance politique se reflète clairement dans la P.E.V telle que révisée après les révolutions arabes et désormais dans les plans d’action des pays du voisinage. Le fait nouveau aujourd’hui est que la révolution nous a permis de nous réconcilier avec les valeurs universelles des droits de l’homme, la démocratie et l’état de droit. Théoriquement, la démocratie n’est plus incompatible avec le système arabe
de gouvernement.
En concluant le Partenariat privilégié avec l’U.E., nous nous sommes engagés, par conséquent, à parachever le processus démocratique et édifier les institutions qui contrôleront la transition. Cette responsabilité nous incombe et nous devons tout mettre en œuvre pour réussir ce pari. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons réclamer un effort plus solidaire de la part de l’U.E.
Mohamed Lessir
Ancien Ambassadeur - Directeur Général pour l’Europe et l’Union Européenne
au Ministère Tunisien des Affaires Étrangères, Négociateur en chef du « Statut Avancé » pour la Tunisie.
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