Attentats meurtriers en Somalie : le pays en guerre civile depuis plus de quarante ans…
Par Samir Ghrabi - Ce pays, la Somalie, revient à l’actualité avec un attentat sanglant, commis le 28 décembre, le énième depuis 1978… Pour mieux comprendre ce qui se passe dans ce pays – qui est membre de la Ligue des Etats arabes et membre de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) –, il faut revenir sur son passé récent.
Terre de violences tribales acharnées, terre sous influences, terre convoitée, la Somalie s’appelait à l’époque des Pharaons «pays de Dieu» (Pount Land). Ce vaste territoire forme la «Corne de l’Afrique» (voir la carte): délaissé par les Pharaons, il devient la convoitise des premiers Musulmans (conquérants), puis des Ethiopiens, des Français, des Italiens et des Britanniques…
Le sultanat musulman (qui en avait fait un comptoir des esclaves et des épices entre l’Afrique et l’Arabie d’en face) cède sous la force des trois puissances maritimes de l’époque. Les Français prennent alors une petite partie stratégique autour d’un port (appelée Djibouti), les Italiens une autre (Somalie italienne) et les Britanniques la troisième part (Somalie britannique). Les Ethiopiens restent gaga… (ils feront après la guerre de l’Ogaden qu’ils perdront).
Les étrangers exploitent le pays, et laissent les nombreuses tribus somaliennes à leur sort, comme main d’œuvre à temps partiel. Le reste du temps, de l’après midi à l’aube, les Somaliens mâchent une herbe folle qui les rend insouciant: le «khat» (qat) qui a été introduit par les Arabes, en particulier les Yéménites. Cette plante tranquillisante, à ce jour consommée (mastiquée, jamais avalée, des heures et des heures) dans toute la Corne. Elle arrive du Yémen en toute légalité par petits avions à Djibouti, en Erythrée et en Ethiopie.
Les «Chabab», ex loubards convertis au «jihadisme», certains groupes se sont affiliés à Al-Qaïda et d’autres à Daesh – ont transformé ce qui leur reste de ce pays en arène de combat pour un «califat islamique en Somalie», notamment Harakat al-Chabab al-Moudjahidin (arabe: حركة الشباب المجاهدين,) et l'Union des tribunaux islamiques en arabe اتحاد المحاكم الإسلامية))…
La Somalie est le fruit de la fusion entre les deux territoires colonisés par l’Italie et le Royaume Uni. Les deux Etats devenus indépendants en 1960 ont fusionné. Pour le pire. Pas pour le bien. Les tribus se sont tellement chamaillées qu’un commandant – Mohamed Siad Barre – décide de prendre le pouvoir en assassinant le président de la République unie (21 octobre 1969), imitant en cela le colonel Kadhafi en Libye (1er septembre 1969). Les deux finiront mal, tout comme leur pays: le dictateur Siad Barre est contesté chez lui dès 1978 et doit s’enfuir après à une guerre civile (1978-1991), Kadhafi aura encore vingt ans devant lui (2011).
Depuis la chute de Siad Barre (il mourra en exil au Nigeria en 1995), la Somalie est devenue un Etat déliquescent. Malgré les efforts de l’Union africaine et de l’Onu, malgré les bombardements américains, les Chabab tiennent entre leurs mains le «mini pouvoir» qui gouverne sur la capitale Mogadiscio. Ils défient la communauté internationale. Mais, ils trouvent des soutiens diaboliques ici et ailleurs (pour leur fournir armes, munitions, véhicules, télécommunications…)
Le pays est aujourd’hui morcelé en trois : les tribus qui contrôlent le Somaliland (ex territoire britannique) ont autoproclamé leur indépendance en 1991, suivies par celles qui contrôlent une partie de l’ex-territoire italien, qui ont proclamé leur «autonomie» sur le Puntland, en1998. Voir carte.
Quand j’ai appris l’attentat meurtrier du 28 décembre, je n’étais pas évidemment surpris: une voiture piégée explose et fait 79 morts (1er bilan), parmi eux des étudiants en vacances. L’explosion a été «dévastatrice», selon la description d’un responsable policier de Mogadiscio. Il est le plus grave depuis octobre 2017 (un camion piégé avait tué plus de 500 personnes).
Comme le pays du dictateur Siad Barre, celui de Kadhafi risque de connaître le même sort, livré qu’il est au «jihadisme» meurtrier et aux interventions étrangères aventureuses et celle à venir, celle de la Turquie. Si la Somalie ne possède pas de richesses pétrolières mais seulement un «site» stratégique, la Libye, elle, possède les deux à la fois. Au grand dam de son peuple et de ses voisins!
Samir Gharbi
- Ecrire un commentaire
- Commenter