Taycir Masmoudi: Les entreprises tunisiennes impactées par le Coronavirus à la quête d’un repêchage
«Comme hier, le sauvetage de l'entreprise et donc la continuation de son exploitation constituent le mot d'ordre du nouveau droit des entreprises en difficulté»(1).
«Il s’agit d’’une situation inédite. La clé sera de permettre aux entreprises de retrouver leur situation d’avant la crise(2)
Le sauvetage ou repêchage des entreprises passant par des difficultés économiques a constitué depuis longtemps une préoccupation majeure du législateur.(3) Les dispositions du (nouveau) code de commerce régissant les procédures collectives(4), telles que introduites dans le dit code en vertu de la loi n° loi n° 2016-36 du 29 avril 2016, relative aux procédures collectives(5), traduisent nettement le souci législatif pressant de veiller au sauvetage de ces entités économiques et sociales(6), et sa conscience de la place primordiale qu’elles occupent non seulement dans la floraison de l’économie tunisienne, mais aussi de sa contribution dans la subvention des besoins vitaux d’une grande partie de la population tunisienne(7).
La continuation de l'exploitation de l'entreprise et le maintien de l'emploi constituent les maîtres-mots du droit des entreprises en difficultés(8). Cependant, si les finalités sont inchangées, le législateur s'est attaché à renforcer la prévention des difficultés d'exploitation susceptibles d'être rencontrées par les entreprises en introduisant de nouvelles procédures telles que notamment la procédure de sauvegarde.
Le droit des entreprises en difficulté a ainsi vocation à s'appliquer non seulement à toute entreprise commerciale ou civile (ex.: agricole ou artisanale(9)) en état de cessation des paiements, c'est à-dire dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible au moyen de son actif disponible, mais aussi à celle qui éprouve des difficultés juridiques, économiques ou sociales de nature à compromettre à terme la continuité de son activité.
Dès lors, les difficultés économiques, financières et sociales engendrées par la crise sanitaire mondiale de Coronavirus ¨peuvent en principe entrer dans le champ d’application de la dite législation: le droit des entreprises en difficultés devrait jouer un rôle majeur dans le but de prévenir la cessation de l’activité des entreprises.
En fait, l’impact socio-économique provoqué par la crise sanitaire du Covid-19 est massif au point qu’il touche presque toutes les entreprises économiques, compromette sérieusement leur continuité et affaiblisse leur résistance(10). Les entrepreneurs, hommes d’affaires et propriétaires d’entreprises expriment leur perplexité face à la situation de leurs firmes et du marché suite à la propagation de l’épidémie, sollicitant ainsi un urgent repêchage, et posant plusieurs interrogations en ce temps inédit concernant le déroulement des procédures tendant au recouvrement de leurs créances, les mesures de protections des salariés, télétravail, chômage, approvisionnements, fermeture, fonctionnement et organisation des entreprises…. etc.
Dans ce contexte inédit, le gouvernement a tant de fois confirmé sa détermination à accompagner toutes les entreprises par des mesures aussi fortes que nécessaires de nature à réduire l’impact, et à mobiliser tous les moyens financiers nécessaires pour tenter de sauver ces entités sociétales et sociales, et par la suite l’économie du pays(11). Et effectivement, le gouvernement a diffusé une panoplie de mesures destinées à soutenir les entreprises tant sur le plan économique et financier que sur le plan social pour faire face à la crise de Coronavirus(12). Les autorités tunisiennes compétentes s’efforcent également à assurer qu’aucune de celles-ci ne sauraient livrées à la faillite et au naufrage.
Mais, au delà des mesures gouvernementales exceptionnelles, ces entreprises en difficultés peuvent-elles aujourd’hui bénéficier réellement des procédures collectives telles que régies par le code de commerce ? Et quels sont les moyens et armes juridiques appropriées pour permettre aux entreprises sinistrées de faire face à l’arrêt brutal de l’économie découlant de la propagation de l’épidémie de Covid-19 ?
Depuis que le pays est entré en état d’urgence sanitaire et dans une «dormition», ni les procédures amiables ni les procédures judiciaires ne pouvaient matériellement être ouvertes par l’effet de cette force majeure: Les tribunaux étant fermés, les audiences ne se tenaient plus et sont donc suspendues, engendrant ainsi une sorte de paralysie dans la vie judiciaire et juridictionnelle risquant d’échoir les droits des justiciables.
Les entreprises sinistrées par l’épidémie Covid-19, et dont le salut ne pouvait pourtant passer que par de telles procédures, se trouvaient donc privées de la possibilité d’y recourir en vue de concevoir un accord de règlement amiable avec leurs créanciers, ou un règlement judiciaire de leur situation et par la suite un plan de restructuration ou, à défaut, un plan de cession à un repreneur.
Eu égard à la situation de confinement exigée par l’état d’urgence sanitaire, le recours à la digitalisation ou au mode en digital non seulement dans le fonctionnement de la justice, mais également dans la vie économique et celle des affaires devient une nécessité, pourvu qu’elle soit encadrée par la loi et ce pour éviter les effets désastreux pouvant être causés par la numérisation. Pourtant, vu le contexte non propice de la crise sanitaire, la digitalisation ne pourrait être qu’une solution «post-Covid» (I). La solution à aujourd'hui, ne peut consister que dans la suspension ou même dans l’exigence d’un moratoire sur les délais de procédures pendant la durée du confinement (II).
I-La digitalisation, une solution future indispensable
La digitalisation ou la transformation en digital(13) devient une nécessité et un signe de modernité. La crise sanitaire de Coronavirus montre combien on a trop besoin de cette technique non seulement dans le fonctionnement de la justice, mais aussi dans la vie économique et celle des affaires.
Une digitalisation de la justice: cette paralysie des tribunaux ne pourrait désormais être surmontée qu’en optant pour la tenue des audiences en visioconférence. D’ailleurs, on a beaucoup plaidé pour une transformation numérique de la justice en Tunisie(14), à l’instar des pays développés où les nouvelles technologies ont offert aux autorités de nouveaux moyens pour désengorger les tribunaux et pour accéder ou rendre plus facilement la justice à moindre coût(15). D’ailleurs, ce qui est à reprocher dans le système judiciaire tunisien c’est qu’il soit encore basé sur des procédures qui sont très liées à l’environnement papier, à la signature manuscrite et au courrier recommandé, et qui exigent la présence physique des différents protagonistes du procès dans les tribunaux.
Or dans ce contexte de crise sanitaire, où les tribunaux sont fermés eu égard au confinement total, les pouvoirs publics sont tenus de tirer pleinement profit de la transformation numérique en cours pour améliorer l’accessibilité et l’efficacité de la justice tunisienne.
Une fois instaurée, la digitalisation permettrait certainement au public et surtout aux justiciables et aux avocats d’accéder aux décisions judiciaires en ligne surtout qu’actuellement l’accès par voie électronique est limité à quelques arrêts de la cour de cassation uniquement, les décisions rendues en première instance et en appel n’étant pas accessibles. De surcroit, la numérisation permettrait le dépôt en ligne des recours contre les décisions judiciaires(16).
De même, en recourant à la digitalisation de la justice et au mode numérique, les mandats amiables et les procédures collectives tendant à trouver une solution pour les entreprises en difficultés, vont donc à nouveau pouvoir s’ouvrir, ce qui est décisif à de nombreux égards et notamment pour les salariés, puisque le déclenchement d’une procédure collective peut être le moyen de faire prendre en charge par l’organisme compétent pour les salaires que l’employeur n’est plus en mesure de payer.
La digitalisation de la vie économique et celle des affaires
La digitalisation des entreprises devient une nécessité dictée par le succès de l’économie numérique(17). L’augmentation des exigences de productivité et de compétitivité rend la digitalisation inévitable. La digitalisation est l’intégration des technologies numériques dans les processus commerciaux et sociaux dans le but de les améliorer. En effet, à travers divers supports numériques de communication, le client doit pouvoir trouver toutes les informations sans chercher à rentrer très facilement en contact avec l’entreprise. De surcroit, grâce à la digitalisation, il n’existe plus de barrières géographiques entre les collaborateurs, dans la mesure où elle permet de communiquer des informations en un temps record de manière instantanée.
Défi inévitable pour l’organisation et le bon fonctionnement des entreprises et sociétés, la digitalisation a pour avantages d’accélérer l’interaction entre les entreprises et leurs clients. Toutes les entreprises doivent donc passer à la modernité en adoptant ce mode de numérisation et rejoignant par là le secteur bancaire qui a pris ce pat vers la digitalisation il y a un temps(18).
Néanmoins, nul ne peut nier les effets nuisibles de ce mode «en digital»: La digitalisation a pour effet de multiplier les canaux de communication et de multiplier par conséquent les risques de déperdition de l’information. Il est donc important de réglementer et de prévoir des règles juridiques destinées à encadrer ce mode numérique dans les affaires, à assurer la sécurisation des informations et à détecter les transactions suspectes.
II-Les palliatifs: imposer une suspension ou même un moratoire sur les délais de procédures pendant la durée du confinement
Parmi les mesures exceptionnelles prises, en vue de faire face à la propagation du Coronavirus et de contrer les répercussions de la pandémie, figure le décret-loi n° 8-2020, en date du 17 avril 2020 relatif à la suspension des procédures et des délais(19).
Cette mesure de suspension des délais judiciaires de recours et d’exécution jusqu’à la fin de la période de confinement total a pour objectif de préserver les droits des justiciables et de veiller au respect de la sécurité juridique. D’ailleurs cette solution de suspendre les délais de recours ou d’exécution n’est pas étrangère à la logique même du droit des procédures collectives dans la mesure ou suite à une ouverture de la procédure de règlement amiable ou de règlement judiciaire, toutes les actions et les procédures tendant au recouvrant des créances antérieures au déclenchement de ces mesures de redressement doivent être suspendues et reportée après la conclusion d’un accord de règlement amiable ou la prononciation par le tribunal d’une solution de redressement(20).
Cette suspension des délais pourrait par exemple courir à partir de la date d’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire et jusqu’au jour succédant à sa levée.
Certes cette mesure peut être reprochée par plusieurs personnes notamment les créanciers sociaux, surtout que les procédures collectives renferment en elles mêmes des reports et suspensions de procédures. Néanmoins, la solution présenterait l’avantage majeur de concilier d’une part la santé publique et les intérêts supérieurs de la nation, et d’autre part, les intérêts privés. En fait, le bénéficiaire d’un jugement peut croire qu’une prolongation ou suspension du délai lui est préjudiciable. Mais dans les faits, ses droits seront malgré tout et en tout état de cause préservés. Alors si cette mesure est concrétisée, elle veillerait à la préservation simultanée des intérêts général et particulier.
Non seulement les délais judiciaires de recours et d’exécution qui devront être suspendus, mais également les délais de prescription. Les délais de déclaration des créances dans les procédures collectives doivent également être suspendues, les bureaux de syndics étant censées de traiter ces déclarations, sont fermés eu égard les mesures sanitaires en vigueur.
Un délai de grâce peut paraitre utile suite à cette circonstance
Outre la suspension des délais de recours et d’exécution, divers autres outils juridiques sont à la disposition des chefs d’entreprises pour parvenir à franchir la crise économique et financière. La possibilité de faire bénéficier les entreprises touchées par un délai de grâce n’est pas à écarter. Le droit civil prévoit expressément qu’un délai de grâce peut être accordé au débiteur, qui est ici l’entreprise passant par des difficultés économiques et financières. En ce sens, l’article 137 COC (code des obligations et des contrats) prévoit que «Le tribunal ne peut accorder aucun terme ni délai de grâce, s’il ne résulte de la convention ou de la loi ….Toutefois, et en dehors des cas ou il s’agit d’un recouvrement d’une créance de l’Etat, d’une commune ou d’un établissement public d’Etat, un délai raisonnable pourra être accordé pour l’exécution du jugement avec la plus grande réserve et s’il ne doit en résulter aucun inconvénient grave pour le créancier, quand le débiteur aura justifié que ce terme favorise sa libération en lui permettant de conclure un emprunt à meilleures conditions, ou également quand il apparaitra que l’inexécution de son obligation provient de circonstances indépendantes de sa volonté. Le délai ne devra ni excéder la durée d’une année ni être renouvelé. Le juge pourra accorder au débiteur la faculté de se libérer par paiements échelonnées…».
Accentuation du rôle des commissaires aux comptes de l’entreprise dans l’alerte
Les effets de la crise sanitaire sur l’activité des entreprises doit inviter les commissaires aux comptes à une vigilance encore plus accrue sur l’analyse de la situation des entités dont ils certifient les comptes, et sur la prévention des difficultés auxquelles elles peuvent être confrontées(21).
Dans ce sens, les commissaires aux comptes doivent utiliser leur jugement professionnel pour prendre en compte la situation exceptionnelle actuelle et proposer une approche adaptée de la prévention des difficultés en temps de crise sanitaire et économique mondiale.Ils doivent notamment garder à l’esprit l’utilité majeure de cette procédure qui est destinée à faire réagir le dirigeant le plus rapidement possible pour trouver une solution ou, en l’absence de réaction, à informer, postérieurement à la crise, le tribunal compétent pour faciliter la mise en œuvre des mesures aptes à sauver l’entreprise lorsqu’il en est encore temps, notamment en la mettant à l’abri des poursuites de ses créanciers.
Le télétravail une solution à présent adoptée mais dépourvue de base légale: Pour une réglementation du télétravail
L’épidémie de Coronavirus oblige un nombre d’ entreprises à opter pour le télétravail afin d’éviter les déplacements, en offrant la possibilité de travailler à distance. De ce fait, le recours au télétravail, constitue une possibilité ou une option clairement choisie pour soutenir l’entreprise économique lors du Coronavirus. Néanmoins, le télétravail n’a pas le vent en poupe en Tunisie et peu d’entreprises qui offrent à leurs employés la possibilité de travailler à distance.
Le télétravail, est défini comme une organisation du travail par laquelle le salarié exécute régulièrement les fonctions qu'il exerçait ou pourrait exercer dans les locaux de l'entreprise, en dehors de ceux-ci en utilisant les technologies de l’information. Cette mesure permet aux entreprises d’organiser la poursuite et la continuation de l’activité, à domicile de leurs salariés avec leur accord, soit avec l’aide des institutions représentatives du personnel s’il en existe ou directement avec les salariés.
Notre législateur n’a réglementé le télétravail ni dans le code de travail, ni dans de textes spéciaux. Mais rien n’empêche de recourir à ce mode de travail pour les entreprises lors ce cette période exceptionnelle, en attendant que le législateur intervienne pour réglementer ce mode digitalisé et être au courant de la modernité. Certes l’article 6 du code de travail ne constitue pas un obstacle pour les entreprises souhaitant la mise en place de ce mode de travail, puisqu’ en définissant la relation de l’employé à son employeur, l’article 6 dudit code n’a pas exigé que les tâches soient exécutées dans les locaux de l’entreprise(22). Toutefois la consécration légale du télétravail est indispensable voire inéluctable. C’est d’ailleurs ce que le professeur Hatem Kotrane a exprimé en écrivant que «Le décret-loi n° 2020-2 du 14 avril 2020(23) aurait dû aller plus loin en vue de donner une base légale au télétravail, inconnu du Code du travail et qui s’est avéré, pour nombre d’entreprises et de travailleurs, le moyen le plus efficace pour lutter contre la diffusion du coronavirus «Covid-19»(24)
Dans l’attente d’une disposition légale régissant ce mode «en digital» de travail, et eu égard au recours de plusieurs entreprises au travail à distance lors de cette crise sanitaire de Coronavirus, la situation de télétravailleurs avec ces réseaux de travail à domicile demeure incertaine. Dès lors, diverses interrogations peuvent se poser dont la plus importante est la suivante: Que se passe-t-il si un accident survient lors d’une session de travail à distance : S’agit-t-il d’un accident de travail ?
Tant que l’employé était en train d’exécuter les tâches qui lui ont été confiées par son employeur, il s’agit bel et bien d’un accident de travail.
De l’admission éventuelle de ce mode de travail à distance, plusieurs conséquences juridiques et obligations à la charge des parties, à savoir l’employeur et ses employés, pourront découler.
En effet, l’employé est tenu d’exécuter le travail qui a été lui confié. Ainsi, il est débiteur d’une obligation de faire et précisément d’une obligation de résultat : effectuer le travail mis à sa charge.
D’un autre côté, l’employé est tenu de préserver tout matériel mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de ses tâches, qu’il s’agit d’un ordinateur, modem, imprimante, etc. La responsabilité de l’employé d’assurer la sécurité du matériel serait donc engagée.
S’agissant de l’employeur, celui-ci est dans l’obligation de verser au travailleur le salaire convenu.
En conclusion, le gouvernement doit maintenant se préoccuper de renforcer l’efficacité des dispositifs de traitement des difficultés économiques et en particulier des procédures amiables dont on attend beaucoup pour permettre aux innombrables entreprises qui traversent des difficultés économiques et financières dues à la crise sanitaire de les surmonter sans atteindre l’étape traumatisante et trop souvent fatale à savoir la faillite. De même, il convient d’espérer que le législateur intervienne également post crise Covid-19 pour éviter les ouvertures en liquidation judiciaire en chaîne, spontanées ou imposées, en préconisant une appréciation très souple de la cessation des paiements. Chaque difficulté devrait être traitée au regard de sa spécificité, sa gravité et sa temporalité aux fins de trouver une solution adaptée et surtout pérenne.
Taycir Masmoudi
Docteur en Droit
(1) Marie -Laure Coquelet, Entreprises en difficulté, Instruments de paiement et de crédit, Hyper-Cours Dalloz, 6ème édition,2017, Cours et Travaux dirigés ; voir également ( en langue arabe) Moncef Kchaou , Le régime de redressement des entreprises en difficultés économiques, Etude théorique et pratique, ed 2, Latrach édition, 2019
(2) Elizabeth Gibbens, «Covid-19 : Aider les petites entreprises à traverser la crise», article publié dans IFC-International Finance Corporation, site web www.ifc.org
(3) L’ancien code de commerce tunisien de 1959 prévoyait deux techniques procédures collectives tendant à assurer le sauvetage et repêchage des entreprises passant par des difficultés économiques, à savoir le concordat préventif caractérisé par son aspect répressif et sanctionateur, et la faillite visant à déclarer faillit la commerçant ayant cessé ses payements envers ses créanciers. Les dispositions du dit code étaient ensuite abrogées en 1995 , et le législateur a promulgué une nouvelle loi, à savoir la loi n 95-34 du 17 avril 1995 relative au Redressement des Entreprises en Difficultés Economiques(JORT N 33 du 25 avril 1995) qui régissant deux procédures préventives de redressement, à savoir la notification des signes précurseurs et le règlement amiable; et une procédure curative, à savoir le règlement judiciaire . La procédure de la faillite n’avait plus de place dans les dispositions de cette loi de 1995. La procédure de la faillite ne reprend sa place dans les procédures collectives qu’en vertu de la loi 2016 susmentionnée.
(4) Conformément à l’article 413 du code de commerce, «On entend par procédures collectives au sens du présent code, les procédures de redressement des entreprises en difficultés économiques et la faillite».
(5) JORT n° 38 du 10 mai 2016
(6) Par la loi n° 2016-36 du 29 avril 2016, relative aux procédures collectives, le législateur tunisien vient d’opérer un grand ménage du droit des procédures collectives: règlement amiable, règlement judiciaire, liquidation judiciaire en raison de difficultés économiques, faillite, et autres procédures rattachées (comblement de passif social et extension de la faillite). Seule la faillite civile, dite déconfiture ou aussi insolvabilité, n’a pas été touchée. La réforme a touché les aspects les plus fondamentaux du droit des entreprises en difficulté économique, Ahmed Ouerfelli, «Réforme du droit des procédures collectives en Tunisie : Que de Nouveautés?», article publié le 12 mai 2016 sur le site web www.linkedin.com
(7) Ainsi, aux termes de l’article 415 du code de commerce, « Le régime de redressement tend à aider les entreprises qui connaissent des difficultés économiques à poursuivre leurs activités, à y maintenir les emplois et à payer leurs dettes».
(8) Les difficultés économiques n’étant pas définies par le législateur, l’article 418 c com ( du code de commerce) ainsi que le décret gouvernemental n°463 datant du 2018 viennent énumérer des cas ou des exemples pouvant constituer des difficultés économiques et même sociales.
(9) Article 416 du code de commerce
(10) Une alerte ou un constat très alarmant est fait ou annoncée par l’UTICA (Union Tunisienne d’Industrie du Commerce et de l’Artisanat) :67 pour cent des entreprises tunisiennes considèrent que tous les secteurs seront touchés par la crise du coronavirus et qu’elles font face à un risque systématique et social majeur.
(11) Dans le cadre de la contribution à la limitation des retombées économiques et sociales de la propagation de la pandémie du COVID-19, les efforts des autorités tunisiennes compétentes dans le soutien des entreprises économiques sont primordiaux et indéniables. On peut citer par exemple la circulaire n°6-2020 du 19 mars 2020 adressée par la Banque Centrale de Tunisie aux banques et aux institutions financières, et recommandant à ces dernières de permettre aux entreprises de reporter le paiement des tranches de crédits (en principal et en intérêt) arrivant à l’échéance, ainsi que de rééchelonner le remboursement selon la capacité de chaque bénéficiaire. De même, le soutien du gouvernement pour les particuliers lors de cette urgence sanitaire n’est pas négligeable. En fait, en vertu de la circulaire n°2020-07 adressée aux banques le 25 mars 2020, la Banque Centrale de Tunisie a ordonné aux banques d’étendre aux particuliers dont le revenu mensuel net dépasse 1000 dinars, le bénéfice des mêmes mesures, pour trois mois. De la même manière, la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a également annoncé depuis le premier avril 2020, une autre série de mesures exceptionnelles de soutien en faveur des particuliers durant cette crise sanitaire : le report du paiement des mensualités des crédits bancaires durant six mois, la possibilité de contracter de nouveaux crédits de gestion et de travaux, le rééchelonnement des dettes fiscales et douanières durant sept ans, ainsi que la possibilité de contracter de nouveaux crédits.
(12) Le décret-loi du chef du gouvernement n° 2020-4 du 14 avril 2020 , édictant des mesures (ou actions) sociales exceptionnelles et provisoires pour l’accompagnement des entreprises et la protection des salariés lésés par les répercussions engendrées par la mise en œuvre des mesures de mise en confinement total pour la prévention de la prorogation du Coronavirus « Covid-19 ». Le décret-loi n°6 pour l’année 2020, en date du 16 avril 2020 relatif à la promulgation de mesures fiscales et financières pour atténuer les répercussions de la prorogation du Covid-19 , publié le 18 avril 2020 au JORT N 33 . Parmi les mesures ainsi prises, l’adoption d’un mécanisme de garantie de prêts aux entreprises touchées par le Covid-19: L’Etat apporte sa garantie à des crédits bancaires souscrits par les entreprises en difficultés à cause de l’épidémie du Coronavirus.
(13) Terme assez ancien lié à la numérisation, la digitalisation désigne maintenant un phénomène lié aux nouveaux usages des consommateurs et aux nouveaux objets qui impactent directement les modèles d’entreprises et d’organisations actuels. La digitalisation d’un métier peut signifier que les processus et les méthodes de travail sont supportés par des solutions digitales mais aussi que le rôle de l’informatique vient prendre une place prépondérante dans l’exécution des missions rattachées à ce métier. Quand cette digitalisation est conçue en collaboration avec les métiers concernés cela permet de repositionner le rôle des collaborateurs sur des taches à forte valeur ajoutée et de créer de nouvelles opportunités de rentabilité, www.digital-conseil.fr
(14) Issam Yahyaoui, Plaidoyer pour une transformation numérique de la justice en Tunisie, - Leaders magazine , aricle publié le 17.04.2020 , www.leaders.com.tn
(15) Dans certains pays, plusieurs sociétés investissent dans ce qu’on appelle communément les "LegalTechs" qui sont des applications basées sur des systèmes algorithmiques qui permettent entre autres d’analyser l’ensemble des données légales et jurisprudentielles (Big Data Judiciaire) afin de prévoir les solutions des litiges judiciaires, activité que l’on qualifie par le concept de « justice prédictive
(16) D’ailleurs, en France, à titre d’exemple, l’article 930-1 du code de procédures civiles prévoit la remise des actes de procédures à la cour d’appel par voie électronique, « à peine d’irrecevabilité relevée d’office».
(17) Voir essentiellement Jean Marie Dru, Le monde digital, une révolution pour l’organisation des entreprises, article publié le 5 novembre 2012 in Les Echos, site web www.lesechos.fr
(18) Voir sur ce sujet « Sookbank: la première plateforme 100 pour cent Digitale de Conseil et de Culture Bancaire en Tunisie», Entreprises magazine, article publié le 17 février 2020 sur le site web www.entreprises-magazine.com
(19) JORT n° 33 du 18 avril 2020 ; ce décret étant publié dans le JORT dans le cadre de la délégation de pouvoirs au chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh
(20) Voir les articles 427, 428 , 449 et 450 du code de commerce
(21) Voir en ce sens, CNCC-CSOEC 9 avril 2020, «Prévention des difficultés des entreprises .Mise en œuvre de la procédure d’alerte par le commissaire aux comptes dans le contexte particulier de la crise sanitaire Covid-19 et des mesures d’urgence prises par ordonnance», deuxième édition ; Dans la même référence, «Questions-Réponses relatives aux conséquences de la crise sanitaire et économique liée à l’épidémie de Covid-19»- Deuxième édition, Ordre des experts comptables, Conseil supérieur,
(22) Conformément à l’article 6 du code de travail, «Le contrat de travail est une convention par laquelle l’une des parties appelée travailleur ou salarié s’engage à fournir à l’autre partie appelé employeur ses services personnels sous la direction et le contrôle de celle-ci moyennant une rémunération ».
(23) Décret- loi du Chef du Gouvernement n° 2020-2 du 14 avril 2020, portant suspension exceptionnelle et provisoire de certaines dispositions du code du travail, JORT n ° 32 du 14 avril 2020, p 767
(24) Hatem Kotrane, Covid-19: Regards sur les mesures sociales d’accompagnement arrêtées par les décrets- loi du Chef du Gouvernement du 14 avril 2020, article publié le 20 avril 2020 dans la magazine électronique Leaders
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