Mhamed Ali Souissi: Ali Boukhris, l’homme, l’ami, le grand Tunisien… (Album Photos)
Par Mhamed Ali Souissi - Avec la disparition de Si Ali Boukhris, la Tunisie perd un de ses grands bâtisseurs, et moi, un de mes plus grands amis, probablement le plus cher.
On a beau, avec l’âge, nous attendre à cette inéluctable issue, mais la chose advenant, elle ne manque jamais de nous bouleverser, de nous toucher au plus profond de notre être, s’agissant d’un homme aussi cher, aussi proche.
D’autres que moi ont parlé et parleront de ce capitaine insigne de l’industrie chimique et phosphatière, de ce grand commis de l’État, l’un de ceux qui ont largement contribué à la construction de la Tunisie indépendante.
Moi, je voudrais parler de l’homme et de l’ami.
J’ai connu Ali Boukhris, il y a soixante ans, quand il terminait ses études à l’École des mines de Paris, et moi je débutais mes études à l’École des ponts et chaussées. Tout au long de sa vie, il a été un altruiste au grand cœur, toujours disposé à rendre service aux autres et à prêter main-forte à ceux qui le sollicitaient. Il ne savait pas dire non ; parfois même au détriment de ses propres intérêts. Cet homme était profondément philanthrope et foncièrement bienfaiteur.
Au cours de sa longue carrière, il a su avoir l’appui constant et la confiance des plus hauts responsables politiques du pays : Hédi Nouira, Mansour Moalla, Mohamed Mzali… Ali Boukhris m’a fait connaître d’illustres anciens camarades de l’École des mines : Tahar Amira et Mekki Zidi, qui sont devenus des amis.
Je l’ai retrouvé, au début des années soixante, à la mine de fer de Tamra, dans les Mogods, et, un peu plus tard, dans la mine de phosphate de Kalaa Khasba, dans le gouvernorat du Kef, où j’étais ingénieur principal. Son hospitalité était légendaire. Sa maison de fonction, durant les week-ends, ne désemplissait pas. Les cadres de notre génération qui travaillaient dans la région (ingénieurs, médecins, pharmaciens, vétérinaires…) y étaient accueillis pour de longues soirées et d’agréables agapes.
Il a été ensuite promu et nommé à Métlaoui et ses proches amis de Tunis et du Kef ont continué à lui rendre visite pour de longues fins de semaine, logeant dans le célèbre Borj (résidence des invités). Son épouse, Docteur Nirvah Legros, jouait, avec sa constante gentillesse et son merveilleux savoir-faire, l’hôtesse de maison. C’est à cette occasion que j’ai découvert les gorges du Selja, le Lézard Rouge (ancien train du Bey), Chébika, Midès, Tamerza…
Nos deux familles étaient aussi très proches. Nos filles fêtaient tous les ans leurs anniversaires ensemble. Elles ont appris à skier sur les mêmes pistes et avec les mêmes moniteurs.
Comme tout commis de l’Etat, j’ai eu quelques traversées du désert. La première fois, Si Ali m’a intégré comme D.G.A. à la Saepa. La seconde, comme P.D.G. de Teci. Dans un cadre professionnel, j’ai visité avec lui le pays du Soleil-Levant, car une entreprise japonaise avait présenté une offre intéressante pour la construction, à Gabès, d’une usine d’ammoniaque. J’ai pu visiter également la Chine où un consortium tuniso-koweïto-chinois a réalisé une usine d’engrais, avec le procédé tunisien Siape, à Qinhuangdao, sur la mer de Bohai, à 300 km, à l’Est de Pékin.
A la fin, douloureuse et étrange, du règne du Président Bourguiba, la chasse aux sorcières s’était ouverte. Ali Boukhris a choisi alors de s’expatrier au Koweït, pour devenir expert au Fades. Nos chemins professionnels ont divergé, mais nos relations personnelles sont restées aussi solides et aussi profondes qu’auparavant.
Quand il a pris sa retraite à Bekalta, son village d’origine, j’avais programmé, il y a deux ou trois ans, avec ses filles Alia et Mima, la visite en bateau des îles Kuriat. Il n’a pu, malheureusement, nous accompagner et c’était mieux ainsi : la traversée était longue, pénible, et il faisait très chaud.
Ali Boukhris a été inhumé, il y a quelques jours au cimetière de Bekalta. Hasard du destin ou résumé de toute une vie : sa tombe est juste sous un olivier, symbole de paix et de fraternité.
Autre signe, peut-être aussi, cet olivier est visible sur Google Earth !
Très cher Ali, mon ami, mon frère : adieu ! Puisse Dieu t’accueillir dans Son infinie miséricorde.
Mhamed Ali Souissi
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