Azza Filali: L’Etat est au bord du gouffre : ferons-nous un pas en avant ?
Par Azza Filali - L’expression, en titre de ce texte, appartient au dirigeant algérien «Ait Ahmed». Elle constitue la seule boutade car l’heure est grave. Jamais notre pays n’a été aussi menacé dans ses institutions et sa sécurité intérieure.
Un chaos grandissant paralyse actuellement les piliers de l’Etat. Le gouvernement a été démissionné par le président Kais Saied ; l’assemblée vit un état de confusion et d’hystérie, jamais atteints ; la justice, pourrie par les passe-droits et la corruption, est dans un état de décomposition extrême. Les institutions publiques, plombées de déficits, expédient les affaires courantes et gèrent leur pénurie. Une situation d’immobilisme et de désarroi submerge le pays.
Si on tente de prendre un peu de distance par rapport aux récents événements, et de recenser les causes de la situation dans laquelle nous sommes, les anomalies foisonnent : la première est représentée par les failles des individus officiant à la tête des institutions. Autre cause : la déliquescence à laquelle est arrivé l’ARP qui tient plus d’une cour des miracles (ou d’un panier à crabes) que d’une assemblée de représentants du peuple. La troisième cause, responsable de cette situation, est sans conteste le naufrage de la justice Enfin, dernière anomalie et non des moindres :les carences de la loi électorale et la toxicité avérée des partis politiques.
Les institutions ne sont rien sans les hommes et les femmes qui les représentent et les dirigent. La mauvaise gouvernance et la corruption des individus, rejaillit sur l’institution et la détruit. Ainsi, M. Fakhfakh est responsable de la démission de son gouvernement. Rattrapé par des conflits d’intérêts au sujet de sociétés non déclarées, et plus récemment d’affaires de fiscalité douteuse, voici qu’en 24 heures, il est démis, ainsi que ses ministres. Certes, cette démission a été hâtée par le président Kais Saied, désireux de prendre les devants par rapport à une motion de censure contre le chef du gouvernement (motion qui aurait accordé à Ennahdha, la priorité du choix), mais ceci est un point annexe. Le conflit d’intérêts de M. Fakhfakh a balayé en quelques heures, une institution majeure de l’état, à savoir le gouvernement et son chef.
Même chose pour la situation désastreuse à laquelle est parvenu le parlement. Tout cela est, pour l’essentiel, dû au mouvement Ennahdha et aux agissements de son chef : nomination d’un « cabinet » à ses ordres, incohérence dans le déroulement des travaux du secrétariat, choix partisan et « intéressé » des projets de loi devant être soumis à la séance plénière. Les choses sont arrivées au point où un projet, soumis par le gouvernement, est écarté et remplacé par un projet-bis, élaboré par le bureau du président de l’ARP(en l’occurrence, le projet concernant la création de chaînes radio et télévisées). Plus aucun règlement n’est respecté. Seuls comptent les intérêts des islamistes et de leurs acolytes. La motion de censure contre Mr Ghanouchi, a été examiné au bureau du parlement, sous la présidence de Mr Ghanouchi (situation pour le moins loufoque) Comme prévu, aucune date n’a été retenue pour soumettre cette motion (qui en est à 86 signataires) au vote. Sans doute Mr Ghanouchi espère-t-il que d’un retard à l’autre, on risque d’oublier ladite motion, ou de l’égarer, comme on a égaré le dossier de Melle Maarouf et de la Q5 qu’elle a innocemment emprunté à son papa ; toutefois, le dossier a été retrouvé par miracle au bout de quelques heures… Pour revenir à L’ARP, elle est indéniablement au plus bas de l’échelle. Cela sans compter les incessantes prises de bec entre députés, les affrontements entre coalitions, menant à la suspension des séances. Pour illustrer ce désastre, un chiffre est parlant : depuis l’investiture de la nouvelle assemblée, seuls 19 projets de loi ont été votés, contre 44 projets pour la même période de l’année 2019.Ainsi, l’ARP, institution majeure de l’Etat est parvenue à un niveau de gabegie et d’inefficacité déplorables. Sans compter la nuisance induite par les initiatives du chef du parlement : celui-ci a instauré un système de relations qui ne sont pas de son ressort et reviennent aux deux têtes de l’exécutif ; entretiens avec les ambassadeurs des pays amis, contacts avec certains dirigeants étrangers (Erdogan, et Esarraj). Cette intrusion dans la politique étrangère du pays est totalement illégale et ne s’inscrit nullement dans les prérogatives du président de l’ARP.
En définitive, voici deux institutions majeures de l’état, paralysées par la malhonnêteté et /ou les malversations de leurs dirigeants. Ce qui n’échappe plus à personne est la présence d’Ennahdha à chaque fois que la pourriture pointe le nez. Avec ce mouvement, son chef et ses lieutenants, la soif de pouvoir a atteint des sommets inégalés. Comparé à elle, il n’y a ni amour du pays, ni civisme, ni morale.
La loi électorale est l’une des plus mauvaises acquisitions de la révolution de 2011. Censée assurer la plus grande représentativité populaire, elle a permis l’accès au parlement d’individus aussi médiocres que malhonnêtes. Dans ce sens, l’actuelle assemblée a battu des record d’incompétence et de pourriture : « élus » au bulletin N°3 chargé, mercenaires qui ne valent que par le prix à mettre pour les acheter, quidams sans foi ni loi qui passent leur temps à sentir d’où vient le vent pour se placer dans la bonne direction. Toutes ces âmes « vertueuses » consacrent l’essentiel de leur énergie à se dénigrer mutuellement, en se moquant éperdument des citoyens qu’ils sont censés représenter. Ainsi, l’assemblée actuelle représente le pire échantillon de ce que la loi électorale peut donner. Mille fois, cette loi électorale a été dénigrée ; mille fois on a projeté de la repenser et la modifier. Excellentes intentions, demeurées lettre morte. En somme et sans jeux de mots, notre révolution de 2011, appelée par certains occidentaux ‘révolution du jasmin’ (petite touche orientaliste) pourrait, plus justement, être nommée ‘la révolution des bonnes intentions’.
Mais, s’il est une plaie qui gangrène tout le pays et rend compte, pour une grande part, de la faillite de l’état, c’est bien la situation lamentable de la justice. Depuis le passage de Noureddine Bhiri à la tête de ce ministère, une politique habile et pernicieuse a permis d’acheter un grand nombre de juges, désormais serviteurs acquis au cheikh et, sans doute, grassement rétribués. Quand on veut égarer un dossier, eh bien il se perd tout seul, par la grâce de Dieu ! Si on souhaite oublier quelque prisonnier, non encore jugé, au fond d’une cellule, le prisonnier est perdu de vue (perdu de vie, parfois…) Cette justice « aux ordres », que certains appellent la « justice de Bhiri », protège les islamistes, déclenche des procès d’intention à ceux qui osent approcher de trop près un dossier interdit. La situation ne dérange personne lorsqu’il s’agit d’un citoyen lambda, mais lorsque le réquisitoire provient du président de la république, la fameuse « justice de Bhiri » est dans ses petits souliers.
Un état sans justice impartiale est pareil à un bolide sans freins. Rien pour arrêter sa course sinon le mur vers lequel il file à toute allure !
Autre plaie qui ronge notre pays : les partis politiques. En revoyant ceux qui ont défilé depuis 2011 et ceux qui officient aujourd’hui, on est empli d’amertume. Les traits dominants de la majorité de ces partis sont l’opportunisme, l’absence de programme politique et économique, la soif de pouvoir, et une fois ce pouvoir atteint, la facilité à changer de principes pour le garder. Les députés s’achètent, il suffit de mettre le prix et Ennahdha est passée maître dans l’art de « persuader » les indécis, ce que Mr Ghanouchi s’apprête à faire pour affaiblir la motion de retrait de confiance à son égard.
Trop d’anomalies, trop de failles, trop de pourriture ! Trop c’est trop. Il est temps de mettre un bon coup de balai dans toute cette fange : choisir un CDG indépendant des partis, dissoudre le parlement, assainir la justice, imposer aux partis politiques une charte qu’ils devront respecter. Tant de choses auxquelles il est urgent de procéder. Notre état est menacé dans sa survie, allons-nous le laisser s’effondrer sous nos yeux ? Il y a dans ce pays, suffisamment d’hommes et de femmes de bonne volonté pour barrer la route aux nuisibles et à leurs ignominies !
Azza Filali
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Chère Madame Azza Filali, Bravo pour votre texte. Tout est dit et brillamment. J'espère que le président de la République aura lu votre texte. Mes hommages respectueux.
C’est du n’importe quoi! J’ai arrêté de lire.
Bravo à Mme Aziza Filali pour ce pamphlet à l'encontre d'une classe politique pourrie. Un pays qui sombre dans la médiocrité et devient ingouvernable. Le peu de personnes patriotes et capables de relever les défis sont écartées par calcul politicien de la part de pseudo partis politiques ainsi que la présidence de la république. Une classe politique pourrie jusqu'à la moelle, incompétente, irresponsable, opportuniste,... qui encourage la médiocrité et soutient l'échec pour se maintenir au pouvoir. Trop c'est trop, ça suffit ! À quand le vrai réveil des citoyens patriotes, loin des populismes, pour balayer cette mascarade ?
La formule qui titre votre article n'est pas de Aït Ahmed, Hocine Aït Ahmed, l'un des dirigeants historiques du Front de Libération Nationale (FLN), co-fondateur du parti d'opposition du Front des Forces Socialistes (FFS), mais de Kaïd Ahmed, militant de la première heure, membre de la délégation algérienne aux négociations sur l'indépendance (accords d'Evian, 1962), ministre des Finances à l'avènement de Boumédiène, puis Directeur du parti du FLN, rétrogradé par le même Boumédiène au rang de Directeur de l'Appareil du parti, chargé des seules questions administratives. On lui attribue à ce titre une autre réplique qui courait en son temps la rue algérienne. En réponse à l'appel téléphonique d'un haut responsable pressé qui interrogeait à l'autre bout du fil : "qui est à l'appareil ?", "c'est l'Appareil lui même", rétorqua à brûle pourpoint le défunt Kaïd Ahmed, mort en exil au Maroc. Il fallait rectifier pour rendre à César ce qui appartient à César.
Il faut vous habituer à corriger les erreurs que commettent vos contributeurs, lorsqu'on vous les signale. C'est une bonne méthode pour s'améliorer. La citation que Azza Filali attribue à Aït Ahmed n'est pas de lui, mais de Kaïd Ahmed. Si je vous l'ai signalé, c'est pour que vos lecteurs en soient informés.
Chère madame; la Tunisie n'est pas au bord du gouffre; il y'est depuis quelques années; et cela a malheureusement commencé depuis l'arrivée au pouvoir des assassins, qui ont démoli ce qui existait, et se sont rempli les poches; la Tunisie était aux bords du fond du trou; et la coronavirus a fini le boulot; car à ce moment là il devait y'avoir de grands RESPONSABLES qui savaient prendre les bonnes décisions; malheureusement, il n'y'avait que des faims"gourous" qui ont fini la démolition