Une croissance négative à deux chiffres en Tunisie, entre -12% et -10%, selon la Banque centrale
Le réveil risque de s’annoncer sonnant pour les Tunisiens, ce 15 août, jour de l’annonce des indicateurs économiques et financiers. D’ores et déjà, la Banque centrale annonce un taux de croissance négatif à deux chiffres. La chute brutale de l’activité économique attendue au deuxième trimestre engendre un taux « qui se situerait entre -12% et -10% en V.T contre -2,0% enregistré au T1-2020 », souligne-t-elle dans une « note sur les évolutions économiques et monétaires et les perspectives à moyen terme ».
Les faits marquants sont, pour la plupart, inquiétants :
- Atténuation de l’inflation, en juillet 2020, à 5,7% (en G.A) après 5,8% le mois précédent et contre 6,5% un an auparavant, et ce, après une hausse « conjoncturelle » à 6,3% (mars-mai 2020), en réponse aux mesures de confinement décrétées à la suite de la propagation de la Covid-19.
- Les dernières prévisions laissent entrevoir une atténuation graduelle du taux d’inflation, revenant de 6,7% en 2019, à 5,7% en 2020 et à 5,1% en 2021, et ce, avant de remonter à 5,4% en 2022.
- Creusement du déficit budgétaire à -3.847 MDT, à fin juin 2020, contre -2.464 MDT un an auparavant, sous l’effet de la baisse importante des recettes de l’Etat, conjugée à une hausse des dépenses de fonctionnement.
- Atténuation du déficit courant à 4.525 MDT (ou 4% du PIB), à fin juin 2020, après 6.361 MDT (ou 5,6% du PIB) une année auparavant. Cet apaisement a été favorisé principalement par la réduction du solde commercial (FOB-FOB) à -5.237 MDT contre -7.983 MDT à fin juin 2019.
- Les réserves en devises se sont élevées, au 23 juillet 2020, à 7.474 MUSD (ou 135 jours d’importation), en hausse de 7,5% par rapport à fin 2019 (6.955 MUSD ou 111 jours d’importation).
- Ralentissement du rythme de progression des dépôts monétaires.
- Stabilité des besoins de liquidité bancaire, en juin 2020, au voisinage de 10 milliards de dinars.
- Stabilité du TMM, en juin 2020, à 6,80% pour le 3ème mois consécutif.
« L’activité économique aurait connu une contraction historique, au T2-2020, sur fond des répercussions de la crise sanitaire de la Covid-19, mentionne le document. D’ailleurs, on s’attend à une chute brutale de la valeur ajoutée dans les secteurs des services marchands, des industries manufacturières et celles énergétiques et, à un moindre degré, dans le secteur agricole.
Du côté du secteur de l’agriculture et de la pêche, la valeur ajoutée aurait connu une baisse au T2-2020 comparativement au T1- 2020, en relation avec la baisse de la production céréalière qui s’est ressentie des conditions météorologiques défavorables et surtout du déficit hydrique ayant impacté la croissance des plants dans la plupart des zones de production à l’instar du Kef, de Zaghouan et de Siliana. En effet, la production céréalière aurait régressé de -34,6% par rapport à la campagne 2018/2019 (15,7 millions de quintaux contre 23,8 millions de quintaux respectivement).
Pour l’activité industrielle manufacturière, une forte contraction de l’activité aurait caractérisé les principaux secteurs exportateurs, à savoir, les industries mécaniques et électriques (IME) et les industries du textile, habillement et cuir (THC), avec la morosité de l’activité chez les principaux partenaires et les perturbations au niveau de l’approvisionnement en intrants, ce qui a induit un arrêt partiel voire même total de la production. D’ailleurs, les volumes des exportations desdits secteurs se sont effondrés de -40,5% et -22,8% au T2-2020 et ce, comparativement au trimestre précédent.
Egalement, l’activité dans le secteur des industries chimiques aurait été négativement impactée par le blocage de la production et du transport ferroviaire du phosphate brut vers les usines du groupe chimique. Par ailleurs, après avoir affiché une forte reprise au premier trimestre 2020 (+155,7% en V.T), la croissance aurait été négative pour le secteur du raffinage de pétrole au T2-2020. Sur les deux premiers mois dudit trimestre, la production a atteint 121 ktep contre 358,5ktep au T1-2020.
Du côté des industries non manufacturières, la situation s’est aggravée au T2-2020, en relation avec les difficultés rencontrées au niveau de la branche du Bâtiment et Génie Civil et, à un moindre degré, à la contreperformance du secteur minier et énergétique. S’agissant du secteur minier, l’accentuation des protestations sociales aux champs miniers ont entrainé une baisse du niveau de production du phosphate, lequel a atteint 841,3 mille tonnes au T2-2020, après 1.175,4 mille tonnes le trimestre précédent et 980,3 mille tonnes au T2-2019. Notons que la baisse la plus importante a été enregistrée au cours du mois de juin suite à l’arrêt total de la production du site de Métlaoui.
Concernant le secteur énergétique, les difficultés se sont aggravées au second trimestre 2020. En dépit de la légère reprise de la production au cours des mois d’avril et de mai 2020 (Cf. Graph 15), le bilan demeure négatif pour le secteur d’extraction de pétrole et de gaz naturel au T2- 2020 en raison de la forte baisse prévue pour le mois de juin, induite par les mouvements de protestation à Tataouine (retour du sit-in à ElKamour) qui ont paralysé la production de pétrole brut et de gaz naturel. Sur les cinq premiers mois de l’année en cours, la production pétrolière et celle gazifière ont enregistré un recul de -1,2% et -2,1%, respectivement, comparativement à la même période de l’année précédente.
Pour sa part, le secteur des services marchands aurait continué à contribuer négativement à la croissance du PIB au cours du 2ème trimestre de 2020. En effet, les branches du tourisme et du transport auraient été les plus touchées par les mesures qui ont été prises pour limiter la propagation de la pandémie avec la fermeture, à partir de la mi-mars 2020, des frontières aériennes et maritimes de passagers et l’arrêt quasi-total du trafic ferroviaire et routier de voyageurs, ainsi que la fermeture des hôtels et restaurants avec une quasi-absence des arrivées de touristes internationaux et des résidents. D’ailleurs, les derniers indicateurs disponibles laissent entrevoir une chute vertigineuse de la VA de la branche « hôtellerie et restauration » et ce, en relation avec la baisse historique de 99,8% (en V.T) du nombre des entrées des non-résidents au cours dudit trimestre contre un recul de -22,0% au premier trimestre de l’année en cours. S’agissant des services de transport, la baisse devrait s’accentuer au deuxième trimestre avec la quasi-absence de vols et de passagers aériens et la chute des indicateurs du transport aussi bien ferroviaire que maritime.
Au mois de juillet 2020, le taux d’inflation s’est établi à 5,7% (en glissement annuel) après 5,8% en juin dernier et contre 6,5% une année auparavant et ce, après le rebond « conjoncturel » enregistré au cours des mois de mars, avril et mai (au voisinage de 6,3%), en relation avec les mesures de confinement décrétées pour endiguer la propagation de la pandémie de la Covid-19. Cette atténuation porte la marque de la décélération de l’inflation sous-jacente, mesurée par l’indice des prix hors produits alimentaires frais et produits à prix administrés (5,5% en G.A après 5,6% en juin 2020) et de la relative détente du rythme de progression des prix des produits alimentaires frais (5,3% en G.A après 5,6%). En revanche, l’inflation des produits à prix administrés s’est maintenue, en juillet 2020, au même niveau que celui du mois précédent, de 6,4% (en G.A).
Au niveau des produits alimentaires frais, la relative détente des prix est imputable à la poursuite de la baisse des prix des œufs (-2,4% en G.A après -0,8%) et au ralentissement des prix des légumes frais (1,9% en G.A, après 2,3%) et à moindre degré, des prix des fruits frais (10,6% en G.A, après 12,4%). En revanche, le rythme de progression des prix des viandes rouges s’est stabilisé à 6,3% (en G.A), et celui des volailles a augmenté de 2,5% en juillet contre 1,4% le mois précédent.
Quant aux prix administrés, la stabilisation du taux d’inflation, à 6,4% en juillet 2020, trouve son origine dans les évolutions contrastées des prix de plusieurs produits et services prépondérants. En effet, la baisse des prix à la pompe (-5,4% en G.A, après -4% en juin 2020) a contrebalancé les hausses des prix de certains produits manufacturés administrés, tel que les produits pharmaceutiques (10,3% en G.A, après 9,8%) et des services administrés, dont notamment l’assurance-auto (5,2% en G.A, après 0%).
S’agissant de la principale mesure de l’inflation sous-jacente, sa légère atténuation en juillet 2020, à 5,5% (en G.A) après 5,6% le mois précédent est attribuable à la poursuite de la décélération des prix des produits manufacturiers libres (6,1% en G.A, après 6,3%) et de ceux des produits alimentaires transformés libres (3,3% en G.A, après 3,7%). En revanche, l’inflation des services libres s’est stabilisée, en juillet 2020, à 5,6% (en G.A).
Par ailleurs, la deuxième mesure de l’inflation sous-jacente, mesurée par l’indice des prix hors produits alimentaires et énergie, s’est stabilisée à 7,2% en juillet 2020 et ce pour le deuxième mois consécutif.
Le maintien des deux mesures de l’inflation sous-jacente à des niveaux encore élevés pourrait freiner une décélération rapide de l’inflation dans les mois à venir. »
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