La Constitution de 2014 : une gestation houleuse en trois volumes
C’est un coffret prestigieux de trois volumes de près de 2 000 pages en grand format que vient de publier l’Assemblée des représentants du peuple. Y sont consignés les débats de l’Assemblée nationale constituante, de 2012 à 2014, pour donner naissance à la Constitution. Ce journal des débats manquait à la bibliothèque parlementaire et s’avère précieux non seulement pour les chercheurs et les historiens mais aussi pour ceux qui cherchent à comprendre la genèse de la loi suprême. Plus encore, s’imprégner de l’esprit de la loi, des affrontements souvent houleux entre ceux qui prônent la charia et s’efforcent de l’imposer en source unique de la Constitution et les autres. Journal de combats, journal d’hégémonie sectaire, journal d’échec de la pensée rétrograde, journal de compromis nécessaire à trouver, journal d’une gestation difficile et historique : un document exceptionnel.
Le premier volume commence avec le compte rendu en verbatim de la première séance plénière tenue le 1er février 2012 et couvre une année entière, jusqu’au 1er février 2013. Le deuxième volume se poursuit du 4 février au 15 juillet 2013 : la période des grands affrontements marquée par la tentative d’un passage en force avec une version du 1er juin rejetée par les groupes démocratiques. Elle aboutira, après l’assassinat de Brahmi, le 25 juillet, au sit-in du Bardo et la suspension des travaux de l’ANC. Le troisième volume sera celui de la délivrance, puis de la célébration et enfin de la clôture des travaux, rapportant les débats de la dernière ligne droite durant la période allant du 3 janvier au 20 novembre 2014. L’ultime bouclage du texte de la Constitution n’était pas évident, malgré les compromis intervenus dans les coulisses. Des navettes en mode ‘’téléphérique’’ non mentionnées étaient effectuées entre la Commission de la Constitution à l’ANC et le Dialogue national, siégeant à l’autre palais du Bardo. La soirée finale du 26 janvier restera mémorable. De nombreux présidents de parlement de pays amis s’y joindront, avant que, le 7 février, des chefs d’État ne fassent le déplacement au Bardo pour célébrer la nouvelle Constitution. Puis, clap final de closing des travaux de l’ANC, le 20 novembre 2014.
Préfaçant ce document en trois volumes, le président de l’ARP, Rached Ghannouchi, pointera du doigt la richesse et la variété des débats qui avaient imprimé l’élaboration de la nouvelle loi suprême, invitant à les remettre dans leur contexte pour mieux appréhender ses fondements et interpréter ses dispositions.
Deux regrets cependant. Le premier, c’est que le président de l’ANC, Dr Mustapha Ben Jaafar, n’a pas été invité à inscrire dans ce marbre documentaire, en introduction, ce qu’il en garde aujourd’hui encore. Le second, c’est que les travaux en commissions, absolument féconds et instructifs, ne sont pas encore publiés. Ces deux remarques ne sauraient ôter en rien l’ampleur de l’effort fourni par les services de l’ARP afin de compiler les travaux en plénière, et le soutien de la fondation allemande Hanns-Seidel pour publier ce coffret.
Lire aussi
Réviser la Constitution ? Comment débloquer les institutions
Yadh Ben Achour: La révision constitutionnelle entre utopie et réalisme
Farhat Horchani: Faut- il réviser la Constitution de 2014 ?
Sadok Belaid: Quelques propositions pour une souhaitable révision de la Constitution
Salsabil Klibi: Le salut de la Tunisie tient-il à la révision de sa Constitution?
- Ecrire un commentaire
- Commenter