Docteur Mokhtar Zbiba: Un bâtisseur de la santé nous quitte
Par Pr Mohamed Ridha Charfi - Médecin, pneumologue, longtemps directeur de la santé au ministère de l’Intérieur, Dr Mokhtar Zbiba s’est éteint le 5 septembre. Le hasard voudra qu’il rende l’âme à l’hôpital des Forces de sécurité interne à La Marsa, ce même hôpital dont il avait porté lui-même le projet, et œuvré à l’implantation...
Quand je l’ai rencontré la première fois lors du congrès national de pneumologie en février 1992, Docteur Mokhtar Zbiba venait de faire démarrer l’hôpital des Forces de sécurité intérieure de La Marsa six mois avant, le 25 juillet 1991. A cette époque, je venais de rentrer de mon stage à Paris. Il m’avait proposé d‘intégrer la jeune équipe médicale et m’avait invité à visiter l’hôpital pour me convaincre. Lors de ma visite, j’étais ébahi par la qualité de l’établissement et son haut standing qui n’avait rien à envier à un hôpital parisien, pourtant construit autour d’une ancienne résidence beylicale retapée. Malgré la qualité et l’équipement moderne du nouvel hôpital, j’étais gêné d’accepter l’offre, étant donné qu’il n’était pas universitaire et ceci ne répondait pas à mes aspirations de faire une carrière universitaire, très chère à ma génération. Si Mokhtar, avec un regard à la fois confiant et déterminé, m’avait assuré que l’hôpital aurait un caractère universitaire dans quelques mois, et c’était fait un an après.
Docteur Mokhtar Zbiba était un vrai bâtisseur. Quand il avait intégré le ministère de l’Intérieur, il avait toute une vision sur ce que devait être la santé dans ce département. Alors qu’il n’y avait à l’époque que quelques structures sanitaires dans le Grand Tunis, Mokhtar Zbiba avait créé tout un réseau de polycliniques et de dispensaires sur tout le territoire tunisien dédié aux forces de l’ordre. Pendant des années, il faisait le tour du pays pour faciliter l’implantation de ses structures. Il avait toujours le bon argument pour convaincre les autorités centrales et régionales de l’intérêt de son projet. Grâce à sa détermination, tout le réseau sanitaire a vu le jour.
Le fleuron de ses réalisations reste l’hôpital des FSI qu’il a pu transformer au bout de quelques années en un centre hospitalo-universitaire composé d’une quinzaine de services majoritairement universitaires et qui s’est rapidement forgé une bonne réputation et s’est imposé comme un élément essentiel du paysage hospitalo-universitaire du Grand Tunis et de tout le pays. Docteur Mokhtar Zbiba était fier du caractère universitaire de l’hôpital parce qu’il était convaincu que ceci garantirait la qualité des soins.
Bien avant sa brillante carrière au ministère de l’Intérieur, le premier amour de Si Mokhtar était le sud tunisien et particulièrement la région de Médenine. Après avoir terminé sa formation et obtenu son diplôme de pneumologue, l’enfant de Bekalta, au cœur du Sahel, avait choisi de s’installer à Médenine à la fin des années 70 avec sa femme, Hédia Belhadj, ophtalmologiste.
Le couple Zbiba avait rendu d’énormes services à tout le sud tunisien pendant plus de sept ans. L’amour de cette région et de sa population qui l’a toujours habité l’avait poussé à revenir s’installer à Médenine après sa retraite. Seule la maladie l’avait obligé à retourner définitivement à Tunis. Son intérêt pour les régions défavorisées lui avait donné l’idée d’organiser des caravanes de santé dans toutes les régions de l’intérieur du pays au début des années 90 bien avant que le ministère de la Santé et le RCD ne décident de s’approprier cette action sociale.
Avec son départ, la Tunisie perd un homme patriote et un bâtisseur hors normes. Ses amis et sa famille perdent en lui un homme humble, serviable qui respirait la joie de vivre. Paix à son âme.
Pr Mohamed Ridha Charfi
Président de la Société tunisienne des sciences médicales
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