News - 25.11.2020

40e jour de son décès : Naama, la voix de la Tunisie

40e jour de son décès : Naama, la voix de la Tunisie

Rares sont ceux qui connaissent son vrai nom : Halima Cheikh. Mais qui ne connaît pas Naama, la grande voix de la Tunisie qui vient de nous quitter à l’âge de 85 ans. Pas une fête nationale ou familiale, pas un aïd, pas une victoire sportive, sans qu’elle n’entonne de la toute-puissance de ses timbres vocaux son euphorisant chant de victoire «Ellayla Aïd». Synonyme de joie de vivre, d’accomplissement et d’allégresse, Naama incarne la fierté chantée de l’indépendance tunisienne. La Patrie, Bourguiba, l’évacuation, l’espoir, les lendemains meilleurs, la réussite, l’amour et la chance peuplent son répertoire de plus de 800 chansons.

Séparations

La petite fille d’Azmour, jadis un patelin du Cap Bon non loin de Haouaria et Kélibia, vivait mal sa double séparation en débarquant alors tout enfant avec sa maman et son oncle, rue El Bacha, au cœur de la Médina de Tunis. La séparation de ses parents, divorcés et celle d’avec son merveilleux village où elle était née en 1934. L’ambiance de la Médina lui apportera le réconfort tant recherché et la chanson, son refuge. Fredonner son chagrin, sa passion, son rêve.

Précoce, à 11 ans seulement, elle se faisait apprécier pour sa belle voix, suave et montera sur scène lors d’un gala caritatif au profit de l’Association des aveugles. Ses mentors l’encourageront à s’inscrire à la Rachidia, ce grand moule qui perpétuera la tradition du malouf et donnera à la Tunisie ses grands chanteurs.

Ya Habib Tounès

Cheikh Khemaies Ternane prendra soin d’elle, lui offrant ses premières chansons. Salah El Mehdi lui choisira le nom de Naama. Un don de Dieu. La saga commence. A 20 ans, elle est en plein dans l’effervescence du dernier quart d’heure pour la libération de la Tunisie. Naama sera de tous les galas patriotiques. Dès la tunisification de la Radio, elle rejoindra de toute sa fougue, en 1958, l’orchestre musical. Chant d’amour, chant patriotique, chant de victoire, chant de toutes les fêtes : Naama incarne la femme tunisienne dans son exaltation de la vie, de l’amour et de l’espoir. Bourguiba la réclamait sans cesse lors des fêtes nationales et la célébration de son anniversaire, ne résistant guère particulièrement à son affectueuse chanson : «Ya Habib Tounes…»

La réputation de Naama, portée par la radio, dépassera rapidement les frontières. La communauté tunisienne en France la réclamera sans cesse. Elle ira à Paris enregistrer sur disque ses chansons et donner des galas d’un rare succès. Mohamed Jamoussi, prince de Montparnasse, lui sera d’un grand soutien. Plus tard, Mohsen Erraies prendra le relais. De retour de la capitale française, à son premier voyage, elle déclarera sa fascination en couverture de la Revue de la Radio Tunisienne, sous le titre de «J’aurais tant voulu acheter tout ce que j’ai vu !».

En 1966, elle participera avec l’orchestre de la Radio à un grand gala musical à Beyrouth où l’attendra une agréable surprise. Ce soir-là, elle sera élue Miss Monde arabe de la chanson. Trois ans plus tard, sa prestation en Égypte, lors de la célébration en 1969 du millénaire du Caire, la révèlera avec brio à un public connaisseur et exigeant.

Azmour, son choix

Ministre de la Culture, Chedli Klibi tenait à elle, comme sa co-star Oulaya, deux pépites précieuses qu’il ne pouvait laisser s’envoler pour l’étranger. Il fera tout pour les retenir en Tunisie, leur multipliant les marques de considération et de célébration. Naama résistera au chant des sirènes et restera en Tunisie, où mariée et mère de trois enfants, elle se plaisait dans sa vie artistique et familiale. Oulaya, attirée par un grand succès à partir du Caire, s’installera en Égypte où Baligh Hamdi lui ouvrit grandement les portes.

Jamais Naama ne regrettera son choix, surtout lorsqu’elle retrouvera son Azmour natale. Elle s’installera dans une grande sénia où elle se fera construire une belle maison, si agréable pour accueillir ses hôtes avec générosité et amitié.

Saber était là

Elle avait toujours tendu la main aux paroliers, compositeurs, musiciens et gens du spectacle. Naama consacrait tout naturellement une attention particulière aux débutants. Par ses encouragements et ses recommandations, elle les mettait sur orbite. Même quand elle quittera la scène, elle n’omettra jamais de les soutenir, de féliciter chaleureusement les plus talentueux. Saber Rebai s’en souvient encore. Et ce n’est pas par hasard qu’il était, avec Mohsen Erraies, parmi les rares vedettes de la chanson à assister à la cérémonie d’hommage à sa mémoire, organisée le jour de ses funérailles à la Cité de la Culture, avant l’inhumation à Azmour.

Une grande dame de la chanson tunisienne s’éclipse. Témoin de son époque, expression du bonheur, icône d’une Tunisie qui renaissait. La voix de Naama résonnera toujours en nous...

T. Boutaieb

 

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