Moncef Rajhi: Les répercussions de Covid-19 sur les systèmes d’observation météo
Par Moncef Rajhi - En tant qu’institution spécialisée des Nations Unies, l’OMM se consacre à la coopération et à la coordination internationale sur l’état et le comportement de l’atmosphère terrestre, son interaction avec la terre et les océans, le temps et le climat qu’elle produit et la répartition des ressources en eau qui en résulte. Comme : « Le temps, le climat et le cycle de l'eau ne connaissant pas de frontières nationales, la coopération internationale à l'échelle mondiale est essentielle pour le développement de la météorologie, de la climatologie et de l'hydrologie opérationnelle ainsi que pour récolter les bénéfices de leur application. L'OMM fournit le cadre d'une telle coopération internationale ».
C’est à travers son vaste cadre baptisé Veille météorologique mondiale (VMM) lancé en 1963 que l’OMM assure : l’observation, la collecte, l’échange, le traitement et la fourniture d'observations, de prévisions et de données climatiques et hydrologiques. C’est à l’intérieur de ce f rame qu’est La VMM que conçus et exécuté les systèmes de base de l’OMM dont le Système Mondial d’Observations (SMO, Global Observing Système ‘GOS’), le SMO a été altéré par la maladie Covid-19
Depuis l’annonce de la maladie Covid-19 pandémie, l’OACI (l’aviation civile internationale et des conditions météorologiques), l’OMM ainsi que l’association internationale des transporteurs aériens l’IATA ont manifesté leurs profonds soucis quant aux impacts négatifs et lourds sur le transport aérien et l’économie internationale. Pour les trois organisations, la pandémie Covid-19 a ajouté un défi supplémentaire au nombre sans cesse croissant de catastrophes d’origine météorologique/climatiques engendrées par les changements climatiques.
L'OMM s'inquiète des répercussions de Covid-19 sur la quantité et la qualité des observations et prévisions météorologiques. Elle surveille de près les incidences de la pandémie sur la qualité des services météorologiques/climatiques fournis aux usagers ainsi que sur les actions entreprises par les pays membres, suit:
• les effets sur les changements au moment où des actions sont en trains d’être mises en place pour réaliser les objectifs de l’accord de Paris de 2015, la communauté internationale s’est mise d’accord à déployer tous les efforts nécessaires pour maintenir l’évolution du réchauffement au seuil de 1.5°C relativement au réchauffement global de l’ère industrielle calculé sur la période 1850/1900 .
• les effets sur le déroulement des missions des centres météorologiques et hydrologiques notamment élaborations des observations météorologiques à des horaires fixées par les manuels
• les effets sur les échanges des données brutes et traitées observées et prévues entre les membres de l’OMM sur le système mondial de télécommunications (SMT,GTS) de l’OMM ainsi que les autres systèmes de télécommunication aéronautique et maritimes en particulier.
• « le nouveau coronavirus « pourrait exacerber les risques multi dangers au niveau national, Il est donc essentiel que les gouvernements prêtent attention aux capacités nationales d’alerte précoce et d’observation météorologique malgré cette crise», a déclaré le Secrétaire général de l’OMM, Dr Petteri Taalas en Avril 2020.
• Mais le souci profond provient des difficultés que rencontreraient les systèmes des observations terrestres, maritimes et d’altitude, dans chaque pays membre qui dispose chacun de son système national (SNO) pour suivre et enregistrer en temps réel et en horaires standardisés les différents paramètres de l’atmosphère et en assurer les échanges avec les autres pays.
Les observations sont la clé de notre compréhension de la façon dont le système terrestre – l’atmosphère, océans, les plans d'eau douce, les terres et la biosphère - façonnent notre temps, notre climat et notre hydrologie. Toutes les théories météorologiques ont été basées sur l’observation, le modèle des fronts nommé théorie norvégienne constitue l’exemple typique.
(Fig.: 1) SMO/GOS
(Fig.: 2) Composante Spatiale du SMO/GOS
En bref, d’après l’OMM ce système « transmet les observations de l’état de l’atmosphère et de la surface des océans recueillies par des instruments au sol, en mer et satellitaires et embarqués sur des avions en vol. Ces données servent à élaborer des analyses, prévisions, avis et alertes météorologiques, maintenir à jour les bases des données météorologiques et climatiques nécessaires». L’ensemble des systèmes nationaux d’observations (SNO) constitue le Système Mondial d’Observations (SMO, GOS) de l’OMM. C’est sur le SMO (fig. 1) que repose l’ensemble des services et produits météorologiques et climatologiques offert par les 193 États et territoires Membres de l’OMM à leurs usagers. Le SMO /SMOO(GOS et GOOS), compte plus de «16 satellites météorologiques, 50 satellites de recherche, plus de 10.000 stations météorologiques en surface, automatiques ou dotées de personnel, 1.000 stations aérologiques, 7.000 navires, 100 bouées ancrées et 1.000 bouées dérivantes, des centaines de radars météorologiques et 3.000 aéronefs commerciaux » d’après l’OMM/WMO. (Fig. :1. / Fig. :2)
Observations AMDAR (Aircraft Meteorological Data Relay)
Le programme a été mis en œuvre dans le cadre d’une étroite collaboration entre l’OMM, OACI et l’IATA respectivement l’Organisation Météorologique Mondiale, l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale, l’International Association of Transport Aviation. En effet, plus de 43 compagnies aériennes et près de 3000 aéronefs commerciaux spécialement équipés mesurent tous les jours des paramètres clés relatifs à l’atmosphère, aux terres émergées et à la surface des océans /mers et, par conséquent, contribuent au programme AMDAR. Sur ces avions de ligne des capteurs, des ordinateurs et des systèmes de communication sont embarqués pour recueillir, traiter et formater des observations en codes météorologiques appropriés. Des données qui sont ensuite transmises à des stations terrestres via des liaisons satellites ou radio. Les observations et rapports concernent : la pression, les vents, la température, l’humidité, la turbulence et d'autres paramètres pendant le vol, observations de haute qualité des vents et des températures au niveau de la croisière ainsi qu'à certains niveaux en montée et en descente.
La quantité de données provenant des avions a considérablement augmenté au cours des dernières années - passant de 78 000 observations par jour en 2000 à plus de 800 000 observations par jour en 2017 atteignant 1.1 million observations par jour dans les années qui ont suivi. L’AMDAR offre un grand potentiel de mesures dans des endroits où il y a peu ou pas de données de radiosondes(sondage verticale des couches atmosphériques par l’envoie de sondes), ces systèmes font une contribution majeure à la composante aérienne du SMO.
Global Amdar Data Distribution
Impacts COV7D-19 sur observations AMDAR
Le problème posé à la communauté météorologique internationale se situe au niveau des observations des paramètres météorologiques en altitude sur continent et océans/mers effectuées par les avions en vol, ces observations effectuées dans le cadre d’un programme de grande envergure désigné sous l’appellation AMDAR.
La pandémie poursuit ses impacts « la diminution continue et amplifiée des observations météorologiques provenant d’aéronefs pourrait occasionner une baisse graduelle de la fiabilité des prévisions »- Lars Peter Riishojgaard, de l'OMM
Dans le cadre de sa veille continue sur la performance du SMO, l’OMM a constaté « une diminution significative des observations manuelles de ce type au cours des deux dernières semaines du mois de mars dernier. La pandémie Covid-19 pourrait bien jouer un rôle dans cette diminution, mais le rôle éventuel d’autres facteurs n’est pas encore élucidé ».
La diminution significative du trafic aérien a eu lieu et a engendré des répercussions manifestes, suite à l’atteinte de certaines composantes du système d’observation lourdement paralysant presque plusieurs maillons de la chaîne de production des différents services. A titre d’information, avant le Covid-19 et uniquement en Europe, 700.000 observations quotidiennes effectuées et transmises. Ce nombre a spectaculairement diminué durant deux semaines du Covid-19 au cours de la première vague.
Dans un article publié en mai dernier, à environs cinq mois après l’apparition de la pandémie Covid-19, l’OMM a indiqué que le nombre d’observations météorologiques effectuées par des aéronefs a chuté en moyenne de 75 à 80 % par rapport à la normale, mais avec de très grandes variations régionales.
La perte était plus proche des 90 % dans certaines des zones les plus vulnérables, où les autres observations en surface sont rares, c’est-à-dire dans les régions tropicales et dans l’hémisphère Sud.
Pour Petteri Taalas, le Secrétaire général de l’OMM. «L’une des nombreuses conséquences regrettables de la crise de la Covid-19 a été la perte considérable – jusqu’à 90 % – de données météorologiques provenant des aéronefs en raison de la forte baisse des activités des compagnies aériennes et des vols de passagers depuis mars 2020, Les services météorologiques et autres fournisseurs de données ont essayé de compenser cette perte, mais la réduction des données AMDAR a eu un impact négatif mesurable sur la précision des prévisions météorologiques »
Pour le Président-directeur général de l’IATA ,Alexandre de Juniac , «La sécurité aéronautique est la priorité absolue du secteur aéronautique et il est essentiel, pour l’assurer, de garantir aux compagnies aériennes et aux autres acteurs dans le domaine de la sécurité l’accès aux données de prévision météorologique les plus complètes et les plus fiables, il est important que les compagnies aériennes puissent, lorsqu’elles rétabliront et reprendrons leurs activités, profiter de toutes les solutions disponibles en matière de maîtrise des coûts et de gain d’efficacité. À cet égard, l’utilisation accrue de prévisions météorologiques de meilleure qualité et d’autres informations météorologiques résultant de l’amélioration de la disponibilité des données AMDAR pourrait accroître l’efficacité des activités».
Le réseau de surface a subi de grandes pertes quant au nombre d’observations journalières. En effet, dans de nombreux pays en développement, la communauté météorologique s’appuie toujours sur des observations effectuées manuellement par des observateurs météorologiques et transmises aux réseaux internationaux pour alimenter des modèles du temps et du climat à l’échelle mondiale. Mais les gens de la chaîne d’observation et de transmission des données sont très vulnérables aux actuels confinements et politiques de télétravail obligatoire. « Une réduction substantielle des observations de la pression en surface par rapport à la situation avant la Covid-19 (janvier 2020), en particulier pour l’Afrique et certaines régions d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, a été constatée», a déclaré, le Directeur du Bureau du système Terre relevant du Département des infrastructures de l’OMM.
Pertes en observations océaniques et maritimes (SMOO/GOOS)
L’OMM, en tant qu’agence Onusienne de coordination, veille aussi sur l’échange de données issues des systèmes d’observation maritime, qui permettent d’obtenir de précieux renseignements sur les 2/3 de la surface du globe qui sont couverts par océans et mers (GOOS). Ces systèmes sont également très automatisés, et la plupart de leurs éléments devraient continuer à bien fonctionner pendant une période pouvant aller jusqu’à plusieurs mois. « Cependant, il sera nécessaire de redéployer les bouées dérivantes et les flotteurs, d’assurer la maintenance des bouées ancrées et d’entretenir, d’étalonner et de réassortir les systèmes d’observation des navires. L’impact le plus significatif concerne le Programme de navires d’observation bénévoles (VOS), pour lequel on constate une réduction de la disponibilité des données d’environ 20 % par rapport aux niveaux habituels » indique une source de l’OMM.
Impacts globaux Covid-19 sur les prévisions numériques du temps (pnt)
Des experts en Météorologie indiquent que l’impact global de ce déficit d’observations ne sera probablement pleinement évalué et compris que bien après la fin de l’épidémie et prétendent qu’à ce jour, aucun des centres mondiaux de prévision numérique du temps (PNT) n’a signalé de pertes catastrophiques de capacités dûes au manque d’observations.
Les données collectées par les aéronefs en vol sont considérées comme principaux éléments qui contribuent au fonctionnement et à l’augmentation considérable de la précision des PNT (Prévisions Numériques du Temps). « Néanmoins, la crise actuelle nous rappelle qu’il s’agit de données occasionnelles qui peuvent apparaître ou disparaître en raison de circonstances qui échappent à tout contrôle de la communauté de l’OMM. Il sera important de disposer de systèmes complémentaires pour rester capables d’atténuer ces pertes, même lorsque la crise de la Covid-19 appartiendra au passé, dans un avenir relativement proche, espérons-le», a conclu un expert de l’OMM
Les dispositifs et matériels utilisés pour effectuer les observations sont multiples, variés, et de hautes technologies : des pans entiers du système d’observation, tels que les composantes satellitaires et de nombreux réseaux terrestres, sont partiellement ou complètement automatisés. Ils devraient donc continuer à fonctionner sans dégradation significative pendant plusieurs semaines, voire davantage dans certains cas, toute défaillance, petite que soit elle, dans sa performance provoquerait des incidences très négatives sur l’ensemble de la chaine de production d’informations météorologiques destinées aux différents usagers.
Conclusions
• Toute défaillance, petite que soit-elle, dans sa performance provoquerait des incidences très négatives sur l’ensemble de la chaine de production d’informations météorologiques destinées aux différents usagers.
• La pandémie de coronavirus montre clairement qu’il importe de disposer d’un système d’observation résilient
• L’impact global de ce déficit d’observations ne sera probablement pleinement évalué et compris que bien après la fin de l’épidémie, à remarquer, qu’à ce jour, aucun des centres mondiaux de prévision numérique du temps (PNT) n’a signalé de pertes catastrophiques de capacités dues au manque d’observations.
• Si la pandémie dure sur le même élan, l’absence de travaux de réparation et d’entretien ainsi que le manque de redéploiements deviendront de plus en plus préoccupants
• la diminution continue et amplifiée des observations météorologiques provenant d’aéronefs pourrait occasionner une baisse graduelle de la fiabilité des prévisions, si La pandémie poursuit ses impacts. La pandémie Covid-19 pourrait bien jouer un rôle dans cette diminution, mais le rôle éventuel d’autres facteurs n’est pas encore élucidé.
• La diminution significative du trafic aérien, en particulier, a eu lieu et a engendré des répercussions manifestes, suite à l’atteinte de certaines composantes du système d’observation lourdement paralysant presque plusieurs maillons de la chaîne de production des différents services
L’OMM «entend continuer à suivre la situation en travaillant en étroite collaboration avec tous ses membres pour « atténuer autant que possible l’impact de Covid-19 sur les systèmes d’observation météorologiques». déclare son Secrétaire Général.
Moncef Rajhi
Ing. Génér.Met/Clim/Expt CC/29/11/2020
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