Tunisie : Ne jamais désespérer de l’homme et de la vérité
Par Mohamed Larbi Bouguerra - Le Président Macron parle de l’existence en France de 66 millions de procureurs. En Tunisie, beaucoup de gens sont devenus des constitutionnalistes et font assaut de juridisme sur les plateaux de télévision, dans les médias et dans les salons. Tous experts c’est-à-dire « qu’ils se trompent dans les formes » ironisait Valéry. Pour un observateur de notre pays, ce juridisme est une spécificité tunisienne qui remonte à l’indépendance voire plus tôt encore ; spécificité qui gêne le débat politique et désorganise la société affirme ce journaliste.
Ces débats - qui tournent parfois à des arguties teintées de sophisme - sont à mille lieues des demandes des jeunes qui réclament à cor et à cris et parfois au péril de leur vie, du travail et de la dignité. Comme ils sont à des années-lumière des mouvements des diplômés chômeurs ou des exigences pressantes de la terrible situation sanitaire du pays. Ils sont aussi bien loin de porter remède aux formidables nécessités de l’heure qui minent le moral des Tunisiens : pugilats à répétition voire minables et ridicules batailles de chiffonniers au Parlement, hauts magistrats accusés de corruption se lançant à la figure des tonnes de boue les uns contre les autres, inflation galopante qui affame les gagne-petit, écoles à la dérive, hôpitaux à l’agonie… C’est à croire que s’applique, dans notre cas, ce mot de l’écrivain et révolutionnaire Victor Serge : « La permanente inutilité de l’intelligence à certaines époques. »
A observer les tiraillements politiques entre Carthage, le Bardo et la Kasbah, on a envie de rappeler ce que dit, dans un récent ouvrage, Régis Debray, un maître orfèvre en la matière : « La politique est un domaine où quasiment personne ne peut aller au bout de sa petite idée (cela vaut mieux, dit-on parfois) et si cela arrive, par miracle, on verra l’intention renversée en son contraire. Faire comme si de rien n’était en mettant le calcul des profits et pertes de son côté exige une certaine abnégation. »
Nos gouvernants en sont-ils capables, pour le bien de ce pays ?
Ils ont intérêt à s’y résoudre en tout cas car il faut « Ne jamais désespérer de l’homme et de la vérité » et se souvenir que « Quand les peuples n’estiment plus, ils n’obéissent plus » (Rivarol) et alors, ni les grenades lacrymogènes ni les blindés flambant neufs ne feront rien à l’affaire.
Mohamed Larbi Bouguerra
- Ecrire un commentaire
- Commenter