Othman Kechrid: De l’instituteur au ministre de l’Intérieur, une belle carrière bien méritée (Album photos)
Par Mohamed El Jeri - Je n’ai pas eu la chance de connaître de près feu Othman Kechrid quand j’ai entamé ma carrière en 1973. Il était déjà au sommet de la hiérarchie des hautes fonctions administratives de l’Etat. Ne pas le connaître directement ne signifie nullement ne pas avoir une opinion de la personne. D’abord j’étais son élève au cycle supérieur de l’ENA en 1971.
Directeur général des Douanes à l’époque, il nous enseignait le droit douanier. J’étais déjà impressionné par sa réelle modestie et sa volonté de dépasser le cadre d’un cours technique souvent rébarbatif pour sensibiliser ses élèves, et futurs cadres de l’État, sur la dimension économique et la portée nationale de l’activité douanière en général. Une fois au sein de l’administration et en tant que jeunes cadres, nous étions sensibles à la réputation des hauts responsables qui étaient par ailleurs nos chefs. Leur compétence, leur intégrité, leur relation humaine étaient souvent le sujet de nos discussions. A tous ces niveaux et à l’instar de nombreux de ses collègues de l’époque, feu Othman Kechrid bénéficiait d’une perception hautement positive. Les témoignages extérieurs à l’Administration étaient à leur tour aussi élogieux. Une telle opinion favorable et largement partagée ne peut être le résultat du hasard. Elle était acquise au fil des années d’une longue et riche carrière au prix de la rectitude, de l’effort, de la persévérance et de l’intégrité.
Fils d’un homme cultivé, feu Amor Kechrid, titulaire du certificat d’études en 1913 et instituteur en 1918, notre défunt est né à Kairouan le 26 juin 1920. Fidèle au cursus de son père, il devient à son tour instituteur à Testour en 1942 puis enseignant au cours complémentaire de Kairouan en 1944. Animé de la volonté de toujours mieux faire et adepte de l’effort continu, il ne peut se satisfaire de stagner à ce niveau. Il s’inscrit alors à l’Institut des hautes études juridiques de l’époque, et ce parallèlement à son activité d’enseignant. Sa formation juridique lui permet de participer et de réussir au concours de recrutement des administrateurs de gouvernement en 1953.
C’est le premier fruit de l’effort et le premier pas vers des horizons plus larges et des responsabilités plus importantes favorisés par l’avènement de l’indépendance le 20 mars 1956. Après un bref passage au service du contrôle des dépenses, le jeune administrateur du gouvernement va appartenir à la génération des cadres tunisiens qui ont eu la chance, le privilège et surtout la grande responsabilité d’assurer la relève des responsables français, de tunisifier l’administration et la mettre au service du pays. Ainsi une belle carrière commence en 1956 et s’achève, un quart de siècle après, aux côtés d’un illustre homme d’État, feu Hédi Nouira.
Nommé ministre des Finances le 14 avril 1956 dans le premier gouvernement de la Tunisie indépendante présidé par le leader Habib Bourguiba, feu Hédi Nouira fait appel, deux jours après, à Si Othman et le choisit pour être son chef de cabinet.
La carrière prend ainsi un grand tournant et les étapes se succèdent pour tirer le meilleur de cet homme. De hautes fonctions lui seront confiées dont celles de :
• Président-directeur général de l’Office du commerce durant 5 ans, de 1962 à 1967
• Directeur général des Douanes, de 1968 à 1973
En 1973, il devient la cheville ouvrière du ministère de l’Intérieur avec sa nomination en tant que secrétaire général de ce département régalien. Il atteint ainsi le sommet des fonctions administratives de l’État. La confiance totale dont il bénéficiait auprès du Premier ministre et les qualités professionnelles, humaines et morales qui lui sont reconnues par tous, lui permettent d’accéder aux fonctions gouvernementales. Il a été successivement nommé:
• Ministre chargé des relations avec l’Assemblée nationale, secrétaire général du gouvernement en 1977,
• Ministre de l’Intérieur en 1979.
La carrière est également enrichie par d’autres contributions dans plusieurs domaines dont notamment la présidence de la République comme conseiller technique, le Conseil économique et social comme membre actif pendant 15 ans, à l’ENA en tant qu’enseignant qui a marqué ses étudiants, futurs commis de l‘État, parce que Si Othman a été un grand commis de l’État.
Le témoignage que mon ami Mohamed Kilani a recueilli auprès de Maître Abdeljalil Bouraoui est autrement plus édifiant. L’ancien bâtonnier qui commençait sa carrière comme juriste à l’Office du commerce de Tunisie du temps du P.D.G. Othman Kechrid raconte : «Si Othman nous impressionnait par sa passion pour le travail bien fait, sa rigueur et sa droiture. Lorsqu’il effectuait une mission à l’étranger, il rédigeait son rapport dans l’avion et le confiait dès son retour au bureau à sa secrétaire, Mme Khedher, pour le dactylographier. Lorsqu’il écourtait une mission à l’étranger, il appelait le financier pour lui restituer les frais considérés indus. Un jour, il pointe à l’entrée de l’office et aligne les retardataires pour leur infliger une rasade : celui qui vole le temps est assimilé à celui qui vole de l’argent. Il n’était pas malléable quand il s’agit d’argent public, même si certains dignitaires du régime cherchent à user de leur pouvoir au-delà des lignes convenues et des procédures rigoureuses. En un mot, Si Othman était un homme extraordinaire, un très grand commis de l’État.»
Feu Othman Kechrid nous quitte, la mission accomplie, le devoir assumé. La conscience tranquille et le bilan hautement positif. En voici un bel exemple pour les générations d’aujourd’hui et de demain..
Mohamed El Jeri
Ancien ministre
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