Hommage à Ali Yahya Abdennour, le grand défenseur des droits de l’homme
Par Slaheddine Belaïd - Le 25 avril dernier, Me Ali Yahya Abdennour, figure emblématique de la société civile algérienne, co-fondateur puis président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), tirait sa révérence à l’aube de sa cent unième année. Sa remarquable longévité et son engagement précoce dans la vie publique en ont fait un témoin privilégié et un acteur incontournable de tous les moments cruciaux de l’histoire contemporaine de l’Algérie depuis la deuxième guerre mondiale au cours de laquelle il est mobilisé, envoyé au front et blessé, - avant de découvrir, à l’armistice, l’atrocité des massacres de Sétif et de Guelma - jusqu’au déclenchement du Hirak en 2019 auquel il apporte son soutien, en passant par la guerre de libération, les premiers gouvernements de l’Algérie indépendante, la montée en puissance du FIS et la décennie noire.
Fidèle à une tradition bien établie, le quotidien français Le Monde a consacré à Me Ali Yahya Abdennour, comme il l’avait fait avant lui pour d’autre leaders maghrébins, une rétrospective où sont relatés, à côté d’une biographie succincte, les engagements et les combats de cet « infatigable militant des droits humains » (voir Le Monde du 26 avril 2021).
Mon propos n’est pas, ici, de faire le compte rendu de cet excellent travail journalistique dont il est préférable de prendre connaissance à la source, mais d’essayer de pallier l’absence totale de réaction des milieux politiques et médiatiques tunisiens à l’évènement que constitue la disparition de cette personnalité maghrébine de premier plan. A l’heure où les nouveaux moyens de communication tels que Tweeter ou Facebook donnent à tout observateur ou acteur de la vie publique la possibilité de réagir instantanément l’actualité du jour, le silence du microcosme politico-médiatique tunisien, quel qu’en soit la raison, est inexcusable.
Durant la décennie noire qu’a connue l’Algérie à la fin du siècle dernier, Me Ali Yahya Abdennour a été confronté à l’animosité d’une partie de la presse algérienne qui lui reprochait d’avoir pris la défense d’islamistes victimes de répression. Sa réponse cinglante, qui vaut également pour la presse tunisienne d’aujourd’hui, tient dans les deux déclarations suivantes rapportées par le quotidien Le Monde dans l’article cité ci-dessus:
• «Quand les droits de l’homme sont bafoués, je ne cherche pas à savoir si la victime est démocrate ou islamique pour lui porter aide et assistance. Il n’y a pas de différences entre toutes les victimes de la répression affectées du même coefficient d’humanité car les droits de l’homme sont au dessus de tous les clivages politiques ou idéologiques.»
• «Depuis octobre 1988, mes prises de position pour la promotion et la défense des droits de l’homme m’ont valu des rancunes tenaces concrétisées par de nombreux articles de presse qui contiennent tout ce que je rejette, la vulgarité intellectuelle, la mutilation de la vérité, l’asservissement au pouvoir. Je me suis trouvé au carrefour de tous les malentendus, où la haine, l’insulte, la diffamation ont fait office de pièces à conviction.»
Il n’y a rien à ajouter sauf à prier Allah pour qu’il l’entoure de son infinie miséricorde.
Slaheddine Belaïd
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Merci pour cet article substantiel pour saluer une figure majeure de la lutte pour la défense des droits de l'homme en Algérie et au Maghreb. Je partage vos regrets devant l'absence inexcusable ou la faiblesse des réactions de nos hommes "politiques" dont la mémoire courte, la myopie intellectuelle et la courte vue trouvent ici une triste illustration.Encore merci à vous wa Allah yarhamou !