En lancement de l'ITA, Daniel Lebègue, Elyès Jouini et Slaheddine Ladjimi: l'Administrateur Indépendant en débat
Deux intervenants de marque pour donner le coup d’envoi de l’Institut Tunisien des Administrateurs (ITA). Son président, Slaheddine Ladjimi a fait appel à son homologue français, Daniel Lebègue (Président de l’IFA) et Elyès Jouini (Vice-Président de Paris-Dauphine), tous deux administrateurs de sociétés, pour traiter des rôles et responsabilités des administrateurs de sociétés : existants et perspectives. Cette première manifestation en gouvernance d’entreprise de la rentrée 2010 était marquée également par la signature d’une convention de partenariat entre les deux instituts.
Pour Elyès Jouini, l’administrateur indépendant existe bien en Tunisie, et il l’a même rencontré pour l’avoir exercé dans nombre d’entreprises (Banque de Tunisie (2005-2008), Magasin Général (2007- ), Altran-Telnet Corporation (2008- ), COMAR (2008- ), et l’Institut Tunis Dauphine, 2009). Selon le code établi entre l’AFEP et le Medef en France, l’administrateur indépendant :
- N'entretient aucune relation de quelque nature que ce soit avec la société, son groupe ou sa direction, qui puisse compromettre l'exercice de sa liberté de jugement
- Ni salarié ni mandataire social de sociétés en amont ou en aval (et ne pas l’avoir été au cours des cinq années précédentes)
- Pas de mandats croisés
- Ne pas être client, fournisseur, banquier d’affaire, banquier de financement avec une relation significative (dans un sens ou dans l’autre)
- Pas de lien familial proche avec un mandataire social.
- Ne pas avoir été auditeur de l’entreprise au cours des cinq années précédentes.
- Ne pas être administrateur de l’entreprise depuis plus de douze ans.
La pratique a cependant révélé que :
- Chaque membre du CA est appelé à s’impliquer dans ses travaux, à exprimer son point de vue librement et à participer aux débats et à la prise de décision
- Une trop forte dépendance entre administrateurs
- limite la capacité de questionnement et d’interpellation
- peut engendrer des conflits d’intérêts
- Pour un contrôle efficace sur la gestion il faut être indépendants des équipes managériales.
- Une trop grande ressemblance entre membres du CA réduit la valeur ajoutée globale qui résulte de l’apport de chacun et de sa « différence »
- L’endogamie a tendance à s’auto-reproduire : un CA composé en majorité d’une catégorie d’acteurs (famille, région, parcours,…) aura naturellement tendance à recruter dans la même catégorie
Pourtant, comme expliqué par Elyès Jouini, le rôle de l’administrateur indépendant est important. Pour de multiples raisons :
- Le CA est un lieu de stratégie et non de censure
- Travaux académiques: l’ouverture dans les conseils d’administration conduit à plus de connaissance, plus de créativité et plus d’innovation au sein de l’entreprise
- Nécessité de s’adapter à la diversité grandissante des parcours, des profils et des compétences et d’intégrer cette diversité jusque dans sa gouvernance
- Une chance pour l’entreprise et pour son Conseil : la complexité des problèmes et des enjeux mérite que l’on fasse place à des extérieurs, à des universitaires, à des membres d’ONG, à des experts…
- Permet d’éviter l’endogamie sociale, comportementale et stratégique
- Un peu d’ouverture ne nuit donc pas… en tenant compte cependant toujours du critère premier de compétence qui doit primer sur les tous les autres.
Comment un administrateur indépendant peut-il réussir sa mission? Les règles sont claires :
- Un administrateur qui apporte sa légitimité au CA et non qui tire sa légitimité du CA (charisme, expertise, aura, forte personnalité)
- Peut démissionner et peut être révoqué : une liberté d’esprit au service de l’entreprise
- Evaluation régulière du Conseil d’administration: besoins en compétences ou expériences spécifiques, profils cibles
- Ajouts de critères différenciants à la liste des critères déjà existants pour la recherche d’un candidat
- Professionnaliser les processus de recrutement des administrateurs (encourager la prise en considération de candidatures sortant du cercle traditionnel)
- A l’inverse, l’absence d’ouverture est susceptible de se transformer en reflet d’un manque de professionnalisme
Dans cette perspective, quel rôle peut jouer l’Institut Tunisien des Administrateurs? Réponse d’Elyès Jouini, lors de sa communication :
- Sensibiliser : colloques, matinales…
- Construire : CA type idéal, base de discussions, comparaisons et analyses
- Mesurer, dans la durée, l’évolution dans la composition des CA (Observatoire de la gouvernance)
- Convaincre
- Intérêt de l’entreprise : meilleure performance globale, amélioration de la gouvernance, attractivité de l’entreprise pour les salariés et pour les investisseurs
- Un conseil d’administration à l’image des valeurs de l’entreprise : une valeur d’entreprise est d´abord et avant tout une valeur pour tous
- Une société à l’écoute des attentes de la Société : acteur à part entière au service de la cité, l’entreprise n’est pas un bastion!
- Former et constituer des viviers de compétences
- expérience de direction d’entreprise ou de business unit,
- expérience dans les cabinets d’audit ou d’avocats (M&A…),
- expérience dans le secteur public,
- expérience internationale,
- universitaires ayant une expertise spécifique susceptible d’éclairer les choix de l’entreprise,
- personnalités issues de la société civile et ayant un savoir-faire spécifique dans le domaine de l’entreprise ou une connaissance particulière d’un secteur, d’une fonction, d’un pays ou d’une région, et plus généralement maitrisant un champ d’activité ou de connaissance à même d’être stratégique pour l’entreprise.
Ces questions peuvent paraître éloignées des préoccupations des Conseils d’administration, indique Elyès Jouini en conclusion, précisant qu’elles sont pourtant à la confluence de leurs préoccupations :
- efficacité des prises de décisions dans les Conseils
- prévention du risque d’endogamie destructrice de créativité
- reconnaissance de la responsabilité sociale de l’entreprise pour sa meilleure intégration dans la société
- préparation et formation des managers de demain à l’aube d’un important besoin de relève générationnel: transmissions, transferts, fusions, internationalisation, introductions en bourse, changement stratégique, croissance accélérée…
Les participants à ce petit-déjeuner débat en ont été fort satisfaits ce qui augure d’un bon lancement de l’ITA.
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