Tunisie : le Président Saïed avait bien raison d’activer l’article 80 de la constitution et de dire à certains juristes et politiciens de réviser leurs leçons!
Par Mohamed Moncef Saïd - Certains professeurs de Droit constitutionnel bien connus et quelques politiciens historiques, du moins à mes yeux jusqu’il y a quelques jours, et le sont à coup sûr encore aux yeux de plusieurs autres, se sont précipités, avant même le parti Ennahdha, qui se sent le plus visé, pour dénoncer avec véhémence le recours du Président de la république à l’activation de l’article 80 de la Constitution. Ils ont presque ‘’juré’’ dès le départ, comme l’ancien chef du bloc parlementaire de ce parti à l’ARP, puisqu’il l’a fait juste après, que les mesures exceptionnelles prises par le Président, dans le cadre de cette activation, constituent un coup d’Etat.
C’est à peine croyable ! A entendre parler lesdits juristes et politiciens, on dirait qu’ils ne sont pas conscients de la situation très catastrophique sur tous les plans, jamais connue auparavant, que le pays traverse actuellement, et particulièrement aux niveaux de l’économie, des finances publiques, de l’emploi, du chômage, du pouvoir d’achat et des services publics, et même au niveau des valeurs. Situation qui est aggravée par une paupérisation grandissante de la population et une crise sanitaire très aigue due à l’épidémie du coronavirus, caractérisée ces derniers temps par une accélération de la contamination. Chiffres à l’appui et indicateurs presque tous au rouge.
On dirait qu’ils ne sont pas, non plus, conscients du dysfonctionnement qui frappe notamment l’ARP depuis sa mise en place, ni des dépassements au niveau de son règlement intérieur, ni de l’irrespect de l’esprit de la loi et de la constitution constatés et dénoncés, à diverses reprises, avec vigueur par beaucoup de députés. Ni, pis encore, des violences verbales et corporelles exercées de nombreuses fois au cours des séances des travaux, au déroulement desquels ledit dirigeant était présent et témoin oculaire. Des coups de poing et des coups de pied y étaient lancés ; des actes horribles de violence exercés de surcroît sur des femmes députées. Le paysage parfois donné par certains députés, au cours des travaux de l’Assemblée, est la plupart du temps très mauvais. On assimile souvent leurs agissements grotesques et dégradants, sous sa coupole, à un spectacle de cirque. Mais au cirque, le sang ne coule presque jamais, sauf en cas d’accident ou de mal dressage des animaux qui y jouent et qui peuvent occasionner des dégâts sur le matériel et des blessures sur leurs dompteurs. Dans l’ARP, le sang a coulé et on a fait comme si de rien n’était !
En parlant du spectacle grotesque qu’offrent parfois les séances des travaux à l’Assemblée, un des hommes politiques historiques interviewés dernièrement à la télé, presque toujours dans l’opposition, donc dans le beau rôle, puisque la critique est aisée, a évoqué avec ironie le masque et le mégaphone y utilisés, et ses paroles ont clairement occulté les injures, les grossièretés et les coups de pied. C’est, le moins qu’on puisse dire, autant injuste que tendancieux de la part d’un politicien dont on dit qu’il est un peu imprégné de sagesse. En prenant position contre l’activation de l’article 80, en l’absence selon lui des conditions prévues par la constitution, il montre qu’il n’aurait jamais, même dans l’imagination, la hardiesse requise pour prendre des mesures exceptionnelles, nécessaires à faire face aux menaces qui pourraient réellement guetter un jour la stabilité du pays, son intégrité et son indépendance.
Prétextant le fait que les conditions d’application de l’article 80 ne sont pas réunies, ces gens-là dénoncent donc un coup d’Etat. Ils feignent surtout d’ignorer encore une notion fondamentale en Droit, que tout le monde est censé savoir, que ni la constitution ni la loi ne peuvent prévoir les dispositions dans tous les détails et ne peuvent mentionner tous les cas. Ils prônent alors le dialogue ! De quel dialogue ? Qu’attendre d’un dialogue qu’on mène avec des formations politiques dont certaines sont représentées au sein du Parlement par des corrompus, des opportunistes, des menteurs et même des maîtres-chanteurs, et qui ne se soucient, dans un contexte délétère de crise grave, que de leur positionnement au sein des différentes institutions du pouvoir ? Leur principale préoccupation est de se maintenir coûte que coûte sur la scène politique, même au prix de l’appauvrissement de la population et de l’atteinte à l’intégrité du pays.
Dans l’état actuel de la teneur et de la formulation de l’article 80 relatif aux mesures exceptionnelles, et en l’absence d’une Cour constitutionnelle dont certaines parties ont, à dessein, bloqué depuis plus de cinq ans la création, et que d’autres ont carrément souhaité qu’elle ne voie pas le jour, quelle est alors l’institution apte à juger du degré d’imminence des dangers ou des périls qui menacent le pays, si ce n’est le Président de la République, élu au suffrage universel, massivement d’autant plus, abstraction faite de sa qualité de constitutionnaliste qui devrait jouer normalement en sa faveur ? C’est ce qu’a fait le Président, à son mérite. En prenant des mesures exceptionnelles se fondant sur les dispositions constitutionnelles objet de l’article 80, il a répondu aux revendications pressantes des citoyens qui ont massivement manifesté, le 25 juillet 2021, spontanément leur colère contre le dysfonctionnement des institutions, la dégradation des services publics, l’aggravation de la corruption, l’absence de développement et l’accentuation de la paupérisation, phénomènes annonciateurs d’un commencement de délitement de l’Etat et de l’installation de l’instabilité et de la confusion dans le pays.
D’après le dernier sondage, 87% des tunisiens approuvent les décisions du Président. L’ancien chef du pouvoir constituant, c'est-à-dire de l’Assemblée nationale constituante, a soutenu tout dernièrement le Président de la république dans les décisions qu’il a prises, en affirmant que les parlementaires ‘’ont déjà violé la constitution depuis six ans par le refus de mise en place de la Cour constitutionnelle dans le délai fixé, alors que le consensus n’était nullement un obstacle’’. Ce n’est donc pas un coup d’Etat comme veulent le faire croire certains juristes et hommes politiques, puisque le chef de l’Etat s’est référé fondamentalement au texte de la Constitution. Il s’est engagé en plus, face à l’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels, à garantir, pendant la période de transition, notamment le respect des droits de l’homme et des libertés individuelles et collectives.
Excès de juridisme de la part des uns et excès de jalousie peut-être de la part des autres, à abhorrer!
Vive la Tunisie libre, souveraine et développée.
Mohamed Moncef Saïd
Ancien directeur général au ministère des Finances
et ancien secrétaire général de la municipalité de Tunis
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Certains dénoncent un coup d’Etat sans arguments politiques ou juridiques et sans placer la démarche présidentielle dans le contexte de blocage parlementaire, de paralysie gouvernementale, de pandémie sanitaire, de crise économique et de déséquilibre des finances publiques. Cette démarche trahit un état d’esprit opportuniste. Tous les facteurs endogènes et exogènes constituent une menace certaine de l’ordre public dans ses composantes fondamentales (sécurité, tranquillité et salubrité publiques) et militent pour l’adoption de mesures exceptionnelles. Certes nos spécialistes de droit constitutionnel appartiennent à plusieurs écoles et peuvent trouver les arguments pour défendre toutes les thèses, mais la gravité de la situation et les risques en perspective ne permettaient pas de discuter sur un hypothétique dialogue à organiser mais nous incitent , de toute urgence et sans lutte de paroisse, à arrêter les mesures concrètes à mettre en œuvre selon un calendrier précis pour diriger notre pays vers de meilleurs horizons.
Bonne analyse, logique et percutante.