La chute d’Ennahdha: quand la justice immanente se manifeste
Par Hédi Béhi - Tout sauf le statu quo. Devant les risques de paralysie des institutions, Kaïs Saïed s’est finalement résolu le 25 juillet à franchir le Rubicon en activant le fameux article 80 de la constitution. Chose qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait osé. Du coup, le spectre d’une dictature ressurgit. Il lui a fallu protester de ses bonnes intentions, se faisant fort de résister à toutes les tentations de bonapartisme. «Ce n’est pas à mon âge que j’entamerais une carrière de dictateur», assurera-t-il en paraphrasant le général de Gaulle.
Ce 25 juillet 2021 restera dans l’histoire de la Tunisie comme un véritable tournant, une délivrance d’Ennahdha qui a dominé la scène politique tunisienne pendant une décennie. Dès qu’elle a fait son apparition, la violence s’est installée dans le pays avec la rapidité de l’éclair au point de se banaliser. En un an, on franchira un nouveau palier dans l’horreur : huit soldats sont égorgés au mont Chaambi à l’heure de la rupture du jeûne, quinze autres seront tués par des terroristes dans les mêmes circonstances et au même endroit, sans oublier les attentats contre le musée du Bardo et l’hôtel Impérial de Sousse ou l’attentat contre la garde présidentielle, aussi meurtriers. Le bilan sera catastrophique : la Tunisie deviendra en un clin d’œil un sanctuaire pour les terroristes, l’Etat s’est clochardisé, son administration désorganisée. Pendant cette période, Ennahdha n’a pas construit une seule école, ni un seul hôpital. En revanche, le pays est hérissé de mosquées.
L’économie va à vau-l’eau, le déficit de la balance commerciale se creuse, le pays s’est vidé de ses élites. Grisé par le pouvoir, le parti islamiste s’est déréalisé au point de n’avoir pas vu venir l’orage. Il a suffi d’une bourde de l’un de ses cadres sur les réparations dues aux militants d’Ennahdha pour mettre le feu aux poudres. Une grande partie de l’opinion publique y a vu une provocation en pleine crise économique. Ce sera la goutte d’eau qui fera déborder le vase. Sur sa lancée, il fixe au gouvernement une date-butoir pour indemniser les militants, faute de quoi... Ce sera le déclencheur de la chute d’Ennahdha. Le greffon n’a pas pris. C’est la justice immanente qui se manifeste. C’est le chant du cygne pour l’islam politique, Le 25 juillet, la pieuvre a lâché prise. Tunisie éternelle est redevenue elle-même, mais dans quel état ? Avant de mourir, Bourguiba a fait une confidence à l’un de ses plus proches collaborateurs : «J’aurais bien voulu débarrasser les Tunisiens d’eux (les islamistes) avant de partir». C’est fait.
Hédi Béhi
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Je m'attendait à plus d'après le titre de l'article. Je trouve une récitation de faits déjà connus et largement discutés et analysés.