Mohamed Hedi Zaiem: Comment je vois 2022 et comment je nous la souhaite en Tunisie
L’année 2022 sera une année importante. Je pense en effet qu’en 2022, toutes les bulles vont éclater. Les plus récentes comme celles que nous trainons depuis des décennies.
Je vais prendre le risque (bien calculé) d’affirmer que l’année 2022 sera l’année la plus pénible qu’auront connu les tunisiens depuis plusieurs décennies. Ça n’a bien sûr pas de sens de parler de « tunisiens » comme d’une entité homogène, car ils ne sont pas équitablement armés et outillés pour faire face aux difficultés et même souffrances qu’ils devront inéluctablement affronter.
Je ne prendrai aucun risque en affirmant que ce sera ainsi, quel que soit celui qui nous gouvernera, mais qu’avec certains notre situation serait incommensurablement plus pénible qu’avec d’autres.
La première chose que nous devons comprendre est que l’aisance matérielle dans laquelle nous vivons (en moyenne) par rapport à nos grands parents est loin d’être naturelle, et qu’à certains égards elle est un accident de l’histoire. Nous devons comprendre que nous pouvons nous appauvrir transitoirement, et même de manière durable. C’est probablement ce que nous allons connaître, et que cela a commencé quoique de manière encore très clémente. Prenez, à cet égard, la peine de voir la situation d’autres peuples qui nous ressemblent et dont nous partageons une partie des ancêtres.
Que nous nous appauvrissions, n’est pas quelque chose d’absolument néfaste, et peut être même à certains égards bénéfique. Ne jeunons-nous pas volontairement un mois par an, et ne nous ingénions nous pas à en louer les bénéfices, physiques et moraux. Mais que la majorité continue à s’appauvrir chaque jour un peu plus, jusqu’à pour certains, en mourir de faim, tandis que d’autres continuent –sur le dos des premiers- à accumuler richesses et privilèges, cela est inadmissible et insoutenable.
Que nous nous appauvrissions, n’est pas quelque chose d’absolument néfaste, et peut être même à certains égards bénéfique, car pour maintenir (en moyenne) une aisance relative nous avons aliéné nos valeurs matérielles et même morales, et compromis l’avenir de nos enfants. Cette destruction systématique a revêtu l’allure d’une politique chez ceux qui nous ont gouvernés durant la dernière décennie. Ceux qui cherchent une « sortie de crise » nient -parfois à leur insu- cette évidence. Ils cherchent désespérément en fait à reprendre le train train d’avant et continuer l’œuvre de destruction et la fuite en avant, et ce à tout prix.
Le changement du 25 juillet 2021 avait toute l’allure d’une opportunité exceptionnelle. Il a d’abord semblé libérer le pays d’une meute de loups insatiables, et ainsi lever les verrous qui fermaient les voies de l’avenir. Il a été ensuite l’œuvre d’un homme au profil atypique doté de la présomption de « propreté » et de bonne foi, tant appréciées par les masses.
Le pays avait besoin non seulement de rompre avec une caste, mais d’entamer la reconstruction. 150 jours et un gouvernement après, la désillusion s’installe progressivement et le désespoir pointe. La Loi de Finances 2022 est venue renforcer cette inquiétude. Elle ne recèle aucune vision et n’a aucune âme. Il paraît même qu’elle ne soit qu’une copie du projet du défunt gouvernement précédent. Bien sûr qu’il faudra plus qu’une année pour reconstruire, et que l’année 2022 ne serait que le premier pas sur un long chemin. Mais ce premier pas est déterminant, puisqu’il doit indiquer sans aucune ambiguïté la voie, car le plus dur sera de conquérir la confiance. Elle ne pourra l’être que si les sacrifices seront supportés par ceux qui en sont capables, et que tous sachent qu’ils ne le font pas pour sauver toujours les mêmes, au nom du sauvetage de « la nation ».
Pour cette année exceptionnelle, je nous souhaite que ceux qui nous gouvernent se ressaisissent et deviennent miraculeusement plus inspirés. Les forces vives de ce pays ne cherchent qu’à les aider. Autrement, l’inévitable traversée du purgatoire se muera en un nouveau et long séjour en enfer dont les plus nantis et les plus filous seront comme d’habitude épargnés.
Mohamed Hedi Zaiem
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