Qui tient la maison Bouden à la Kasbah?
Equipe restreinte, mais staff rapproché pour la cheffe du gouvernement Najla Bouden. Depuis son accession à la Kasbah, il y a cinq mois, en octobre dernier, elle n’a procédé qu’à un nombre très réduit de nominations au sein de son cabinet. A ce jour, elle n'a pas encore désigné un chef de cabinet. Ce n’est que début mars dernier que Serra Rejeb, appelée à ses côtés en novembre en qualité de conseillère, a été nommée secrétaire générale du gouvernement. Le poste était resté vacant depuis le limogeage de Walid Edhabi, au lendemain du 25 juillet 2021.Déjà limitée en nombre, l'équipe enregistre des départs successifs : Mohamed Ghorbal (Protrocole), Aïda Hamdi (Secrétaire d'Etat chargée de la Coopération internationale, relocalisée à la Kasbah) et tout récemment Akissa Bahri (spécialiste en eau, ancienne ministre de l'Agriculture).
Comment fonctionne la Kasbah ? Inutile de chercher à joindre le service de presse, les conseillers ou d’autres membres du cabinet. La consigne donnée est au silence vis-à-vis des médias. L’étanchéité est quasi totale. Il faut donc se rabattre sur les nominations publiées au Journal officiel et procéder à des recoupements.
Serra Rejeb est pivot central de l’équipe. Ingénieure diplômée de l’Enit (1982), puis de l’École des ponts et chaussées de Paris, elle aligne un long parcours dans le secteur des transports, tant au sein du ministère qu’à la tête de nombre d’entreprises publiques, notamment Tunisair et la Sncft. Elle sera promue secrétaire d’Etat auprès du ministre des Transports, et s’y rendra fort utile, mais le dernier titulaire du ministère s’emploiera à la court-circuiter, la reléguant au placard, sans la moindre raison. Femme de poigne, de caractère, compétente et discrète, elle n’a pas baissé les bras. Elle s’investit désormais de toute son énergie auprès de la cheffe du gouvernement.
Akissa Bahri, qui vient de partir, avait été elle aussi cooptée en tant que conseillère. Tout comme Samia Charfi Kaddour, professeure de physique à la faculté des Sciences de Tunis, et Hatem Gafsi, universitaire, spécialiste de la jeunesse et de la société civile. L’ambassadeur Riadh Essid, qui avait été en poste à Pretoria, Jakarta et Yaoundé, conseiller diplomatique à la présidence de la République, ambassadeur à Ottawa, et directeur général Amérique-Asie, a été nommé conseiller diplomatique en décembre 2021.
Au total, ils ne sont que qutre conseillers, ce qui est extrêmement peu pour abattre tant de travail. Aïda Hamdi, a préféré renoncer à ses fonctions, quatre mois après sa nomination. De son côté, le chef du protocole, Mohamed Ghorbel, qui avait officié dès 2015 auprès de Habib Essid, puis Youssef Chahed, et rappelé en décembre dernier, a lui aussi présenté sa démission au bout de trois mois. Il est remplacé par Houssem Limam, un diplomate dépêché par le ministère des Affaires étrangères.
Comment opère Najla Bouden
De tous les anciens locataires de la Kasbah, c’est Najla Bouden qui adopte un style plus discret, avec de très rares apparitions publiques, sans avoir accordé la moindre interview. La première fois qu’elle a présidé elle-même une réunion du Conseil des ministres, c’était en mars dernier. Toutes les autres réunions se tiennent à Carthage sous la présidence du chef de l’Etat. Mme Bouden tient cependant des conseils ministériels restreints et préside à longueur de journée une série de séances de travail.
A la veille d’un Conseil des ministres à Carthage, et pour bien préparer ses délibérations, il lui arrive de réunir les membres du gouvernement à la Kasbah et d’approfondir avec eux l’examen des points inscrits à l’ordre du jour.
De grands commis de l’Etat et une large galaxie
Sous des gouvernements précédents, le chef du gouvernement avait à ses côtés plus d’une vingtaine de conseillers au sein de son cabinet, dont certains avec rang de ministre, et souvent de ministre en titre, l’un chargé de la fonction publique, de la réforme administrative et de la gouvernance, et l’autre des relations avec l’ARP, les institutions constitutionnelles et la société civile…
Najla Bouden s’appuie également sur de grands commis de l’Etat qui occupent de hautes charges au sein des services de la présidence du gouvernement. Au premier rang, on trouve Nabil Ajroud, conseiller juridique et de la législation, en poste depuis mars 2020, après avoir été conseiller juridique à la présidence de la République, puis ministre-directeur du cabinet du Président de la République. De par ses fonctions, il assiste aux délibérations du Conseil des ministres.
Les affaires administratives et financières ainsi que les services communs continuent d’être dirigés par Ilham Chaari Essetti, alors que la direction générale des affaires économiques est coiffée par Najoua Kheraief, en poste depuis de longues années.
Le bureau d’ordre central, pièce maîtresse, est dirigé par Karim Gharbi qui y aligne avec compétence et rigueur près de dix ans d’expérience. Son vis-à-vis au cabinet est Afifa Khanfouss, CSP, qui veille au grain.
L’ensemble des effectifs, tous grades confondus, s’élève à 2 197 agents, selon la loi des cadres. Quant au budget, il est de 237.608 millions de dinars pour l’année 2022.
Il faut rappeler cependant que l’organigramme des services du chef du gouvernement comprend toute une galaxie d’instances générales, de corps et de comités (fonction publique, contrôle général des services publics, commande publique, dépense publique, contrôleurs d’Etat…). S’y ajoutent 12 établissements sous tutelle. Il s’agit d’institutions religieuses (le cabinet du mufti et le Conseil islamique supérieur), d’établissements publics à caractère administratif (les Archives nationales, l’ENA, le Capjc, et le CDN), d’entreprises et établissements publics à caractère non administratif (Imprimerie officielle, Ifeda, agence TAP, Radio, Télévision et Snipe La Presse) et de Beit Al Hikma.
La présidence du gouvernement jouit de longue date d’une grande tradition de solide organisation et de bonne synchronisation. C’est cette synergie qui se déploie sans relâche, assurant la continuité de l’Etat et la pérennité du service public. Il appartient au chef du gouvernement d’appuyer cette dynamique, de lui insuffler sa propre inspiration et de renforcer les équipes et les équipements. Vu les multiples rebondissements qui accaparent son attention, Mme Bouden, qui a reçu les hauts cadres relevant de son autorité, doit trouver le temps nécessaire pour les écouter davantage et répondre à leurs attentes. Tout en renforçant son cabinet et en s’ouvrant aux médias.
- Ecrire un commentaire
- Commenter