La Ghriba de Djerba: un unique endroit où les religions s'accordent
Par Dr. Lilia Bouguira - Un pèlerinage hors temps et hors du commun.
Un pèlerinage pas comme tous les ans.
Encore mieux que tous les ans.
Pourquoi?
Que possède cette année de si particulier?
Un timing peut être assez houleux.
Des peurs probablement injustifiées suite aux déclarations parfois démesurées du président qu'on peine à saisir.
Des circonstances qui poussent aux controverses.
La Ghriba, un lieu de culte ancestral qui ramène chaque année des milliers de pèlerins tous aussi fidèles les uns que les autres.
Djerba s'habille alors de ses plus belles robes de fête. Artisans, commerçants et tous les habitants de l'île s'apprêtent dans une hilarité et ferveur sans précédent pour recevoir ses visiteurs.
La Griba ou "l'étrangère", un lieu de culte mythique plus que millénaire qui rappelle à chaque année ses pèlerins du monde entier.
Depuis ma tendre enfance, on raconte que la mer a balloté une sorte de caisse hermétiquement bouclées de sangles faisant naufrage sur le sable blanc de Djerba.
A la grande curiosité de tous les habitants de l'île, aucun ne réussit à ouvrir le caisson.
Les villageois s'accordèrent devant cette étrange énigme de s'en remettre aux hommes de Dieu.
Ils ramèneront un prêtre, un imam et un rabbin.
Le prêtre s'avança répétant solennellement des psaumes dans les vieux textes bibliques pour être éclairé en tentant d'ouvrir le caisson et découvrir son contenu.
Rien n'y fait. Il refusa de céder et de s'ouvrir.
L'imam s'avança à son tour tout en récitant de versets du saint coran pour élucider le mystère de ce coffre inhabituel.
Rien n'y fit. La poignée ne céda point. Les sangles pas d'un millimètre.
A son tour désemparé ou confiant, le rabbin recouvert de son talit s'avança et récita lentement les 613 commandements de la torah.
A chaque commandement, une sangle sautait sous les clameurs des habitants.
Quand toutes les sangles lachèrent, le rabbin ouvrit la caisse qui dévoila le corps d'une jeune femme méconnue de ces contrées d'où le nom de la ghriba ou l'étrangère. Elle fut automatiquement considérée comme une tsadik ou "Juste" selon les rites hébraïques.
Une hiloula lui fut célébrée comme il sied aux tsadikkim. Chants et prières dans la joie et la crainte de Dieu autour de son tombeau. Une coutume juive qui est de se rendre sur les tombeaux des tsadikkim le jour de l'anniversaire de leur mort. Une cérémonie festive que lon continue de perpétuer jusqu'à nos jours.
Telle est l'histoire de la Ghriba comme elle m'a été contée.
Tel est ce pèlerinage qui continue à se célébrer pour faire de Djerba, un unique endroit au monde où les religions s'accordent et les différences identitaires n'ont pas lieu d'exister.
Cette année encore plus parce que des hommes de la trempe de monsieur le professeur Habib Kazdaghli ancien doyen de la faculté de la Manouba ont décidé d'en faire un cas d'école.
Une invitation permanente à la paix et la tolérance.
Un hymne à la joie et à la sauvegarde du riche patrimoine tunisien.
Effectivement,les pèlerins sont venus par milliers. Ils ont chanté et loué le seigneur. Ils ont allumé leurs bougies et fait leurx vœux. Ce qui rend cette année unique, c'est la qualité de la distribution de l'information. Des séminaires ont été donnés. Des webinares ont été donnés en ligne pour ceux qui sont loin et veulent participer.
Monsieur le doyen et ses invités de marque ont exposé l'histoire d'une Tunisie plurielle ainsi que différents thèmes se rapportant à la présence juive dans ce pays depuis la nuit des temps.
Tout a démarré dans un rituel religieux et festif de la synagogue de la Ghriba jusqu'à la clôture de ce samedi 21 mai 2022 au palais du baron d'Erlanger à Sidi Bou Said dont il a fait don à la Tunisie qui porte le nom du musée Nejm ezzahra.
Des chants lyriques et engagés chanteront Habiba Msika la juive tunisienne ou la tunisienne juive à la voix divine. Elle sera à l'honneur, son histoire sa voix immortalisées.
Lilia Bouguira
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