Aïcha Filali: La mémoire autrement

Revisiter photos officielles et familiales, affiches et journaux, du temps de Bourguiba, des années soixante, pour les rétablir dans de nouveaux supports : Aïcha Filali s’y est exercée. Dans une exposition intitulée « Mémoire en raccourcis » ou  (Galerie Elmarsa), elle présente des retables peints et collés, des montages numériques, et divers collages et tissus imprimés.

«J’ai toujours visité les églises à l’affut de retables, confie Aïcha Filali. Mon intérêt pour ces objets vient de l’attirance que j’éprouve à l’égard des ouvrages en trois dimensions, surtout à caractère durable. Avant d’être le réceptacle d’images liturgiques, les retables sont surtout des « meubles » articulés en plusieurs volets, triptyques ou polyptiques, pouvant se présenter ouverts ou entrebâillés révélant un type de représentation symbolique proche de l’esprit des miniatures que j’affectionne.»

«La période dont je rends compte dans ce travail, ajoute-t-elle, est celle de mon enfance. Aussi les souvenirs vécus se mêlent-ils aux éléments documentaires que je collectais au fur et à mesure que le projet se précisait. C’est sans doute ce qui explique le caractère de familiarité indéniable que ces traces revêtaient pour moi. Dans les archives manipulées (photographies, magazines, périodiques et autres supports de propagande, nombreux à cette époque), l’image du président Bourguiba est omniprésente. C’était la figure de proue de la période et rien des affaires de l’Etat naissant, ou de la communauté, dans quelque domaine que ce soit, ne se faisait sans lui. Il était donc difficilement contournable.»

«Dans une autre série de travaux, et de fil en aiguille, au sens propre du terme, indique Filali, j’ai choisi d’imprimer sur tissu un certain nombre de photographies officielles où trône également le président Bourguiba, sans cesse photographié au moindre déplacement».

La traduction de la «poussière d’individus» dans cette seconde série de travaux a consisté à masquer à la broderie les visages de toutes les personnes figurant dans les photos. Tous ces visages, effacés, ne laissent que la figure du leader, découverte, rayonnante..