News - 06.09.2022

Farouk Bouasker, président de l’Isie: Nous sommes prêts pour les législatives du 17 décembre

Farouk Bouasker, président de l’Isie: Nous sommes prêts pour les législatives du 17 décembre

«L’Isie se tient entièrement prête pour organiser des élections législatives si elles sont confirmées pour le 17 décembre prochain. Tout dépendra de la loi électorale et du découpage des circonscriptions pour déclencher le processus.» C’est ce qu’affirme son président, Farouk Bouasker, dans une interview à Leaders. «Sur le même élan que celui du référendum du 25 juillet dernier, nous sommes déterminés à réussir ce scrutin. Les budgets nécessaires (près de 40 millions de dinars) sont prévus et les équipes bien mobilisées. Nous n’attendons plus que les textes législatifs y afférents», a-t-il ajouté.  «Le référendum, a-t-il poursuivi, aura été pour l’Instance un moment très fort et bien spécifique. C’est le premier du genre depuis 2011 et il fallait le tenir et le réussir en deux mois. Nous y sommes parvenus et en avons tiré des enseignements utiles pour renforcer nos capacités.»

Aujourd’hui soulagé du fardeau qui lui pesait sur les épaules, Farouk Bouasker affiche une sincère sérénité. Sa grande hantise, lors du référendum, était d’accuser un retard dans la réception du matériel électoral dans l’un des bureaux de vote, répartis dans 46 pays. Ou encore de voir l’un des 11 276 bureaux de vote ne pas ouvrir à l’heure précise, ou des effectifs manquants parmi les dizaines de milliers d’agents spécialement recrutés et formés. Des plans B avaient dû être prévus, mais tout s’est finalement bien déroulé.

En outre, le conseil de l’Isie a subi la démission de l’un de ses membres (un magistrat) par solidarité avec ses collègues limogés, et le gel d’un autre membre pour «manquement à l’obligation de réserve, et diverses entorses aux règles de fonctionnement.» Le reste de l’équipe était soudé et a mené à bon terme sa première mission. L’administration de l’Isie a été également restructurée et renforcée et un mouvement a été opéré au niveau des coordinateurs régionaux.

Interview

Les prochaines élections législatives seront cruciales?

Il s’agira des premières élections qui se tiendront conformément aux dispositions de la nouvelle constitution. La fonction législative sera bicamérale: une assemblée des représentants du peuple (ARP) et un conseil des régions et des districts. Le scrutin annoncé pour le 17 décembre portera sur l’ARP.

Deux aspects sont cependant à éclaircir : la loi électorale et le découpage électoral. Aussi, le décret de convocation des électeurs sera-t-il déterminant pour déclencher le processus dont l’Isie est en charge.

Sur quelles hypothèses travaillez-vous?

Diverses options sont envisagées, sous réserve d’une confirmation officielle par les textes qui seront pris. Parmi les options figure un scrutin uninominal à un ou deux tours. Ce mode électoral exige nécessairement la révision du découpage des circonscriptions en se basant sur les délégations (276) ou les municipalités (350). S’il présente de nombreux avantages, le scrutin uninominal pourrait défavoriser la représentation des femmes et des jeunes. De plus, un scrutin uninominal à un tour est de nature à disperser les voix entre les candidats, le vainqueur n’obtenant qu’un faible taux de représentativité. La correction viendra alors du second tour qui départagera deux candidats seulement.

Un second tour aux législatives n’implique-t-il pas pour l’Isie plus de coûts et de logistique?

Absolument. Mais, nous y sommes bien préparés.

La date du 17 décembre est-elle bien indiquée?

C’est le décret de convocation des électeurs qui le confirmera. Il est vrai qu’elle coïncide avec la veille de la finale de la Coupe du monde de Football, mais cela ne semble pas poser de problèmes.

Sur le plan logistique, ce sera sans aucune difficulté, surtout que la question de l’inscription automatique au registre des électeurs a été résolue. Il ne reste plus qu’une simple mise à jour.

L’administration de l’Isie a-t-elle été renforcée?

C’est impératif. De nombreux postes étaient vacants, pour certains depuis 2017, tant au siège que dans les régions. Nous les avons pourvus en cadres compétents. Nous avons également procédé à de nouvelles nominations et opéré, et ce pour la première fois, un mouvement des coordinateurs régionaux.

A combien s’élèvent les effectifs?

Nous comptons 280 agents permanents au siège et dans les 27 gouvernorats. Lors des élections, nous faisons appel, en renfort, à des agents temporaires, notamment dans les centres et bureaux de vote.

Combien aura coûté le référendum?

La clôture des comptes est en cours. Nous serons approximativement aux environs de 40 millions de dinars.

Et combien coûteront les prochaines législatives?

A peu près le même montant. Dès le départ, nous avions sollicité un budget de 80 millions de dinars pour les deux scrutins. Nos estimations se sont vérifiées.

Comment s’est déroulé le référendum?

J’y avais posé deux principaux indicateurs de performance. Le premier, c’est que tous les bureaux de vote, en Tunisie et à l’étranger, soient ouverts à l’heure fixée, c’est-à-dire à 6 heures du matin en Tunisie et à 8 heures du matin à l’étranger, et que les agents affectés soient tous présents. Le pari a été gagné. A une exception près, le bureau de Palerme qui a accusé une heure de retard à l’ouverture, en raison d’une panne de la voiture devant acheminer le matériel électoral.

Le deuxième indicateur est celui du taux de participation. Avec 2.6 millions d’électeurs, représentant 30.5% du corps électoral, y compris les inscrits automatiquement, c’est un bon score.

J’ajouterai un troisième indicateur, à savoir les recours en annulation. Il n’y a eu en tout et pour tout que trois recours émanant des partis Afek Tounès et Echaab Yourid, ainsi que de l’ONG I Watch. Le Tribunal administratif les a tous rejetés, rendant ainsi justice à l’Isie et à la transparence du scrutin.

Quelles sont les difficultés majeures que vous avez dû affronter?

Elles ont été multiples et variées. A titre d’exemple, je citerai l’approvisionnement en encre électorale. Il ne pouvait se faire facilement, exigeant le lancement d’un appel d’offres international et une logistique appropriée. L’Isie a bénéficié d’une procédure rapide de passation de marché, mais il fallait trouver un fournisseur garantissant quantité, qualité et délais. Le problème de contraintes sanitaires d’accès à certains pays, en raison du Covid, se posait en plus. Heureusement que l’armée nationale nous a prêté main-forte en dépêchant un avion militaire en Chine pour chercher le matériel.

Il y a eu aussi l’attaque contre la base de données de l’Isie…

Effectivement, notre base de données a subi de graves intrusions de la part de hackers. Détenant l’identité de certaines figures connues, ils ont changé leur affectation à des bureaux de vote très éloignés de leur lieu habituel de résidence. Dès que notre système informatique a détecté les premières intrusions, nous avons pu combler les failles et renforcer la sécurité. On avait craint une manipulation de très forte ampleur, mais heureusement que tout a été maîtrisé. Nous avons déposé une plainte et les auteurs ont pu être identifiés. Ils sont au nombre de cinq : trois parmi eux qui sont en Tunisie ont été arrêtés et les deux autres, à l’étranger, mis sous mandat de recherche.

Et l’envoi à l’étranger des urnes et du matériel de vote?

L’acheminement du matériel électoral vers 46 pays aux quatre coins du monde n’est pas une mince affaire, surtout s’agissant de délais très serrés et de contrées lointaines, le vote à l’étranger devant commencer 3 ou 4 jours avant celui en Tunisie. Là aussi, le pari a été tenu.

Quels enseignements tirez-vous du scrutin référendaire du 25 juillet dernier?

Le fait d’y être parvenu en moins de deux mois et en toute transparence démontre que la Tunisie dispose d’une administration électorale efficace: tout un système qui se met en branle rapidement et fonctionne convenablement.

Cela dit, il convient de clarifier le tableau de bord des échéances électorales le plus longtemps possible à l’avance. C’est ce qui permet de bien s’y préparer et de rester dans les principes habituels de fonctionnement.

Aujourd’hui l’Isie est bien rodée pour assurer des élections libres, indépendantes et transparentes. C’est un acquis précieux.

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