News - 20.11.2022

Khadija Taoufik Moalla: Carte Postale du Festival International du Film du Caire

 Khadija Taoufik Moalla: Carte Postale du Festival International du Film du Caire

Avoir la chance d’être invitée par le géant du cinéma mondial, Si Ridha Behi, afin de revoir son film, « L’ile du Pardon », hier soir au Caire, doit être un cadeau du ciel. En effet, au moment où tout semble avoir perdu son sens, au moment où les griffes du désespoir se sont agrippées à 400 millions de personnes de notre région, éclate soudain une musique qui vous secoue au plus profond de votre être, et c’est l’entrée en scène du grand Maestro Marco Werba qui vous enveloppe avec une force inimaginable, seule capable de réconcilier l’Orient et l’Occident en une symphonie sans fin!

C’est cela le génie du grand Ridha Behi dont le scenario, marié à cette musique féerique, fait que même si vous avez vu le film une fois, vous ne l’avez réellement pas vu ! Plonger dans la mer limpide de « l’Ile du Pardon », c’est plonger dans une mer sans fond, car à chaque plongeon, une autre réalité se dévoile à celles et ceux qui veulent voir ! Chaque scène est une scène nouvelle, chaque parole, regard, chaque geste…une avalanche d’images à vous couper le souffle…Et soudain Si Ridha nous fait redécouvrir combien notre pays est beau…et combien en l’ile de Djerba se résument toutes les iles, toutes les villes et tous nos pays, en une union sacrée, qui transcende les intérêts égoïstes de classes politiques avides de pouvoir, et que l’Histoire s’empressera de balayer, dès leur départ!

Voir ce film en avant-première à Tunis et le revoir pour sa première projection officielle au Festival du Caire est une expérience diamétralement opposée. A Tunis, je l’avais vu sans peur, sans préjugés, sans parti pris, j’étais sur ma terre natale, en terrain conquis de la modernité, des droits et libertés, malgré toutes les forces réactionnaires qui l’ont pris en otage, pour un temps, mais qui n’arriveront pas à le changer, grâce justement à l’art de Si Ridha et de tellement d’autres chevaliers de la liberté.

Mais là, au Caire, le terrain est miné et le film est trop avant-gardiste pour un public qui a été envahi par le fondamentalisme religieux depuis 1928, allait-il l’accepter ou le rejeter, je ne pouvais pas le prédire ? Les dégâts causés par le fondamentalisme religieux sont tellement importants, tellement profonds, qu’ils ont sacrifié des générations entières sur l’autel de la haine et de l’intolérance pour le bénéfice des commerçants de la religion ! Les fossés entre les religions, les dénominations se sont tellement creusés au fil du temps, que la majorité a plongé dans ce désespoir qui vous noue les tripes, vous suffoque et vous persuade que l’espoir n’est plus permis et que nous sommes tous voués à une mort lente, vivant sous perfusion et respiration artificielle! Leur fanatisme a réussi à anesthésier les peuples de toute la région et forcé ses femmes à s’envelopper de linceuls noirs et les condamnant à un deuil perpétuel et des nuits sans lendemain !

Et soudain et comme par magie apparait un génie sorti d’une bouteille lancée au large de la mer Méditerranée ! Un génie qui tend la main vers l’autres rive et invite des acteurs Italiens à s’unir avec des acteurs Tunisiens pour écrire ou réécrire l’Histoire…notre histoire commune! « L’ile du pardon » vient comme une gifle qu’on donne aux évanouis pour les réveiller, les sortir de leur torpeur et leur dire que l’espoir est encore permis ! La musique, les images, le scenario, les décors, les acteurs, tous se sont ligués pour nous montrer le chemin de l’avenir qui passe forcément par une relecture de notre passé afin de pouvoir enfin pardonner ! Nous pardonner à nous-mêmes, à nos ancêtres afin que nos enfants et petits-enfants, représentés merveilleusement et prodigieusement par le petit fils de Si Ridha, puissent vivre et comprendre qu’ils n’ont pas besoin de fuir notre pays, ni risquer de se noyer en mer afin de trouver l’Eldorado de l’autre côté de la Méditerranée. Nous avons notre propre Eldorado, le plus beau, le plus authentique, le plus majestueux !

C’est ce qu’a compris le public en partie Egyptien, mais aussi venu de toute la région, hier soir à l’opéra du Caire. Les nombreux acteurs, cinéastes professionnels et amateurs ont vu dans ce film une bouffée d’oxygène, une bouée venue les sauver d’une noyade certaine afin de les tirer vers le soleil, vers la lumière et leur dire qu’il faut oser, oser parler de sujets tabous…oser faire face à la réalité, sans honte, ni fausse pudeur ! Oser aller au large de « L’ile du Pardon », guidés par son phare majestueux qui les amène vers le chemin de la délivrance des forces obscurantistes prêtes à tuer une fille de 22 printemps juste à cause d’une mèche rebelle ! Des forces réactionnaires qui ont abattu leur idéologie comme une chappe de plomb sur toute notre région !

Seuls des héros courageux comme Si Ridha Behi sont capables de leur faire face en osant montrer la réalité à celles et ceux qui ne savent plus voir, et encore moins écouter. Les lâches n’écrivent pas l’histoire, seuls les héros sont capables de le faire grâce à leur musique, poèmes, chansons, films, pièces de théâtre, toiles, et toutes les formes d’art, qui enrichissent notre culture, et qui sont les seules véritables armes contre les réactionnaires de tout bord. 

Le message est parvenu Si Ridha. Reprenons les choses en main, nos pays nous appartiennent et aucun charlatan et ses bouffons ne pourront nous le voler ! Unissons-nous dans l’amour de notre terre et ni anges ni démons ne pourront rien contre notre force et notre volonté de la libérer.

Retrouvons-nous toutes et tous sur l’Ile du Pardon, j’y serai et je vous y attends !

Khadija Taoufik Moalla

 

 

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