SlaheddineDchicha: La langue e(s)t la patrie et vice versa
Au lieu de se référer au grand Kateb Yacine qui considérait la langue française comme «un butin de guerre» ou au poète malgache Jacques Rabemananjara qui la considérait comme le «fruit d’un vol», le Président Kaïs Saïed, lors de son allocution d’ouverture du XVIIIe Sommet de la Francophonie qui s’est tenu à Djerba les 19 et 20 novembre dernier, a préféré citer la fameuse phrase d’Albert Camus: «Ma patrie, c’est la langue française.»Et tout en affirmant n’avoir pas l’intention de répliquer à Albert Camus, il lui a répliqué quand même,en déclarant un «chouia» nationaliste et un tantinet provocateur: «La langue arabe est ma patrie!»
Ce faisant, il s’est rangé du côté d’un autre Albert… le Tunisien Memmi qui, dans un livre connu et célébré universellement, incitait le colonisé à se libérer en délaissant la langue de son colonisateur et en lui préférant sa propre langue.
Même s’il est légitime de s’interroger sur l’opportunité du lieu et du moment choisis pour faire cette «profession de foi», rien ne permet de démentir ni de douter de la réalité de ce credo: les intonations, le rythme de la phrase, l’accent, les roulement des «R»…, tout est arabe chez le Président. En effet, «la langue arabe est sa patrie» et il le prouve à chaque prise de parole comme peuvent en témoigner ses compatriotes.
Cependant, cela n’empêche pas de se demander et de lui demander: «De quelle langue arabe s’agit-il? Et quelle que soit la langue considérée et quel que soit le degré nationaliste, cela n’empêche pas non plus d’être francophone ou tout du moins d’être bien informé et bien conseillé pour parler de la francophonie à ses locuteurs et partisans.
Or, eu égard à la prestation faite le 19 novembre à Djerba, il y a fort à parier que le Président Saïed a pâti de mauvaises suggestions de la part de conseillers linguistiques et diplomatiques médiocres, voire incompétents.
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