News - 06.12.2022

Elections législatives: La voie est balisée?

Elections législatives: La voie est balisée

Et si Kaïs Saïed tenait son pari, malgré le scepticisme ambiant ? Il a misé sur le parachèvement du nouvel édifice institutionnel et l’émergence d’une «bonne» Assemblée des représentants du peuple. Trois grands indicateurs détermineront le succès des élections législatives de ce 17 décembre : le taux de participation, la représentativité de la femme et la «qualité» des élus. Tout semble le présager, selon des observateurs. «Le contexte est certes spécifique, les enjeux de taille, et les risques sérieux, mais les prévisions portent à l’optimisme», confie à Leaders un connaisseur du sérail.

Le climat politique est particulier, depuis le 25 juillet 2021, surtout avec la nouvelle constitution ainsi que la loi électorale révisée. Un mode de scrutin uninominal, des circonscriptions électorales réduites aux délégations, des conditions d’éligibilité plus exigeantes (parrainages et absence d’antécédents judiciaires et retrait du financement public) : la donne a changé. Les partis voient leur emprise se réduire. Ils cherchent cependant à avoir voix au chapitre, ne serait-ce qu’indirectement, quitte à remettre en cause l’ensemble du processus, soutenus en cela par certaines composantes de la société civile et des médias qui leur sont liés. Fixée en point de mire, l’Isie est vivement attaquée. Sans être déstabilisée. Mais, dans ce contexte, les aspects positifs ne manquent pas.

Les partis n’exercent plus de tutelle sur le parlement, en investissant les candidats de leur choix, quitte à imposer les leurs sans tenir compte des attentes et des compétences réelles. Les candidats sont désormais affranchis de cette tutelle et, par le jeu des circonscriptions réduites, plus représentatifs des délégations.

L’argent politique qui polluait les campagnes électorales se fait quasi-inexistant. Les candidats ne peuvent compter que sur leurs propres fonds ou les contributions de leurs proches, soit des sommes réduites. C’est ce qui explique le démarrage tardif de leurs actions et leur modestie.

Un double filtre est mis en place avec les conditions d’éligibilité. Sur un total de 1 427 candidats qui s’étaient présentés initialement, seuls 1 055 parmi eux, dont 127 femmes, ont satisfait aux exigences. Ceux qui ont déclaré appartenir à un parti politique et ont présenté une autorisation de leur parti pour s’en prévaloir sont très peu nombreux: 67 au total, soit 6%. Ils appartiennent à six partis (Echaab, En avant la Tunisie, Mouvement du 25 Juillet, Al Baath, Jeunesse de Tunisie et La Voix de la République).

Le deuxième filtre sera opéré par les électeurs: ils connaissent mieux les candidats de leurs circonscriptions et sauront ainsi, non plus voter pour un parti, mais pour celui qu’ils jugent le meilleur pour les représenter. Sept circonscriptions à l’étranger n’ont enregistré aucun candidat. De nouvelles élections anticipées seront ultérieurement organisées.

De bons profils se révèlent d’après les premiers passages de candidats dans les médias audiovisuels. Certains sont jeunes, diplômés de l’enseignement supérieur, ancrés dans leurs terroirs, avides de servir et très motivés.

Selon l’Isie, une large palette de professions est relevée. Hormis les femmes au foyer, les retraités et autres inactifs, ils appartiennent à une quarantaine de métiers, d’activités et de statuts professionnels. On y trouve du chauffeur à l’avocat, de l’agriculteur au pêcheur, du fonctionnaire au banquier, et de nombreux professionnels du secteur de la santé et de celui de l’enseignement…Voir le tableau ci-après (page 20).

La campagne s’annonce cependant serrée, hormis dans dix circonscriptions (trois à l’étranger et sept en Tunisie) où on ne compte qu’un candidat unique. D’ores et déjà, dix futurs députés ont gagné leur siège. Huit duels au sommet sont annoncés dans les circonscriptions où s’affrontent deux candidats seulement, à savoir Ariana Ville, Ariana Raoued 1, Ben Arous El Mourouj Hached, Ben Arous Fouchana, Bizerte Bizerte-Nord, Sousse Sidi El Hani Kalaa Sghira, Manouba Douar Hicher, et Tunis 1 Bab Souika.

Le premier tour dégagera ainsi, hormis les sept circonscriptions à l’étranger, dix-huit élus. Le second tour se jouera alors dans 136 circonscriptions et sera très compétitif. La course au Bardo sera encore plus vive dans les circonscriptions qui portent sur deux délégations ou plus.

«Une grande vigilance est de rigueur dans la supervision du déroulement de la campagne électorale, souligne à Leaders Farouk Bouasker, président de l’Isie. Nous devons veiller au respect des règles en vigueur et éviter tout dérapage, notamment au niveau des discours. Aucun propos haineux et autres tombant sous le coup de la loi ne sont tolérés. L’Instance a déployé tout un dispositif de suivi de la campagne tant sur le terrain que dans les médias et sur les réseaux sociaux. Nous tenons fermement à ce que tout se déroule dans les meilleures conditions possibles.»

Les enjeux sont de taille pour le président de l’Isie. «Nous devons atteindre un taux élevé de participation au vote, nous dit-il. La référence est celle des législatives de 2019, avec 2.9 millions d’électeurs. Le référendum avait enregistré un nombre très proche de 2.8 millions d’électeurs, alors que les municipales de 2018 n’avaient attiré que 1.8 million de votants. La dynamique du second tour sera significative.»

Le deuxième enjeu est celui de la représentativité de la femme dans la nouvelle Assemblée, l’objectif étant de parvenir à 20% des sièges. On n’en sera pas loin, selon certaines estimations, avec une vingtaine de femmes sur les 154 élus.

Gardant toute sa sérénité, Farouk Bouasker est optimiste. «La logistique est bien rodée, nous assure-t-il, et nous avons mis en place tout le dispositif nécessaire. Au total, 11 300 bureaux de vote seront ouverts dans 4 500 centres et pas moins de 50 000 agents additionnels seront mobilisés le jour du scrutin. Je suis confiant quant au bon déroulement de ces élections.»

Les résultats provisoires seront proclamés le 20 décembre et l’épuisement des recours s’étalera jusqu’à février prochain. La campagne pour le second tour démarrera alors fin février prochain, pour une durée de 7 à 10 jours. Les élections auront lieu début mars 2023.

Croisons les doigts.

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1 Commentaire
Les Commentaires
Haroun Farhat - 07-12-2022 21:44

Je voudrais exprimer mon sentiment d’injustice. Sentiment que j’éprouve chaque fois que j’écoute la radio qui donne tant de temps d’antenne aux représentants de la classe politique, aux observateurs et aux chroniqueurs qui vilipendent le processus électoral en cours. Mon sentiment d’injustice se prolonge lorsque je vois qu’à part l’heure obligatoirement consacrée à ces élections sur Tunis 2 à 19 heures, le processus électoral est totalement occulté au profit d’émissions à rallonge sur la coupe du monde qui s’étalent sur toutes les chaînes privées et publiques alors que la Tunisie est éliminée ! Ce qui renforce ce sentiment d’injustice, c’est tous ces commentaires exprimés par tous ces experts, tous ces observateurs éclairés, tous ces hommes politiques qui ont mangé leur pain blanc et même leur pain noir et qui continuent d’être invités aux heures de grande écoute. Je suis attristé et révolté par le mépris exprimé dans ces émissions à l’égard du processus électoral, des candidats et de tous ceux qui les ont soutenus grâce au mécanisme du parrainage. Considérer comme insignifiants les efforts consentis par des milliers de tunisiens qui se sont engagés sincèrement dans ce processus ne peut s’expliquer que, au mieux, par l’aveuglement, au pire, par une réelle volonté de garder une position dominante dans des structures centralisées qui ont prouvé leur inefficacité, leur incapacité à développer le pays et leur incroyable capacité à générer des laissés pour compte. Un système qui, pour satisfaire quelques positions privilégiées, broie littéralement toute initiative qui risquerait de le déstabiliser. On peut reprocher bien des choses à Kaies Saied, ce grain de sable qui s’est glissé dans la mécanique et qui la fait dérailler, mais on doit au moins lui rendre justice parce qu’il a respecté le calendrier qu’il s’est fixé. En soi, c’est une performance. Et cette performance, il l’a réussie grâce à son courage, sa ténacité et à sa capacité d’ignorer les appels des sirènes. S’il avait, comme on le réclame sur tous les toits, entamé le dialogue avec la classe politique actuelle, il aurait enlisé le processus dans des sables mouvants inextricables. Aujourd’hui encore, l’UGTT réclame le report de la date des élections ! Maintenant, je dois dire que j’ai écouté pendant tous ces jours les interventions télévisées des candidats. J’ai détecté chez la plus part d’entre eux un engagement sincère pour leur région, une compréhension pragmatique de leur situation économique et sociale, peut être de la naïveté et une formation politique insuffisante mais une réelle volonté de déplacer les objectifs vers le niveau local et surtout une véritable quête d’obtenir les voix de leurs concitoyens qui se trouvent être leurs voisins. « Je suis votre fils, votre frère, votre ami, je veux faire quelque chose avec vous, pour nous tous, votez pour moi ». En d’autres termes « Je ne suis pas une tête de liste, je suis moi, votre voisin » En écoutant ces gens, je me suis pris à rêver : Si tous ces candidats, après les élections se réunissent pour constituer des pôles de réflexion et d’action locaux, si tous ceux qui les ont soutenus par le parrainage restent impliqués dans un processus citoyen fédérateur, nous aurons constitué une force vive capable de déplacer les montagnes, un noyau dur qui peut attirer vers lui toutes les volontés prêtes à s’engager pour réduire les déchets, encourager et renforcer l’économie locale, généraliser la digitalisation comme cela a été exprimé par un très grand nombre de candidats. Ce qui est remarquable dans ces interventions, c’est que les clivages politiques ont totalement disparu, nous sommes dans une sorte de mécanisme des gilets jaunes avec trois principes directeurs : le respect, l’écoute, l’empathie. Si la classe politique était de bonne fois, elle se mettrait au service de cette formidable vague qui pourrait renverser Kaies Saied lui-même et qui, bien exploitée pourrait apporter la prospérité dans les régions. Faut-il rappeler qu’en l’an 200 après Jésus Christ la Tunisie était le grenier de Rome et comptait, tenez vous bien, 10 millions d’habitants. On peut reprocher bien des choses à Kaies Saied mais on ne peut pas lui enlever le mérite d’avoir pris le risque de donner la parole au peuple et d’en accepter les conséquences. Comme nous tous, Kaies Said partira mais il aura le mérite d’avoir tenté et d’avoir réussi à mettre en place un système incroyablement adapté au monde de demain. Pour finir, je dirais que durant cette période, je suis tombé sur un livre de Michael Gorbatchev. J’en ai conclu que si Gorbatchev avait été pris au sérieux par l’ensemble des organismes qui dirigent le monde, si un plan Marchal international avait été décrété pour aider l’ex URSS à se relever, nous aurions la prospérité dans toute cette région et nous n’aurions pas la guerre en Ukraine.

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