Ferid Ben Brahim: 2023, l’année de la stagflation
Les plus grandes institutions financières voient les pays émergents en 2023 comme suit:
«1- Les marchés émergents (ME) ont une meilleure croissance, une inflation plus faible et moins de dettes souveraines et privées, mais les actions et les devises des ME se négocient à des valorisations au niveau de la crise.
2- Malgré le ralentissement en Chine, nous nous attendons à ce que de nombreux autres pays émergents connaissent une accélération de la croissance, ce qui stimulera les bénéfices et la part de marché.
3- L'histoire de la croissance est soutenue par la reprise post-pandémique, une renaissance de la production, les vents favorables des matières premières, la numérisation et un cycle politique favorable.
4- La plupart des investisseurs sont sous alloués aux marchés émergents, compte tenu des rendements potentiels de cette classe d'actifs.»
Dit autrement, les investisseurs devraient revenir vers les pays émergents compte tenu de leurs faibles valorisations, de la bonne tenue de leurs appareils productifs et d’une relative stabilité politique. Ceci devrait donc être un driver supplémentaire pour la Place de Tunis qui a connu une progression de 17,8% en deux ans exprimés en dinars mais flat sur la même période en $.
S’agissant à proprement parler de la conjoncture interne tunisienne ; le manque d’imagination fiscale se traduit par la taxation des mêmes individus ou activités avec une tendance à l’accroissement de la pression, histoire qu’ils comprennent bien qu’ils sont sous l’éteignoir. Plus de 87% des recettes sont d’origine fiscale ce qui laisse peu de place à l’imagination; tandis que la conséquence immédiate de cela est l’accroissement de la rentabilité de ceux qui réussissent à passer sous les radars de l’impôt.
Parallèlement à ce strabisme vis-à-vis de l’économie de contrebande, s’ajoute l’absence de dessein ou de stratégie à l’heure où les défis ne sont pas simplement majeurs mais vitaux pour la Tunisie.
En réalité la conjoncture économique tunisienne ne se contractera pas en 2023 ni ne connaitra de hausse spectaculaire. Elle errera entre 0% et +2% assez pour surnager, pas assez pour avancer. Combinée à cela l’inflation en moyenne annuelle devrait être entre 10,5% et 11%. Nous devrions donc connaitre une période de stagflation avec un niveau de PIB 2023 qui ne retrouvera pas le niveau de celui 2019, faisant de nous un des rares pays à ne pas retrouver la richesse nationale pré-covid.
Dans ce nouveau monde, où l’énergie, l’eau et bien d’autres biens seront de plus en plus rares, il faudra identifier quelles sont les industries, les filières technologiques où nous pouvons nous insérer. La décarbonations, l’économie verte et les énergies renouvelables constituent un enjeu structurant de cette recherche des filières idoines pour la Tunisie. Enfin l’avenir sera également à l’intelligence artificielle. Or nous avons des compétences dans ces domaines, des start-ups ont été créées, financées, des projets ont été lancés et des compétences ont été acquises. Pourquoi ne les avons-nous pas mis en avant dans un grand plan 2023-2025 visant à faire de la Tunisie, si proche de l’Europe, la « nation de progrès » en Afrique.
Enfin, disons que 2023 sera l’année de l’eau ou plus précisément du manque de cette denrée qui deviendra de plus en plus rare et qui nous obligera à repenser notre modèle économique et notamment agricole. Elle sera également celle du Phosphate, si la Tunisie retrouve même 75% seulement de ses capacités pré-2011, elle n’aura plus besoin de rechercher désespérément des financements extérieurs.
Ferid Ben Brahim
Directeur Général AFC
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