Khayachi, père et fils, finalement réunis…merveilleusement
De son vivant, Hédi Khayachi (1882-1948) n’a pas eu la chance de bénéficier ni d’une exposition personnelle ni d’un livre consacrés à son immense œuvre. Ce double privilège, son fils, Noureddine (1917 -1987) en a bénéficié une seule fois, en novembre 1982 à la Galerie Yahia de Tunis, et ce n’était jamais assez. L’heureux destin et la détermination de Taj El Molk Khayachi Ghorbel viendront exaucer un vœu pieux. Les voilà en effet tous deux réunis pour la première fois dans une exposition exceptionnelle qu’abrite le Musée national d’art moderne et contemporain (Macam), à la Cité de la Culture Chedli-Klibi à Tunis, depuis janvier dernier et jusqu’à fin juin prochain.
Exceptionnelle, cette exposition l’est à plus d’un titre. D’abord, le nombre d’œuvres présentées : près d’une centaine (tableaux, dessins, mosaïques et bas-reliefs) de Hédi et Noureddine Khayachi, provenant de collections publiques et privées, sont accrochées aux cimaises. Mais aussi de nombreux documents pour la plupart révélés pour la première fois au public. Un véritable panorama qui retrace la vie et l’œuvre de ces deux piliers de la peinture tunisienne.
A l’origine était un livre
«Tout s’est vite réalisé, confie à Leaders Taj El Molk Khayachi Gorbel, fille de Noureddine et petite- fille de Hédi. A l’origine, je venais d’achever mon livre dédié à mon père et mon grand-père et auquel a participé Monsieur M. Chelbi. Alors que je cherchais un bel espace pour le présenter, j’ai contacté Si Mohamed Hachicha, directeur du Macam, qui m’a d’emblée donné son aval et m’a proposé d’aller plus loin, en organisant une exposition dédiée aux deux artiste peintres Hédi et Noureddine Khayachi. L’idée est géniale. Grâce à la collaboration précieuse de Si Mohamed Hachicha et son admirable équipe, tout est allé très vite.
Nous avons commencé par peindre les cimaises, à la couleur vert-bouteille, si préférée par mon grand-père (celle de mon père étant le vert véronèse, plus éclairée avec une teinte de jaune). Puis nous nous sommes lancés dans la sélection et la collecte des œuvres et des documents en concevant l’agencement général de l’exposition. En moins de deux semaines, l’exposition était montée. La Cheffe du gouvernement, Madame Najla Bouden Romdhane, a eu l’amabilité de placer cet évènement sous son patronage ; elle a inauguré l’exposition le 15 janvier au matin, accompagnée de la ministre des Affaires culturelles, Madame Hayet Guettat Guermazi, «Le choix s’est porté sur l’aménagement de deux salles, consacrées l’une à Hédi Khayachi et l’autre à son fils Noureddine, poursuit Taj El Molk Khayachi Ghorbel.
Nous avons également prévu des vitrines pour exposer divers documents, et une installation restituant un atelier «miniature» de Noureddine Khayachi. Parmi les documents exposés figurent, outre des diplômes et des prix, des photos inédites et des échanges épistolaires avec Hédi Turki. Depuis Rome où il était étudiant, Noureddine Khayachi écrivait des lettres à son ami Hédi Turki, rentré à Tunis, pour lui raconter la vie culturelle et artistique à Rome. En retour, Hédi Turki l’entretenait des salons et expositions à Tunis. Une véritable mine d’informations et l’expression aussi d’une grande amitié.»
«Cher fils, j’arrive à la fin de ma vie, prends la suite de la bataille artistique !»
Ainsi Noureddine Khayachi va être à la hauteur de la difficile et redoutable mission qui lui a été confiée. Il a trouvé dans la toile le tremplin qui lui permettra d’atteindre l’essence de la peinture. Toute l’œuvre de Noureddine Khayachi développe les voies de recherche fixées et établies par son père. Dans la noblesse de ses sentiments affectueux à l’égard de son père Noureddine s’exprime : «Je peux dire que l’amour des arts en général et l’amour de la peinture en particulier font partie de la tradition familiale, je n’ai fait que suivre les traces de mon illustre père».
Taj El Molk a toujours entretenu un lien affectif très fort avec son père et son grand-père. Ce dernier, décédé en 1948, a toujours été présent dans sa mémoire et dans son environnement familial à travers ses œuvres, l’évocation permanente de son souvenir par son fils Noureddine et surtout l’influence qu’il a pu exercer indéniablement sur lui. «Hédi et Noureddine Khayachi étaient liés par une relation très intense. Hédi a tracé le sillon, ce parcours pictural que Noureddine a suivi avec dévotion et fidélité, nous confie-t-elle. Leur symbiose était parfaite. Un jour, le père dira à son fils: “Cher fils, j’arrive à la fin de ma vie, prends la suite de la bataille artistique !». Fidèlement, il s’y engagera. C’est au tour de Tej El Molk de reprendre le flambeau en cultivant leur souvenir. Elle s’y emploie avec beaucoup de talent.
Du vivant de son père, elle veillera à l’organisation de sa grande exposition personnelle en 1982, faisant coïncider ce grand évènement avec la parution d’un premier livre, intitulé «Peinture de Tunisie, Noureddine Khayachi», écrit par Hédi Zahag. Quelques années plus tard, elle s’attellera à un deuxième ouvrage, sous le titre de «Et la lumière et l’ombre», avec la collaboration de M. Chelbi et publié en 1999. A la demande du ministre de la Culture, elle le traduira en langue anglaise avec une amie, Mrs. Ann Murray. La collection de ces beaux livres s’enrichira d’un troisième ouvrage intitulé «Le Trait et le Portrait», publié en 2009. Et voilà qu’un quatrième ouvrage paraît en ce début 2023, signé par Taj El Molk Khayachi Ghorbel avec comme coauteur Mustapha Chelbi.
Sous le titre de «Hédi & Noureddine Khayachi, deux piliers de la peinture tunisienne, en parfaite symbiose», c’est un magnifique beau livre, en grand format, de plus de 340 pages, qui invite le lecteur à un voyage dans le temps, abondamment illustré à travers chacun des deux artistes et leurs œuvres. Portraits, œuvres et évocation face à leurs époques respectives.
L’ouvrage se termine par la parfaite symbiose entre le père et le fils, à la faveur de nombreux témoignages, l’ensemble enrichi de photos, de documents et de sources bibliographiques. Maher Medhaffer et son agence MIM Editions ont assuré un design très agréable, conférant à l’ouvrage une grande touche d’élégance et de raffinement.
Taj El Molk Khayachi Ghorbel nous gratifie ainsi d’un double évènement: l’exposition et le livre. Du pur bonheur.
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