Khadija Taoufik Moalla: Carte postale de Kairouan
Vous est-il arrivé de vous promener dans les rues d’une ville que vous visiter pour la première fois et de sentir qu’il y a quelque chose d’anormal ? Vous est-il arrivé de marcher dans les ruelles d’une ville d’une propreté irréprochable, d’admirer des murs peints à la chaux blanche…tout en vous demandant s’il était possible que cette ville appartienne à votre patrie ?
Moi, oui ! Je viens de faire plus de 6 kilomètres à pied, serpentant la vielle ville, avec trois personnes qui sont nées, ont passé une grande partie de leur vie, et continuent d’être amoureux de leur cité, qu’ils me présentent avec une grande fierté. Comment ne pas l’être, alors que c’est de Kairouan, cette ville mythique et millénaire, qu’il s’agit. J’ai d’ailleurs été agréablement surprise de voir que presque tout le monde se connaissait. Quand ils se rencontrent, ils se saluent en bénissaient les parents et les grands parents des uns et des autres. Le médecin qui nous accompagnait, Dr. Fethi Ghdira, que tout le monde semblait connaitre, poussait la gentillesse et la conscience professionnelle jusqu’à s’enquérir de l’état de santé de certains de ses malades auprès des membres de leur famille qu’il rencontrait dans ces ruelles accueillantes.
Il y a deux mois, j’avais fait la même balade, avec un Groupe d’artistes et d’intellectuels de Beit Al-Hikma, dans la Medina de Tunis! J’en aurais pleuré ! Des ruelles dans un état de délabrement à vous remplir de tristesse, des monticules de saleté incommensurable…une désolation à vous nouer les tripes. Je pense que ce qui m’a le plus choquée, ce sont ces pancartes, placées à l’entrée de certaines ruelles, où on vous conseille de ne pas entrer, vue que les murs sont dans un état de dégradation tel, qu’ils risquent de s’écrouler à tout moment!
Et me voici aujourd’hui, serpentant ces ruelles de la Medina de Kairouan où le spectacle est à l’exact opposé de celui de Tunis. Soudain, au coin d’une ruelle, je vois une dame âgée qui balaye la rue bien au-delà de la porte de sa maison. Et j’ai compris qu’en plus des autorités municipales, les habitantes elles-mêmes, considèrent que leurs maisons ne s’arrêtent pas à la porte d’entrée, mais va bien au-delà. Et comme chacune a le même reflexe, c’est toute la ruelle qui se retrouve toujours impeccablement propre.
Je n’en étais pas à ma première surprise vis-à-vis du sentiment qu’ont les Kairouanais de vouloir garder leur ville propre et bien entretenue. A la sortie de la visite du mausolée, d’Abu Zamaa Al-Balawi, plus connu sous le nom de Sidi Sahbi, le coiffeur du prophète, un policier qui était en charge de surveiller le portail, nous interpelle. En effet, il avait reconnu une des personnes qui nous accompagnait, Mr. Brahim Malouch, et qui faisait partie du conseil municipal.
Ce policier nous explique brièvement les trois problèmes qui existent au Mausolée et qui nécessitent d’être pris en charge. Soucieux que le Mausolée offre la meilleure image aux touristes, il nous a expliqué qu’il était d’une extrême urgence de réparer une des fenêtres, les toilettes et certaines dalles au sol.
Ce sentiment d’être responsable, de ne pas avoir raté l’opportunité d’interpeler une personne qui potentiellement pourrait régler le problème…et de l’avoir fait d’une manière très respectueuse, prouve à quel point ce policier possédait les compétences innées d’un vrai leader. Il n’a probablement jamais bénéficié de formations en leadership, cependant son patriotisme lui a suffît pour traduire son amour pour Kairouan en actions et pas en slogans.
Le calme et la sérénité de la vielle ville où j’avais vu plusieurs artisans tisser les tapis, ou modeler le cuivre pour en faire de belles œuvres m’avait remplie de fierté car il existe encore dans notre pays des gens qui sont capables de donner la meilleure image de leur ville.
A notre retour à l’hôtel, Si Sayed Allani, un des amis du grand cinéaste Ridha Behi, lui-même homme de théâtre, se mit à nous raconter l’Histoire de Kairouan, en abordant non seulement les faits historiques, mais aussi l’architecture, l’anthropologie, la sociologie, les textes sacrés, en agrémentant le tout de poèmes qu’il recitait. Je me suis alors demandée comment se fait-il qu’un intellectuel de son envergure ne soit pas invité tout le temps sur nos chaines radios télévisées. De plus il avait une stratégie pour le tourisme cultuel qui m’a fascinée mais que le Ministère du tourisme n’a pas jugé bon d’adopter.
Cette rencontre qui m’a permis d’apprendre tellement de choses en si peu de temps, s’est faite dans un hôtel qui m’a éblouie. En fait, c’était un Fort de l’époque Ottomane et qui incluait aussi une prison. Le voir aujourd’hui, rénové et restauré, sans avoir rien perdu de son authenticité a été un pur bonheur et une vraie fierté des capacités de nos compétences Tunisiennes. Je retiendrai spécialement la prison qui a été transformée d’un endroit sombre, glauque et insalubre, en un lieu gai, ouvert et convivial, où les habitants et les touristes viennent savourer un bon café accompagné du fameux makroudh Kairouanais.
Je ne pourrai conclure sans citer l’hospitalité très touchante des Kairouanaises qui m’ont accueillie à bras ouverts en m’offrant le meilleur Iftar qui soit de ce mois de Ramadhan.
Khadija Taoufik Moalla
- Ecrire un commentaire
- Commenter