L'entreprise de demain, vue par Afif Chelbi

L’entreprise tunisienne d’aujourd’hui a nettement évolué par rapport à ce qu’elle était en 1995. L’environnement aussi a changé. Comment se profile l’entreprise de demain. Moins familiale, plus innovante et bénéficiant de conditions encore plus favorables. Telle est l’analyse de M. Afif Chelbi ministre de l’industrie et de la Technologie, étayée lors des 25èmes Journées de l’Entreprise, vendredi à Port El Kantaoui. Extraits.
 

Avant de parler de l’entreprise de demain permettez moi tout d’abord de parler de l’entreprise d’hier et d’aujourd’hui car le chemin parcouru éclaire le futur.

Et, depuis la signature de l’accord d’association avec UE et 1995, l’entreprise tunisienne a profondément changé.

Pour nous qui vivons en Tunisie le changement n’est peut être pas suffisamment perceptible. Comme un enfant qu’on ne voit pas grandir ou un adulte qu’on ne voit pas vieillir ?

Mais pour quelqu’un de l'extérieur le changement est spectaculaire.

Nous avons réalisé à l’occasion du bilan de 15 ans de mise à niveau un document et une exposition avec des photos avant / après pour une quarantaine d’entreprises dont certaines sont représentées aujourd’hui. Les images étaient éloquentes. Je vous invite d’ailleurs à consulter vos albums photos d’entreprise et je suis sûr que vous ferez le même constat.

Mais je vous invite également à faire des projections et à imaginer ce que sera ou devra être votre entreprise dans 10 ou 15 ans, j’y reviendrais.

Mais ces impressions sont aussi étayées par plusieurs indicateurs. J’en citerai quelques uns dont certains sont insuffisamment connus à mon avis :

1- Ainsi vous savez sans doute que le volume des exportations a quadruplé en quinze ans passant de 4.5 à 18 Milliards de Dinars entre 1995 et 2010.

2- Mais saviez-vous qu’au-delà du volume, le contenu technologique des exportations (au sens OCDE) est passé de 12% à 30%. A titre d’exemple : les exportations des IME étaient de 700 Millions de Dinars en 1995, elles dépasseront 6 Milliards de Dinars en 2010.

3- Ou encore que la moitié des entreprises ayant finalisé leur programme de mise à niveau ont réalisé des opérations d’innovations qu’elles soient techniques, organisationnelles ou en marketing.

4- Ou enfin que le nombre d’entreprises équipées en CAO, DAO,… est passé de quelques unes à plus de 2000 et que le nombre d’entreprises certifiées ISO est passé de 10 à 1500 entreprises. Un collègue Maghrébin me disait : Le plus grand acquis pour l’industrie tunisienne est qu’elle a gagné la bataille de la qualité, ajoutant que lorsqu’un consommateur de son pays va faire des courses, il achète le produit made in Tunisia sans hésiter car il est sûr qu’il sera de qualité.

Je pourrais multiplier les chiffres, je ne le ferais pas rassurez-vous. Mais je soulignerais un autre élément qualitatif également méconnu à savoir la multiplication des entreprises tunisiennes qui obtiennent le rang de concepteur de rang 1 de la part des constructeurs automobiles européens ou qui sont fournisseurs en produits finis (c'est-à-dire incluant la conception) dans l’habillement et dans plusieurs autres secteurs comme le plastique technique, la céramique, les logiciels…

Et ce n’est pas par hasard que le rapport de Davos 2010 classe la Tunisie au 32 ème rang en termes de compétitivité cela vous le saviez mais aussi au 31 rang en termes d’innovation.

Donc pour résumer, l’entreprise d’aujourd’hui n’est pas celle de 1995. Elle utilise plus les TIC, elle est plus innovante, elle est plus encadrée.

Néanmoins, on pourrait écrire ce tableau rose dans une couleur moins reluisante en nuançant le propos.

C’est ce qui a été fait dans l’étude stratégique sur l’industrie tunisienne à l’horizon 2016 qui a mis en évidence également nos lacunes. Et si l’étude a noté que l’entreprise d’aujourd’hui utilise plus de TIC, plus d’innovation que celle d’hier, elle a aussi souligné que plus n’estce pas assez par rapport aux défis de demain.

Les lacunes technologiques révélées par l’étude seront donc autant de défis pour l’entreprise à titre individuel et pour le tissu industriel de manière plus globale.

Plus encadrée, plus de TIC et plus d’innovation

L’entreprise de demain devra donc faire plus par rapport à l’entreprise d’aujourd’hui. Elle devra être plus encadrée, utiliser à une autre échelle les TIC, être plus innovante, créatrice de produits et non sous traitante disposant de réseaux marketing maîtrisés…

L’entreprise de demain devra également avoir une structure de capital plus ouverte, une des lacunes persistante étant le caractère familial fermé du capital de la majeure partie de nos entreprises et leurs structures financières déséquilibrées.

Les outils qui ont été mis en place cette année avec deux nouveaux fonds de capital risque engagés en partenariat public - privé : Intech et Tahil Invest devront aider l’entreprise à réaliser ces objectifs.

Les enjeux majeurs de l’énergie et de l’environnement

Deux autres enjeux majeurs pour l’entreprise de demain c’est l’énergie et l’environnement. L’entreprise du futur devra être certifiée ISO 14 000 et autres référentiels environnementaux, ses bâtiments devront être HQE (haute qualité énergétique et environnementale ). Elle devra en particulier auto-produire une large part de ses besoins en énergie en recourant aux énergies renouvelables. Nous avons modifié la loi en 2009 pour favoriser ce type d’opérations.

L’entreprise de demain devra également trouver dans son environnement les conditions plus favorables à son évolution et à plusieurs niveaux :

D’abord au niveau de la densité technologique du tissu industriel, les lacunes technologiques recensées sont en effet autant de frein à son développement. Ces lacunes concernent les maillons manquant ou insuffisants dans plusieurs secteurs: l’électronique embarquée et les circuits imprimés à la demande pour les IME, le finissage pour le textile…
 
Une des composantes importantes du plan d’action pour le développement technologique décidé par son Excellence Monsieur le Président de la République est la promotion de projets dans  21 créneaux porteurs.
 
Une autre composante importante de ce plan d’action concerne la nécessité de fournir à l’entreprise les espaces et l’environnement physique adéquat et ce à travers l’aménagement de 10 pôles technologiques qui seront des espaces répondant aux normes internationales environnementales et énergétiques.
 
Les pôles constituent en outre des réseaux impliquant entreprises, institutions de formation et de recherche pour assurer à l’entreprise de demain les ressources humaines et les capacités de recherche / développement indispensables à son développement.
 
Enfin, et pour souligner que l’entreprise de demain est l’affaire de tous : chef d’entreprise, employés, administrations, il a été proposé l’établissement d’un pacte pour le développement technologique engageant l’ensemble de ces parties.
 
Afif Chelbi
Ministre de l'Industrie et de la Technologie
 
Extraits de la communication présentée vendredi 10 décembre 2010, lors des Journées de l’Entreprise, à Port el Kantaoui