Pr Hachemi Louzir, directeur de l’Institut Pasteur de Tunis: Un grand potentiel à notre portée
«La Tunisie enregistre de bonnes avancées scientifiques et médicales. On en voit dans la chirurgie, la greffe, la prise en charge de la cancérologie et d’autres spécialités. Mais, nous pouvons en avoir beaucoup plus, malgré les difficultés rencontrées, le potentiel est grand.» C’est ce qu’affirme à Leaders Pr Hachemi Louzir, directeur de l’Institut Pasteur de Tunis.
A la tête de plus de 500 personnes dont 140 scientifiques et 113 techniciens et ingénieurs, accueillant plus de 100 étudiants, cet épidémiologiste de renom est fier de voir l’Institut remporter la médaille d’or du Salon international des inventions de Genève, attribué au Dr Messadi, biologiste au Laboratoire des biomolécules, venins et applications théranostiques (Lbvat), pour son invention intitulée «Lebecetine, lectine de type C, comme inhibiteur de néovascularisation». D’autres performances s’inscrivent dans la même lignée. Quand on l’interroge sur les obstacles qui freinent les avancées, le Pr Louzir mentionne immédiatement deux facteurs déterminants. Le premier est la faiblesse du financement qui pénalise l’ensemble du secteur de la santé. Le second est la progression lente pour suivre le courant technologique en forte accélération de par le monde. Il ajoute un troisième élément non moins significatif, à savoir le manque d’économistes de la santé, de stratèges, de planificateurs…
L’Institut Pasteur de Tunis tourne à plein régime. Outre les 213.168 analyses, tests et services assurés en 2022 et près de 110.000 doses vendues par l’unité de production de vaccins et sérums, 11 laboratoires spécialisés sont à l’œuvre. Au cours de cette même année, une dizaine de nouveaux projets à financement spécifique a pu démarrer. De plus, l’Institut a été choisi comme l’un des six pays africains récipiendaires de la technologie des vaccins à base d’ARNm (anti-Covid-19) dans le cadre de l’initiative de l’OMS et ses partenaires, Hub et Spokes. Son ambition est de mettre en place une structure de R&D pour la maîtrise des différentes étapes du développement et de la production à l’échelle pilote de vaccins à base d’ARNm. Cela va de l’identification de la séquence cible spécifique du pathogène de choix jusqu’à la formulation et la réalisation des phases précliniques, avec la preuve du concept dans les modèles expérimentaux, et ainsi se préparer aux phases cliniques.
«En 2022, les chercheurs de l’IPT, indique Pr Hachemi Louzir, continuent à se distinguer à l’échelle internationale: Rym Kefi a obtenu le Prix d'excellence en recherche de la Fondation Sadok Besrour, Ridha Barbouche a été nommé représentant EMRO et membre du Steering Committee du Global NITAGs Network de l'OMS, Olfa Messaoud a été élue vice-présidente de l'AGYA (Arab German Young Academy), Erij Messadi a remporté le 1er prix pour la catégorie Chercheur institutionnel du 1st World Cup of Invention and Scientific Research - Tunisia 2022_Expo TICAD Innovations, Houda Yacoub a rejoint l'European Network for Stem Cell Core Facilities, Ikram Guizani a été sélectionnée parmi les six femmes tunisiennes lauréates en technologie pour l’année 2022, et Hechmi Louzir a été élu membre coordinateur de la région 3 Euro-Méditerranée du Pasteur Network et identifié comme membre du Comité d’experts en recherche en santé pour la région OMS-EMRO et, plus récemment, membre de la Commission Lancet sur les menaces en santé globale du 21e siècle.»
Médecine de précision et intelligence artificielle
La médecine de précision fait l’objet d’une attention soutenue. Ce n’est plus la maladie qui est ciblée, mais le patient, présentant cas par cas un profil spécifique et pouvant bénéficier d’une prise en charge personnalisée. De plus en plus de thérapies ciblées sont ainsi développées par des industries pharmaceutiques. Elles sont fondées sur un bon diagnostic moléculaire à partir de séquençage génétique. L’Institut Pasteur de Tunis s’investit dans cette voie, détenant des outils appropriés et une expertise reconnue en séquençage génétique. L’évolution de la maladie peut être différente d’une personne à une autre. Il s’agit de prédire à partir de la génétique des symptômes et d’appréhender le mode de vie du patient, pour considérer le meilleur traitement. Le travail consiste à recenser les génomes, les analyser et définir les spécificités, ainsi que de récolter les phénotypes et de les connecter avec la génétique.
De même, un intérêt particulier est accordé à l’intelligence artificielle. Il s’agit d’assister les chercheurs dans la prise de certaines décisions. Des applications sont ainsi développées, comme notamment pour ce qui est de l’imagerie médicale.
Pr Hachemi Louzir
Directeur de l’Institut Pasteur de Tunis
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