News - 07.06.2023

Médaille d’Or remportée par Dr Erij Messadi: Et si les venins de serpent procuraient des médicaments de haute importance ?

Médaille d’Or remportée par Dr Erij Messadi: Et si les venins de serpent procuraient des médicaments de haute importance ?

Les biomolécules issues de venins de serpent ont révélé dans des modèles expérimentaux réalisés par Dr Erij Messadi, biologiste à l’Institut Pasteur de Tunis, qu’elles pouvaient constituer une excellente alternative thérapeutique. C’est là une grande avancée scientifique. Son brevet d’invention vient de remporter une médaille d’or avec félicitations du jury au 48e Salon international des inventions de Genève, tenu récemment. Une haute distinction qu’on doit au Dr Messadi, biologiste au Laboratoire des biomolécules, venins et applications théranostiques (Lbvat), pour son invention intitulée «Lebecetine, lectine de type C, comme inhibiteur de néovascularisation».

«L'invention concerne la lebecetine (LCT), un variant fonctionnel ou un fragment de celle-ci, destiné à être utilisé en tant qu'inhibiteur de néovascularisation, en particulier dans le traitement de maladies néovasculaires telles que les maladies oculaires, des cancers ou des troubles inflammatoires avec un composant néovasculaire. Ce brevet s’est prolongé par un programme de maturation avec pour objectif la production de LCT recombinante optimisée in vitro et in vivo. Ce programme a également permis d’étudier les mécanismes d’action de la LCT et de développer, par des études de modélisation bio-informatique, de biologie moléculaire et de synthèse chimique, des mutants plus actifs, plus sélectifs et plus stables dans la perspective d’une valorisation industrielle.»

De grandes perspectives

«L’étude des biomolécules issues de venins de serpent, indique Dr Messadi, nous a révélé qu’elles pouvaient constituer une excellente approche thérapeutique dans certaines pathologies, car elles démontrent une importante efficacité, en plus de l’avantage d’être facilement manipulables pour l’obtention de composés synthétiques plus efficaces et non toxiques. Contrairement à d’autres molécules, une injection unique des molécules de venins testées a suffi à induire un niveau de protection élevé. Ces résultats s’expliquent par une meilleure stabilité, du fait qu’elles échappent aux systèmes enzymatiques des mammifères, ce qui leur confère une efficacité plus importante et durable.»

Les maladies néovasculaires oculaires et la thérapie anti-angiogénique 

Dès ses débuts à l’Institut Pasteur de Tunis, Dr Messadi s’est intéressée la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) et aux rétinopathies ischémiques (RI), deux pathologies oculaires dont la prévalence reste élevée en Tunisie. «Ces maladies oculaires, indique-t-elle, ont une pathogénie multifactorielle rendant difficile leur traitement. De plus, les médications actuelles utilisées pour l’inhibition du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF), principal médiateur de l’angiogenese rétinienne, sont inefficaces chez 15 à 30% des patients qui risquent ainsi la cécité irréversible. Aussi, proposer une stratégie innovante visant une cible thérapeutique autre que celle du VEGF était-il pour nous une opportunité pertinente à développer, notamment en visant la voie des intégrines, qui sont des marqueurs de la néovascularisation oculaire chez l’homme».

«Avant d’arriver au brevet, nous avons testé plusieurs molécules de venins, mais c’est la LCT, objet de notre invention, qui s’est avérée être la molécule la plus puissante pour réduire la néovascularisation oculaire sur des modèles murins de DMLA et de RI » précise Dr Messadi. Cette protéine est active après une seule administration locale dans l’œil, alors que d’autres molécules au banc d’essai nécessitent plusieurs injections ou des dispositifs intra-oculaires chroniques. En effet, contrairement à ces molécules, la LCT cible simultanément toutes les intégrines exprimées dans les tissus néovasculaires oculaires humains lors de DMLA et de RI. De plus, la LCT est non toxique, spécifique des cellules endothéliales en prolifération, et préserve la fonction visuelle ainsi que l’intégrité histologique de l’œil, ce qui augure d’un bon profil thérapeutique. Chez l’animal, la LCT s’est avérée capable d’induire la même protection que les médicaments actuels utilisés chez l’homme (anti-VEGF), et possédant un effet synergique en co-administration avec ces anti-VEGF. Ces résultats nécessiteraient, dans l’étape à venir, la mise en place d’essais cliniques afin de déterminer son efficacité chez l’homme. Dans l’affirmative, la LCT pourrait être utilisée soit comme un traitement alternatif chez les patients résistants aux anti-VEGF, soit comme traitement complémentaire en association avec les médications actuelles pour une efficacité thérapeutique optimale au cours de la DMLA et des RI.

Une démarche de longue haleine

Titulaire d’un doctorat en médecine vétérinaire (2001), d’un doctorat (Ph.D.) en pharmacologie (2007, Université de Paris XI) et d’une habilitation à diriger des recherches, Dr Erij Messadi avait rejoint l’Institut Pasteur de Tunis dès 2008. «Le LBVAT, explique-t-elle à Leaders, est un laboratoire de référence pour l’étude des venins de serpents et de scorpions et qui possède une large biothèque de molécules actives dont les champs d’application s’étendent à plusieurs domaines, dont le cancer et les maladies néovasculaires, les maladies neurodégénératives et le domaine cardiovasculaire ».

C’est ainsi, qu’elle a élargi ses recherches à d’autres axes de médecine translationnelle tels que les maladies cardiovasculaires, avec toujours pour objectif d’y apporter des solutions thérapeutiques innovantes à partir des molécules de venins. «J’ai implémenté au sein de l’institut Pasteur de Tunis, indique Dr Messadi, une nouvelle structure dédiée à la médecine expérimentale et aux explorations fonctionnelles chez le petit animal de laboratoire. La plateforme P2C (Plateforme de physiologie et physiopathologie cardiovasculaires) permet l’acquisition de données en temps réel et la réalisation de plusieurs types d’expérimentations hémodynamiques et cardiodynamiques in vivo (chez l’animal entier), ex vivo (sur les organes isolés) et in silico (par modélisation bio-informatique)».

Face à l’infarctus du myocarde

L’infarctus du myocarde (IDM) est la première cause de mortalité en Tunisie, comme dans le monde. Sa complexité réside en l’existence chez l’homme de certaines prédispositions et polymorphismes génétiques qui peuvent conditionner sa gravité et la réponse aux stratégies thérapeutiques de cardioprotection. C’est ce qu’a démontré Dr Messadi dans ses premiers travaux de recherche qui indiquent que certains polymorphismes sur les systèmes peptidiques endogènes vasoactifs pourraient entraver la réponse aux médicaments contre l’IDM. La chercheuse a également démontré récemment que l’existence de certaines pathologies sous-jacentes peut impacter négativement la survenue et le pronostic de l’IDM, notamment chez les individus souffrant de maladies inflammatoires de l'intestin (MII) (maladie de Crohn et rectocolite hémorragique), qui auraient plus de risques que les autres de subir un IDM. Ces résultats expérimentaux devraient encourager le développement de stratégies préventives et thérapeutiques spécifiques de l’IDM chez les populations où il n’existe à l’heure actuelle pas de traitement efficace. Dans ce sens, les venins de serpents seraient une solution pour améliorer la prise en charge thérapeutique de l’infarctus, puisqu’ils regorgent de biomolécules aux propriétés cardiovasculaires, affirme Dr Messadi. L’exemple le plus parlant est celui du captopril (Capoten®), un inhibiteur de l’ECA, issu initialement du venin du serpent Bothrops Jararaca, et qui est actuellement le «blockbuster» dans le traitement de l’hypertension artérielle, de l’IDM et de l’insuffisance cardiaque chez l’homme. « Je me suis investie, poursuit-elle, dans l’étude de molécules originales de venins de serpents faisant partie du patrimoine biologique tunisien. A ce jour, nous avons pu déterminer pour la première fois leurs propriétés cardioprotectrices et leurs mécanismes d’action moléculaires, et prédire in silico leurs structures tridimensionnelles et leur capacité à se lier à leurs cibles moléculaires. «Actuellement, conclut Dr Messadi, nous développons, sur la base des résultats obtenus, des analogues de synthèse dans le but d’en faire des candidats médicaments plus efficaces, plus sélectifs et plus stables dans le traitement de l’insuffisance coronaire».

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1 Commentaire
Les Commentaires
dr bmnNOUREDINE BEN MANSOUR - 07-06-2023 12:29

Le venin est bien connu depuis plusieurs années qu'il renferme en lui quelques produits qui sont utilisés dans certains domaines pharmaceutiques. En 1974 au temps où je préparé mon doctorat sur les produits anti cancer ; il y avait un collègue soudanais qui a préparé sa thèse de doctorat sur le venin de serpent et comment l'utiliser entant que produits pharmaceutiques

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