Tunisie - migration : Destins liés
La voix de la Tunisie aura été, finalement, entendue. La grave crise migratoire qui déferle partout constitue une lourde menace pour tous. Pays d’origine, de transit et d’accueil en pâtissent. Ils subiront, chaque jour davantage, ses conséquences. En portant, avec l’Italie et l’appui de l’Union européenne, la question devant les principaux acteurs de l’espace méditerranéen, un pas décisif a été franchi. La conférence sur le développement et la migration, réunie le 23 juillet dans la capitale italienne, a souligné la communauté de destins et la nécessité d’agir.
Le Processus de Rome, issu des débats, donne un signal prometteur. Il reste à concrétiser. Essentiellement politiques, les «conclusions» publiées doivent s’accompagner d’une dimension économique chiffrée.
Une compréhension commune de la question migratoire et une réponse engagée, plurielle, profonde et continue sont à la base de toute stratégie projetée. La pauvreté, le chômage, l’insécurité, le manque de perspectives et les dérèglements climatiques ne laissent aucune autre alternative à des centaines de milliers de jeunes et de moins jeunes que de braver désert et mer pour se réfugier dans les pays du Nord. Des bandes organisées de trafiquants et de criminels de la traite des êtres humains y trouvent ainsi une aubaine. Leurs réseaux tentaculaires impliquent toute une chaîne logistique. Les enjeux financiers sont colossaux. A maintes reprises, depuis Tunis, puis Rome, le président Kaïs Saïed a tiré la sonnette d’alarme.
Le Processus de Rome repose sur des réponses urgentes pour la gestion de la migration irrégulière et des actions en profondeur pour le développement des pays d’origine. Le plan d’action à élaborer, le fonds de développement annoncé et les mécanismes de suivi à mettre en place offrent autant d’opportunités à saisir par la Tunisie. Les pays européens et nordiques, absents à Rome, notamment la France, l’Allemagne ou la Pologne, ne sauraient se soustraire à cette dynamique. L’Europe, unie, doit peser de tout son poids auprès des institutions financières, des organisations spécialisées et des pays donateurs pour s’impliquer activement.
Priorité absolue: faire face aux flux massifs de migrants illégaux et les endiguer. Tout en portant un secours humanitaire urgent à ceux déjà arrivés, il s’agit de verrouiller les frontières, de démanteler les réseaux de trafiquants, d’assécher leurs ressources financières et de détruire leurs embarcations. Cette gestion de première ligne doit se poursuivre dans le cas de la Tunisie pour éviter qu’elle ne devienne un pays d’installation. Des dizaines de milliers de migrants clandestins sont actuellement sur notre territoire. Comment organiser leur départ, vers où et avec quels financements?
La Tunisie, co-initiateur du Processus de Rome (et devant organiser la prochaine conférence), est en mesure d’en tirer plein bénéfice. En se positionnant au centre de cette nouvelle dynamique, elle sera à même de mobiliser tout l’appui extérieur dont elle a grandement besoin. Aussi, la pertinence d’une stratégie nationale adéquate, la performance de structures appropriées et la coordination assurée contribueront-elles à sa gestion cohérente et efficace de la crise migratoire.
Pour sa part, l’Union européenne entend faire du mémorandum d’entente signé avec la Tunisie le 16 juillet dernier une référence afin d’y rallier d’autres pays de la rive sud de la Méditerranée. La meilleure expression de sa volonté de partenariat est de concrétiser dans les plus brefs délais ses engagements vis-à-vis de la Tunisie. Les financements annoncés sont à fournir illico presto. Car la crise migratoire est venue s’ajouter à celle économique et financière. Le pays est mis à rude épreuve.
Tout à la fois, la Tunisie a besoin d’argent frais pour renflouer ses caisses et aussi de moyens pour lutter contre la migration illégale. Face à cette lourde charge, aucun soutien arabe, européen et international ne saurait lui faire défaut. Nos destins sont bien liés.
Taoufik Habaieb
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