Chadli Laroussi: Le changement climatique et le développement durable en Tunisie
Le tournant historique de Juillet 2023
Dans un article(1) publié le 31 juillet 2023 par Leaders, j’avais fait référence à l’alerte lancée par les météorologues de l’ONU le 27 juillet 2023, qui avaient déclaré qu’ «il était "pratiquement certain" que juillet 2023 sera le plus chaud jamais enregistré».
Et, effectivement, sur la base des données ERA5 du Centre européen pour les prévisions météorologiques et de l’Organisation météorologique mondiale «les trois premières semaines de juillet ont été les plus chaudes jamais enregistrées et ce mois est en passe de devenir le mois de juillet le plus chaud jamais enregistré et le mois le plus chaud jamais enregistré.».
C’est la première fois dans l’histoire que notre planète enregistre un tel record de réchauffement climatique.
Comment assurer à la Tunisie un développement durable face à un changement climatique qui s’accélère?
Encastrée entre le plus grand désert du monde qu’est le Sahara et la méditerranée qui est «la deuxième zone de la planète qui se réchauffe le plus vite après l’Arctique.», la Tunisie est parmi les pays les plus menacés par le changement climatique, surtout qu’elle fait face à l’Europe qui est l’un des continents les plus industrialisés de la planète.
Il va sans dire que ce réchauffement climatique n’est pas le fait du hasard. Les responsabilités sont partagées, certes. Malheureusement, peu s’accordent à le reconnaître, à consentir les compensations nécessaires et, encore moins, le prix à payer pour remédier à cette situation.
Il n’échappe à personne que l’exploitation à outrance des ressources naturelles, l’industrialisation galopante et les émanations de carbone des pays les plus développés mettent aujourd’hui l’humanité tout entière devant un danger vital!
Les perturbations occasionnées au cycle de l’eau dans la nature sont en train d’accélérer le rythme de l’alternance les épisodes de sécheresse sévère aux épisodes pluvieux qui frôlent le déluge.
De mémoire d’homme, la Tunisie n’a jamais connu des épisodes de sécheresse qui se succèdent sur plus de 3 ans comme on vient de le vivre ces dernières années.
En effet les séries pluviométriques annuelles, répertoriées sur près d’un siècle, montrent que généralement sur 9 ans la Tunisie enregistre 3années de faible pluviométrie se traduisant par une sécheresse parfois sévère, 3 années de forte pluviométrie à l’origine de crues plus ou moins importantes et 3 années à pluviométrie moyenne.Au cours XXème siècle, on a constaté l’apparition de sécheresses sévères généralisées à tout le pays. Sachant que l’année hydrologique commence le 1er septembre et se termine le 31 août de l’année suivante, les plus anciennes années de sécheresse ont eu lieu aux années hydrologiques 1913-14, 1926-27, 1935-36 et 1944-45 et les plus récentes sont celles enregistrées dans les années hydrologiques 1960-61, 1968-69, 1987-88, 1988-89, 1998-99 et 1999-2000.
Le XXIème siècle a débuté avec une sécheresse généralisée à toutes les régions du pays durant l’année hydrologique 2000-2001. L’année hydrologique 2001-2002 s’est caractérisée par un déficit hydrique de 50% dans le nord du pays, de 52,5% dans le Centre et 55% dans le Sud. En 2007-08, la sécheresse a frappé le nord et le centre du pays qui ont connu respectivement un déficit hydraulique de 62% et de 81%. Elle s’est poursuivie en 2009-10 avec un déficit hydraulique de 43.6% dans le nord et de 78.6% dans le centre, respectivement.
Au cours de la deuxième décennie du XXIème siècle, la Tunisie a connu 5 années de sécheresse sévère au cours des années hydrologiques 2015-16, 2017-18, 2019-20 et 2020-21. Il en a résulté un déficit dans les apports en eau dans les barrages de 66.1% en 2016, 58.6% en 2017, 48.3% en 2018, 59.2% en 2020 et 57.4% en 2021.
On y perçoit l’accentuation des effets du changement climatique sur la régularité des apports pluviométriques, aggravés par l’occurrence de crues violentes et de sécheresses sévères. Cette irrégularité des apports menace la sécurité hydraulique aussi bien dans les pays du Sud que les pays du Nord de la Méditerranée, outre son impact économique et social désastreux sur ces pays.
La Tunisie, qui a été toujours pionnière dans la gestion de ses ressources en eau, a déjà élaboré dans «Eau 2050», «la vision et la stratégie du secteur de l’eau à l’horizon 2050». Il s’agit maintenant de mettre en œuvre le plan opérationnel des actions à entreprendre pour répondre aux besoins en eau jusqu’à l’horizon 2050.
C’est la voie la plus sûre pour garantir à notre pays sa sécurité hydraulique et son développement durable.
Chadli Laroussi
Professeur des Universités
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