Il y a trente ans, un colon assassinait 29 Palestiniens: Ses disciples sont aujourd'hui au pouvoir en Israël et Biden les soutient
Par Mohamed Larbi Bouguerra - Ce matin-là du 25 février 1994, ils étaient réunis pour la prière du Sobh à la mosquée d’Ibrahim à Hébron lorsque Baruch Goldstein fit irruption avec une arme automatique. Ce médecin américain de l’armée israélienne né à Brooklyn (New York), assassina 29 Palestiniens et blessa 125 autres avant d’être tué par les fidèles. Ce carnage souleva une telle réprobation dans le monde qu’Israël se vit contraint d’accepter une commission dite TIPH (pour Temporary International Presence in Hebron) comprenant l’Autorité Palestinienne et Israël ainsi que 64 représentants de 5 pays : Italie, Norvège, Suède, Suisse et Turquie. Cet organisme fonctionna jusqu’en 2018 en rédigeant de nombreux rapports confidentiels qu’Israël foula aux pieds et, en février 2019, Netanyahou exigea le départ du TIPH de Hébron : la communauté internationale s’exécuta. Toujours l’impunité pour l’occupant!
Autre retombée de cet affreux massacre, comme souvent en Israël, cet assassin devint une icône pour les extrémistes, les suprémacistes et les racistes de tout poil à l’instar d’Elor Azaria, ce Franco-Israélien qui acheva d’une balle dans la tête Abdel Fatah Chérif alors qu’il perdait tout son sang et à terre le 24 mars 2016. Baruch Goldstein fait l’objet d’un véritable culte et, à Kyriat Arba- bastion des radicaux tel l’actuel ministre des Finances Bezalel Smotrich- sa plaque tombale porte une inscription en hébreu de tsaddiq (juste)-: «Ci-gît l’homme saint, le Dr Baruch Goldstein qui a sacrifié sa vie pour le peuple d’Israël, sa Torah et sa terre.» Or Goldstein n’était autre qu’un membre du parti Kachdu rabbin américain Meir Kahana, une figure de l’extrême droite israélienne, élu député en 1987, qui demandait l’expulsion de tous les Palestiniens. Kahana a été abattu à New York, en novembre 1990, par la résistance palestinienne.
Les disciples de Kahana et de Goldstein sont aux commandes
Dans la société israélienne, aujourd’hui, la frange mystique et ultranationaliste est parvenue au faîte du pouvoir et a le vent en poupe. Rien ne la retient. Plus de ligne rouge. Plus de précaution à prendre et elle situe la résistance du Hamas dans une perspective messianique : tout ce qui advient était «écrit» et, précisément, les écritures sacrées autorisent tous les crimes en retour: ainsi, le ministre du Patrimoine, Amihal Eliahou, à la question «Faut-il lancer une bombe A sur Gaza pour tuer tout le monde?» répond «c’est une option». Et d’ajouter: «Quiconque brandit un drapeau israélien ne devrait pas pouvoir continuer de vivre.» (Lire Sylvain Cypel, «L’Etat d’Israël contre les juifs», La Découverte, Paris, 2024, p.25). Ce ministre est membre du parti raciste Otzama Yehudit (Puissance juive) d’Itamar Ben-Gvir, - ministre d’origine irako-kurde chargé de la Sécurité nationale depuis le 6 avril 2021 - qui interdit la présence de viande dans les maigres rations servies aux prisonniers palestiniens dans les geôles de l’occupation, réduit la durée de leur douche ainsi que la fréquence des visites des familles et leur interdit même de faire de leur propre pain. Ben Gvir affichait dans ses locaux une grande photo de Goldstein qu’il a retirée au moment des élections de 2021 à la demande de Netanyahou.
Quant au ministre de l’Energie Yisrael Katz, du parti Likoud de Netanyahou, il s’oppose à toute aide humanitaire aux Gazaouis. Un général de réserve, Giora Eiland suggère de les exterminer en leur diffusant des virus mortels car ainsi, on s’approcherait de la victoire et on réduirait le nombre de décès parmi nos soldats affirme-t-il sans fard !
Sylvain Cypel écrit: «Ces déclarations ahurissantes mais explicites ne suscitent aucun scandale en Israël…. L’idée la plus formulée est celle d’une nouvelle grande expulsion des Palestiniens. Des dirigeants du Likoud et la totalité de l’extrême droite coloniale l’exposent sans frein. Le député Likoud Ariel Kallner s’exclame : «Un seul but: la Nakba! Une Nakba qui éclipsera celle de 1948.»
Autre adorateur de l’assassin Goldstein, Bezalel Smotrich, ministre des Finances et chargé de la gestion «civile» des territoires occupés expliquait, le 2 janvier 2024 à la télé, que les deux millions de Gazaouis étant collectivement des assassins potentiels de juifs, la seule option est de les expulser. Déjà en 2018, Avigdor Liberman, ministre de la Défense clamait sa haine des Palestiniens affirmant qu’«à Gaza il n’y a pas de gens innocents.» En 2015, Liberman, lui qui est né en Moldavie, proposait, copiant Hitler, de «décapiter à la hache les Arabes israéliens infidèles à la patrie» (Libération, 10 mars 2015).
L’hystérie collective que vit Israël est à son paroxysme: «au Collège universitaire de Netanya, 50 étudiants palestiniens d’Israël ont dû se barricader devant une foule déchaînée hurlant «Mort aux Arabes» et «à Gaza» écrit Sylvain Cypel.
Joe Biden n’est pas de la trempe de Ronald Reagan
Dans une opinion parue sur le New York Times le 16 mars dernier, Nicholas Kristof suppliait le Président Biden d’user de son influence pour sauver des vies à Gaza. Il note que Netanyahou n’a que faire des demandes du président américain «car cela ne lui coûte rien, c’est sans conséquences».
Kristof illustre son propos en donnant cet exemple: en 1967, Moshe Dayan, ministre de la Défense d’Israël disait à un leader sioniste américain: «Nos amis américains nous offrent de l’argent, des armes et des conseils. Nous empochons l’argent, nous prenons les armes et nous refusons les conseils.» Le leader sioniste demanda alors Dayan ce que ferait Israël si les Américains liaient leur aide à l’acceptation des conseils. Il rétorqua : «Alors, il nous faudra tenir compte des conseils aussi.»
L’attitude de Donald Reaganvis-à-vis d’Israël est bien différente de celle de Biden aujourd’hui. Quand Israël envahit le Liban en 1982, il fit plusieurs massacres parmi les Palestiniens et exécuta un effroyable barrage d’artillerie sans que la sécurité d’Israël n’en soit mieux assurée. Kristof raconte que Reagan appela alors Menahem Begin et au lieu de lui demander d’arrêter la canonnade, il lui ordonna carrément d’arrêter le feu. Dans ses mémoires, Reagan écrit: « Je lui ai dit d’arrêter sinon nos relations futures seront en danger. J’ai utilisé le mot holocauste délibérément et j’ai ajouté que le symbole de cette guerre était en train de devenir l’image de ce bébé de 7 mois dont les bras ont été arrachés». Vingt minutes plus tard, ajoute Reagan, «Begin m’a appelé pour me dire qu’il avait ordonné la fin du pilonnage au canon et a plaidé pour une amitié continue américano-israélienne.»
Evoquant les difficultés de l’aide humanitaire à Gaza, Nicholas Kristof raconte qu’un officiel haut placé de l’administration américaine lui a raconté qu’Israël refoulait des camions d’aide entiers s’ils contenaient des kits d’accouchement d’urgence, apparemment parce que ceux-ci comprenaient un petit scalpel pour couper les cordons ombilicaux. L’UNICEF me dit qu’Israël refuse de lui permettre d’installer des toilettes portables. Les sénateurs Chris Van Hollen et Jeff Merkley se sont rendus à la frontière de Gaza et ont constaté qu’Israël avait bloqué des purificateurs d’eau. Un membre du Parlement britannique a déclaré qu’Israël avait bloqué 2 560 lampes solaires.
Pour bien montrer au Président Biden où sa politique si clémente vis-à-vis de l’Etat d’apartheid sioniste mène, Kristof écrit en conclusion de son article : « Je vais donner le dernier mot au linguiste de Gaza Mohammed Alshannat que je cite souvent. Dans un nouveau message, Alshannat a raconté comment il a essayé de récupérer de la nourriture lors d’un parachutage pour éviter la famine: «Ma femme et moi avons décidé d’aller à la plage dans l’espoir d’avoir de quoi nourrir nos enfants. Il y avait des dizaines de milliers de personnes qui attendaient. Vers 14h20, trois avions ont commencé à larguer leurs parachutes sur la plage. Les gens ont commencé à les poursuivre. Nous avons poursuivi l’un de ces parachutes. Cependant, lorsqu’il a été ouvert, nous avons trouvé des bouteilles d’eau et des bouteilles de vinaigre. Deux enfants sont morts dans une bousculade. Parce que nous sommes très mal nourris et que nous n’avons rien mangé, il nous a fallu trois heures pour rentrer à la maison, car nous devions nous reposer toutes les 10 minutes. Nous avons pleuré tout le long du chemin du retour.»»
Mohamed Larbi Bouguerra
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