Opinions - 09.02.2025

Un mal de plus en plus répandu dans le monde: la tyrannie de la médiocrité

Un mal de plus en plus répandu dans le monde: la tyrannie de la médiocrité

Par Khadija Taoufik Moalla - La médiocrité n’a pas de prix, mais elle a un coût — un coût souvent invisible mais profond, qui s'infiltre dans tous les aspects de la vie sociétale. C’est ce qui se révèle un peu partout dans le monde. En effet, la médiocrité désigne un état moyen, sans excellence ni distinction, souvent marqué par un manque d'effort, de talent ou d'originalité. Elle peut s'appliquer aux performances, aux œuvres ou au caractère d'une personne. Souvent perçue négativement, elle reflète une tendance à se contenter du minimum sans chercher à s'améliorer. De plus, l’impact de la médiocrité peut être dévastateur pour un pays, aussi puissant l’est-il, une organisation ou une institution, freinant le développement, érodant la confiance et gaspillant des ressources précieuses. En effet, le coût économique de la médiocrité est beaucoup plus élevé qu’on ne le pense, même dans des pays très développés, et se répercute sur tous les aspects du fonctionnement de ces institutions. Celles-ci souffrent ainsi d’une inefficacité chronique car elles perdent leurs talents, gaspillent leurs ressources et compromettent leur vision et mission à long terme.

1 - Quelles sont les caractéristiques des médiocres?

Les personnes médiocres, tant sur le plan personnel que professionnel, partagent souvent des caractéristiques communes. Elles manquent de compétence réelle, de vision et d’ambition authentique, ce qui les poussent à compenser leurs lacunes par des stratégies de manipulation et d’exclusion. Redoutant la concurrence des individus talentueux et compétents, ces personnes développent un réflexe quasi instinctif de sabotage, cherchant à éliminer celles et ceux qui pourraient les surpasser, et cela en les discréditant, en les marginalisant ou en créant un environnement hostile à leur épanouissement. 

Dans un tel environnement, la compétence devient un danger, l’innovation une menace, et la loyauté servile un critère de promotion. Ainsi, la médiocrité s’auto-entretient et se reproduit, écartant toute dynamique de progrès ou d’excellence au profit d’un système où l’incompétence règne par l’intimidation et la manipulation. Plutôt que de s’entourer de personnes brillantes capables de les stimuler et d’élever le niveau général, les médiocres privilégient la compagnie de subalternes dociles, tout aussi médiocres, qui ne menacent ni leur statut ni leur autorité. Ces derniers, souvent conscients de leur propre faiblesse, obéissent par peur des représailles, contribuant ainsi à entretenir un climat de stagnation et de conformisme.

2 - Impact de la médiocrité

a) Sur le plan personnel, familial et sociétal

La médiocrité ne se limite pas aux institutions et aux organisations, elle s’infiltre également dans la vie personnelle et familiale, affectant profondément les dynamiques sociales. Dans une famille, la tolérance à la médiocrité entraîne l’instauration de modèles négatifs où l’effort, la rigueur et l’excellence sont dévalorisés au profit de la complaisance et de l’immobilisme. Les enfants élevés dans un environnement où la médiocrité est acceptée risquent d’adopter ces mêmes comportements, freinant ainsi leur potentiel et limitant leur ambition. Ainsi, la médiocrité se manifeste dans la vie quotidienne à travers divers comportements. Sur le plan personnel, cela inclut un parent laxiste qui n’encourage pas l’effort, une attitude passive face aux problèmes, ou un entourage toxique qui freine l’épanouissement.

Sur le plan sociétal, la médiocrité encourage l’injustice et l’incompétence, créant une société où la méritocratie est remplacée par le favoritisme et l’opportunisme. Ces comportements contribuent à un climat d’irresponsabilité et d’indiscipline.
À terme, cela affaiblit la cohésion sociale, creuse les inégalités et freine le progrès collectif en maintenant un climat où l’initiative, la créativité et l’excellence sont perçues comme des menaces plutôt que des atouts.

b) Sur l’environnement professionnel

La présence de personnes médiocres à la tête des institutions entraîne des pertes majeures. Sur le plan professionnel, elle se traduit par le rejet de l’innovation, le refus des responsabilités, et une culture du paraître, où l’image prime sur les résultats réels. Sur le plan matériel, leur incompétence réduit la productivité, favorise la mauvaise gestion et alimente la corruption, menant à un désengagement des bailleurs de fonds. Sur le plan humain, elles créent un climat de travail toxique, provoquent la fuite des talents et bloquent toute nouveauté. Enfin, sur le plan immatériel, elles ternissent la réputation des organisations, fragilisent les partenariats et aggravent la rigidité bureaucratique, rendant toute évolution et progrès presqu’impossibles.

3 - Comment mesurer l'impact de la médiocrité et préserver l’efficacité des institutions?

Il est essentiel d’intégrer des indicateurs spécifiques aux Objectifs du Développement Durable (ODD) et au PIB pour mesurer l’impact de la médiocrité. Cela inclut des indicateurs de performance institutionnelle pour évaluer la gestion, des indicateurs de qualité pour mesurer l’efficacité des projets, et une estimation du coût d’opportunité lié au favoritisme. Enfin, des indicateurs subjectifs, basés sur des enquêtes, permettront d’analyser la perception des décisions administratives.

Pour préserver l’efficacité des institutions, il est essentiel d’adopter un recrutement basé sur la compétence, avec des critères stricts et une lutte sans merci contre le népotisme. De plus, il faut assurer une surveillance de la performance grâce à des indicateurs clairs, des évaluations régulières et un système de reconnaissance et de sanction. Enfin, un assainissement de la gouvernance est nécessaire, en favorisant la méritocratie, l’innovation et la protection des lanceurs d’alerte.

4 - Le secteur privé peut-il être un exemple à suivre?

Le secteur privé cherche à maximiser l’efficacité et la rentabilité, ce qui le pousse à limiter la médiocrité, bien que des erreurs de recrutement puissent survenir. Pour y remédier, il met en place des processus de sélection rigoureux, des vérifications de références et des périodes d’essai. Lorsqu’un employé médiocre est recruté, les entreprises privées misent d’abord sur la formation et l’encadrement, avant d’envisager des sanctions ou un licenciement rapide si nécessaire. Le secteur privé peut inspirer les institutions publiques en encourageant la méritocratie, en instaurant une culture de la performance, en investissant dans la formation continue et les incitations à la performance; mais aussi en facilitant le licenciement des incompétents.
En appliquant ces principes, les institutions publiques et les organisations bi- et multilatérales pourraient améliorer leur rendement et réduire leur bureaucratie inefficace.

5 - L’Alliance des vertueux: Une Solution basée sur les valeurs?

Faire face à la médiocrité exige une lutte active contre l’impunité et le manque de redevabilité en instaurant des règles strictes et des mécanismes de contrôle. La création d’une Alliance des Vertueux pourrait être une solution en promouvant l’intégrité, en renforçant la solidarité entre les talents, en formant des leaders responsables et en sensibilisant sur les dangers de la médiocrité. Enfin, la passivité, le silence et le manque de solidarité des compétents, entre eux, ne fait que renforcer la domination des médiocres. En effet, à la citation qui dit que: ‘Pire qu’une âme asservie, c’est une âme habituée’; je rajouterai… habituée à la médiocrité. D’où l’importance d’agir collectivement pour restaurer la responsabilisation collective et promouvoir l’excellence.

Khadija Taoufik Moalla

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