Opinions - 08.03.2025

8 Mars: Une ambition de reconnaissance, aussi, des femmes tunisiennes de la diaspora à l’étranger

8 Mars: Une ambition de reconnaissance, aussi, des femmes tunisiennes de la diaspora à l’étranger

Par Hella Ben Youssef, vice-présidente de l’Internationales Socialiste des Femmes - Chaque 8 mars, nous célébrons la Journée internationale des droits des femmes. Mais pour beaucoup d'entre nous, femmes de la diaspora à l’étranger, cette journée est surtout un rappel des risques de violences auxquels certaines pourraient exposées : violence psychologique, institutionnelle, sociale et politique. Être une femme issue de la diaspora, c'est vivre, en émigrée, une lutte permanente pour être reconnue, respectée et traitée à égalité.

Cette violence croisée entre racines et exil des femmes issues des diasporas est perçue comme une double, voire, une triple peine. Arrachées ou exilées de leur territoire de naissance, grandissant dans des pays qui ne les considèrent pas pleinement comme des citoyennes, elles doivent sans cesse prouver leur appartenance. Le reflet s’en ressent dans des politiques migratoires restrictives, dans la marginalisation économique et dans des discriminations systémiques qui touchent en particulier les deuxième et troisièmes générations d’immigrés.

En 2022, la Tunisie a adopté une nouvelle loi électorale comportant, entre autres dispositions, l'exclusion des candidats binationaux des élections législatives. Cette mesure risque d’être perçue comme une atteinte aux principes d'égalité et de représentation démocratique, principes pourtant affirmés par la Constitution de 2014, considérée alors comme juste et équilibrée.

Si la Tunisie a fait ce choix, d’autres nations adoptent une approche plus inclusive. Le Ghana, par exemple, a créé un statut spécial pour les membres de sa diaspora, leur permettant de conserver leur double nationalité tout en jouissant des mêmes droits civiques que les citoyens résidant sur le territoire. Une politique qui vise à renforcer les liens entre les expatriés et leur pays d’origine, mais aussi à tirer parti de leur expertise et de leurs investissements. De même, l'Éthiopie qui a mis en place des politiques visant à intégrer davantage ses citoyens résidant à l'étranger, leur offrant une voix dans les processus nationaux.

Les femmes tunisiennes de la diaspora se retrouvent doublement exclues : par leur statut de binationales et par leur genre. Nées et ayant grandi dans des pays qui prônent l’égalité et la démocratie, elles constatent avec amertume qu’en Tunisie, leur pays d’origine, elles ne sont toujours pas considérées comme des citoyennes à part entière.

Pourtant, leur engagement est indéniable. Elles sont nombreuses à investir, à contribuer au rayonnement de la culture, de l’économie et de la diplomatie tunisienne. Elles sont des ambassadrices de la Tunisie à l’étranger, actives dans des réseaux professionnels et associatifs, mais toujours sans reconnaissance institutionnelle.

Dans ce contexte, la question reste ouverte: la Tunisie choisira-t-elle d’embrasser pleinement les principes d’égalité et d’inclusivité, sans marginaliser une partie de sa population, pourtant essentielle à son avenir ?

La femme tunisienne n’a jamais cessé de percuter les barrières d’un pays qui se vante d’être un modèle de libération des femmes. Mais la réalité est plus nuancée : en Tunisie, comme ailleurs dans le monde, les femmes doivent sans cesse se battre pour leurs droits. Les femmes de la diaspora, elles, sont en conflit entre les nouvelles dynamiques et courants du féminisme qui se renouvellent et les situations spécifiques des femmes tunisiennes, prises entre traditions et modernité, entre engagement et exclusion.

Dans ce contexte, l’enveloppe budgétaire allouée à l’éradication des violences faites aux femmes est un enjeu crucial. Le budget du Ministère de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Personnes âgées n’a pas évolué de manière significative et reste limitée. Une volonté politique est nécessaire pour doter les femmes de plus de moyens afin de garantir leur autonomie et leur sécurité financière. Sans financement adapté, les lois et les discours en faveur des femmes risquent de ne constituer que des promesses à réaliser.

Le pouvoir législatif est en mesure, de son côté, d’apporter les correctifs appropriés. Les femmes tunisiennes ambitionnent légitimement à être reconnues à égalité, sans distinction de lieu de résidence ou de nationalité, et à bénéficier de l’accès aux espaces de décision. Nos voix comptent. Nos engagements comptent. Nos contributions à la Tunisie comptent.

Nous avons droit à notre Tunisie. Une Tunisie inclusive, qui valorise sa diaspora comme une richesse humaine, culturelle et intellectuelle. Une Tunisie où les femmes, qu'elles vivent à l'intérieur du pays ou à l'étranger, occupent pleinement leur position de premier plan. Une Tunisie où les femmes de la diaspora ont enfin la place qu’elles méritent.

Le 8 mars ne doit pas être une simple commémoration. Il doit être un appel à l’action.

Hella Ben Youssef
 

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