News - 10.07.2025

Patrouiller et saluer les gens ne suffit pas pour rassurer les populations civiles : il faut les écouter, les informer et mériter leur confiance (Album photos)

Patrouiller et saluer les gens ne suffit pas pour rassurer les populations civiles : il faut les écouter, les informer et mériter leur confiance (Album photos)

« L’objectif de cette initiative est d’amorcer une démarche participative continue, afin de renforcer les opérations de maintien de la paix et de placer la protection des civils à la hauteur de son importance. » Le général de corps d’armée Mohamed Hajjem n’aurait pu mieux résumer le propos introductif de la conférence internationale de Tunis sur le rôle des forces armées dans la protection des civils lors des opérations de maintien de la paix, ouverte jeudi. Les débats s’annoncent riches, croisés et constructifs. Quatre panels de discussion structureront une réflexion collective nourrie d’exemples concrets vécus dans différentes zones de conflit, notamment en Afrique, d’analyses élaborées au siège des Nations Unies à New York, ainsi que d’enseignements tirés du terrain. Militaires, civils, hauts fonctionnaires onusiens et experts y apporteront, chacun selon sa perspective, des contributions permettant de formuler des recommandations pertinentes.

Plusieurs intervenants ont insisté sur la nécessité de comprendre le contexte local dans sa dynamique propre, ses caractéristiques, les valeurs des populations, leurs langues, leurs traditions et leurs croyances. Cette compréhension est indispensable pour engager le dialogue et commencer à bâtir une relation de confiance. Le sous-secrétaire général de l’ONU pour le Moyen-Orient, l’Asie et le Pacifique, Khaled Khiari, l’a bien exprimé : une approche de la protection des civils, pour être efficace, doit être adaptée au contexte spécifique, intégrant les fondamentaux locaux. Évoquant l’exemple de l’UNIFIL au Liban, il a déclaré : « Il ne suffit pas de patrouiller ou de saluer les gens : il faut leur prêter attention, les écouter, les informer, leur parler sans cesse. Une relation proactive est à construire avec soin, sans prendre le moindre risque, ce qui suppose des compétences solides et des moyens adaptés. »

Pour le général de division Humphrey Nyone, commandant de la force de la MINUSCA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en Centrafrique), il n’existe à ce jour aucune alternative aux forces de maintien de la paix. Un échec serait dramatique. Il faut donc faire preuve de flexibilité, produire des résultats tangibles pour mériter la confiance, faire preuve d’un bon état d’esprit et garantir une coordination efficace entre tous les partenaires, dans une interaction fluide et permanente.

Abordant la question des technologies et de la collecte des données, dans un panel modéré par le colonel-major Héni Meddouri, l’experte Rania Toukebri a insisté sur la nécessité d’identifier et de hiérarchiser les besoins. Elle a souligné l’importance de confronter les données à d’autres sources. « Les forces de maintien de la paix ont un besoin crucial de données en temps réel et précises », a-t-elle affirmé. L’enjeu consiste à garantir la fiabilité de ces données, la qualité de leur analyse et de leur interprétation, leur partage entre les différents acteurs, tout en respectant les données personnelles et les principes éthiques.

Le colonel Werner Knape, fort de son expérience au Mali et aujourd’hui au ministère allemand de la Défense, a ajouté : « Il faut avoir la capacité d’exploiter les données recueillies, et former les équipes en conséquence. C’est indispensable. » De son côté, le général de brigade Dinesh Singher, commandant de secteur au Soudan du Sud au sein de l’UNMISS, a affirmé : « La technologie ne remplacera jamais les forces de maintien de la paix, mais elle peut leur apporter un soutien considérable. Nous devons cependant apprendre à la maîtriser, et concevoir de nouveaux profils de poste au sein des missions opérationnelles. »

 

Le débat sur la désinformation s’est révélé particulièrement instructif. Modéré par le colonel-major Hichem Doghri, il a permis de mieux comprendre, grâce à la communication de Simona Cruciani (ONU, New York), les diverses formes de sous-information, d’influence, d’incitation à la haine, de déstabilisation et de manipulation de l’opinion publique. Spécialiste en communication, fort d’une vaste expérience onusienne dans de nombreux pays africains, Boris Tchouavi a mis en lumière l’impact dévastateur des rumeurs dans les zones dépourvues de médias et faiblement connectées. Ces rumeurs peuvent nuire gravement aux populations, entraver l’aide humanitaire et compromettre la sécurité des civils comme des forces onusiennes. Lauren Spink, du CVIC, a quant à elle souligné l’impact particulièrement nocif de la désinformation sur les femmes, déplorant une atteinte grave à leur dignité et à leurs droits.

Une idée forte a émergé de ces échanges : la dissuasion. Parmi les leviers évoqués : la criminalisation des actes de désinformation dans une acception élargie, leur qualification adéquate, leur inscription dans la législation nationale et dans le droit international, l’identification des auteurs, leur poursuite devant des juridictions compétentes, et des peines sévères en conséquence.

Ces débats auront été instructifs et inspirants. La conférence internationale de Tunis aura, d’ores et déjà, tenu toutes ses promesses.
 

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