La Charte de San Francisco, 80 ans après: Quelle effectivité? Une journée d’étude à la Faculté des sciences juridiques
La Charte des Nations Unies a-t-elle acquis au fil de ses quatre-vingts années d'existence le caractère d'une «Constitution mondiale»? Cette question essentielle se pose avec acuité alors que le système multilatéral est remis en question et que sa refonte s’impose impérativement. Mercredi 15 octobre 2025, le secrétaire général, António Guterres, s’adressant à l’Assemblée générale, propose dans une Initiative ONU80, un programme de réformes à «impact maximal», visant à renforcer l’efficacité de l’Organisation et à améliorer la coordination entre ses trois piliers fondamentaux: la paix et la sécurité, le développement durable et les droits de l’homme.
A Tunis, la Charte de San Francisco bénéficie d’un débat approfondi, dans le cadre des manifestations accompagnant le 80 anniversaire de la fondation des Nations Unies. Le colloque qu’organise le mercredi 22 octobre 2025 le Laboratoire de recherche en droit international et relations Maghreb-Europe (LRDIRME), dirigé par la professeure Salwa Hamrouni et l'Association Tunisienne des Nations Unies (ATNU) que préside l’ambassadeur Moncef Baati, entend dresser un bilan de l'application et des apports de la Charte, tout particulièrement au regard de l'évolution du droit international et de la structure de l'ordre juridique international. Un colloque où le souvenir du Pr Chawki Gaddes, disparu cet été, est fort présent.
Ce rendez- vous scientifique qui se tiendra à la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis, a pour ambition de réunir universitaires, chercheurs, praticiens et experts autour d'une réflexion critique et prospective du rôle et de l'évolution de l'ONU dans un contexte international marqué par des bouleversements systémiques et de recompositions géopolitiques majeures.
Argumentaire & Programme
Argumentaire
«Huit décennies plus tard, on peut établir un lien direct entre la création de l'Organisation des Nations Unies et la prévention d'une troisième guerre mondiale.»
António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies
Née en 1945, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'Organisation des Nations Unies a été créée pour prévenir de nouveaux conflits et promouvoir la coopération internationale. La Charte constitutive, signée le 26 juin 1945 à San Francisco par 50 États et entrée en vigueur le 24 octobre de la même année, établit les principes qui guident encore l'action de l'ONU:
Maintien de la paix, respect du droit international, promotion des droits de l'homme et développement économique et social.
Toutefois, depuis 1945, la remise en question du fonctionnement de l'ONU a été envisagée à maintes reprises par la doctrine, les États, d'autres organisations internationales, voir l'ONU elle-même. Ces débats portent notamment sur ses capacités d'adaptation tant au regard des évolutions de la société internationale, que vis-à-vis des nouveaux enjeux auxquels elle fait face. En effet, ces évolutions interrogent quant à la cohérence du texte de la Charte, vieux de 80 ans, avec la réalité actuelle. Cette «Constitution mondiale» pourrait sembler aujourd'hui obsolète aux yeux de certains observateurs critiques. L'accumulation des pratiques illicites perpétrées par les Etats, les plus puissants, y compris par ses membres fondateurs, remet en cause l'effectivité des dispositions de la Charte.
Dans son ouvrage l'ordre juridique international-souveraineté, égalité et logique de l'accord - Une théorie tiers-mondiste, le Professeur Slim Laghmani souligne qu'«un droit effectif est un droit qui est obéi, respecté» (Nirvana, 2021, p.8). L'effectivité du droit international et plus particulièrement du droit politique international est relative, voir approximative.
Le droit politique international ne résume pas tout le droit international. Il est constitué des principes de la Charte des Nations Unies: l'égalité souveraine, l'interdiction de l'emploi de la force et son corollaire l'obligation de régler les différends pacifiquement, l'interdiction de l'intervention, les droits de l'Homme et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Ces principes cardinaux sont certes les règles internationales les moins respectées, mais sans pour autant nier leur effectivité de manière absolue. Généralement, les Etats ont tendance à respecter ces règles internationales dans une logique pragmatique; les faibles les perçoivent souvent comme des principes protecteurs contre les puissants. Le même auteur parvient à déduire que «l'ineffectivité très relative du droit politique international n'est pas spécifique au droit international»; elle caractérise également le droit politique interne et plus particulièrement le droit constitutionnel (p.10). Cette fragilité relève en fin de compte de «la nature humaine».
En réalité, l'étude de l'effectivité ou de l'ineffectivité des principes de la Charte, 80 ans après leur édiction, permet de confronter le droit aux rapports de force. Ces rapports interviennent au niveau de leur création et au niveau de leur mise en œuvre. Les principes de la Charte ont été édicté «contre la volonté des puissants», mais ceux-ci ont pris leur «revanche» durant ces quatre-vingts ans. Le Professeur Slim Laghmani met l'accent sur l'ambivalence de ces rapports de force en mentionnant qu'«elle joue parfois en faveur de la règle et parfois contre elle. Le rapport de force est parfois facteur d'effectivité, parfois facteur d'ineffectivité». Il parvient à conclure que «le droit international existe, il est globalement effectif et relativement juste (ou injuste)» (p.15).
Programme
Séance inaugurale: mots d'ouverture
• Pr Wahid Ferchichi, Doyen de la FSJPST
• S.E. Moncef Baati, Président de l'ATNU
• Pre Salwa Hamrouni, Directrice du LR-DIERME
• S.E. Rana Taha, Coordinatrice résidente des NU en Tunisie
• S.E. Ministre des affaires étrangères, de la migration et des Tunisiens à l'étranger ou son représentant
Propos introductifs: S.E. Moncef Baati, Président de l'ATNU
Séance 1
La mise en œuvre des principes de la Charte des Nations Unies au cours des 80 ans: Bilan du chapitre I CNU
• Le principe de non-intervention: Mme Hana Ben Abda, Faculté de Droit et des sciences politiques de Tunis
• Le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes: M. Sélim Daghari, Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis
L'action en cas de menace contre la paix, la rupture de la paix et d'acte d'agression au cours des 80 ans: Bilan du Chapitre VII CNU: S.E. Riadh Ben Sliman, membre du comité directeur de l'ATNU
Séance 2
• L'apport de la Cour internationale de Justice dans l'affirmation des principes de la Charte au cours des 80 ans: Bilan du Chapitre XIV CNU: Mme Abir Mekki, Faculté de Droit et des sciences politiques de Tunis
• Les institutions spécialisées: l'UNESCO en exemple: S.E. Ghazi Gherairi, Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, membre du comité directeur de l'ATNU
• L'apport des accords régionaux dans la mise en œuvre des principes de la Charte des Nations Unies au cours des 80 ans: Bilan du Chapitre VIII CNU: M. Moez Charfeddine, Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis
• Propos conclusifs: «Faut-il réviser la Charte des Nations Unies, 80 ans après? - Lecture prospective (Chapitre XVIII CNU: amendements)», Pre Salwa Hamrouni, Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis.
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