News - 15.11.2025

Habib Touhami: Alphabétisme, analphabétisme en Tunisie

Habib Touhami: Alphabétisme, analphabétisme en Tunisie

Selon le Rgph 2024, le taux d’analphabétisme (sommairement, incapacité complète à lire et à écrire) atteindrait 17,3% dans la population tunisienne (12% pour les hommes ; 22,3% pour les femmes). Bien qu’il ait fortement baissé depuis l’Indépendance, passant entre 1956 et 2024 de 74,5% pour les hommes à 12% et de 96% chez les femmes à 22,3%, ce taux reste sujet à caution, et en tout cas source d’appréciations contradictoires, et ce, en raison de l’extension entre-temps de la définition de l’analphabétisme et du caractère  «déclaratif» de son état.

L'alphabétisation, et a contrario l’analphabétisation, est défini par l’Unesco comme «l’ensemble de compétences en lecture, en écriture et en calcul», mais désormais l’alphabétisation doit se comprendre selon l’organisation internationale «comme un moyen d’identification, de compréhension, d’interprétation, de création et de communication dans un monde de plus en plus numérique, textuel, riche en informations et en évolution rapide». Dans ces conditions, toute analyse sérielle devient contestable d’autant plus que les enquêteurs ne soumettent pas les enquêtés aux tests requis et n’ont aucun pouvoir pour le faire.

Evolution du taux d’analphabétisme selon les recensements

Source : INS

En tout état  de cause, le taux d’analphabétisme (à l’ancienne) n’a pas cessé de diminuer en Tunisie depuis 1956 tout en restant marqué par une forme de discrimination à l’égard des femmes, même si l’on tient compte de la différence d’effectifs entre femmes et hommes aux classes d’âge avancé. Il reste marqué aussi par des différences notables au niveau des régions et des milieux. Toutefois, la comparaison avec certains pays du même stade de développement tempère quelque peu les critiques que l’on est en droit d’adresser au système éducatif tunisien et à son rendement.

Taux d’alphabétisation des adultes de 15 ans et plus en %

Source: Unesco

En effet, le taux d’analphabétisme tel qu’il ressort du Rgph 2024 se caractérise par des écarts régionaux importants, passant de 10,1% au gouvernorat de Ben Arous (?) à 28,5% à celui de Jendouba. Il se caractérise aussi par des écarts importants selon le sexe. Le taux d’analphabétisme des femmes atteint sur le plan national 22,4% contre 12,0% pour les hommes. Il atteint 36,5% à Jendouba et 36,2% à Kairouan contre 13,2% à Ben Arous ( ?) et 14,2% à Monastir.

Taux d’analphabétisme en 2024 en %,  (Population 10 ans et plus)

Taux d’analphabétisme en 2014

Source : INS (Population 10 ans et plus)

La répartition de la population par gouvernorat et niveau d’instruction se recoupe partiellement avec la distribution régionale de l’analphabétisme. Les gouvernorats  qui détiennent le pourcentage le plus élevé quant à l’absence de tout niveau d’instruction sont : Jendouba (28,2%), Kasserine (27,2%), Sidi Bouzid (25,8%), Siliana (25,7%) et Kairouan (25,6%). Les gouvernorats qui détiennent le pourcentage le moins élevé sont : Ben Arous (12,6% ?), Monastir (12,9%), Tunis (14,3%) et l’Ariana (14,5%). A l’inverse, les gouvernorats qui détiennent le pourcentage le plus élevé de la population du niveau supérieur d’instruction sont : l’Ariana (26,9%), Tunis (25%), Ben Arous (22,6%) et Sousse (19,2%) ; contre le pourcentage le moins élevé à Kairouan (8,6%), Kasserine (9,6%), Siliana (10,0%) et Jendouba (10,4%).

Entre 1984 et 2014, le pourcentage de la population de 10 ans et plus n’ayant pas de niveau d’instruction est passé 46,2% à 19,0%. Parallèlement, le pourcentage de la population ayant un niveau supérieur est passé de 2,4% à 12,9%.

Population par niveau d’instruction en % selon le Rgph 2024

Source : INS

Est-ce à dire qu’il existe un lien entre le taux de scolarisation, le taux d’analphabétisme et le niveau d’instruction ? Manifestement oui puisque des gouvernorats comme Kasserine cumulent un écart de 7 points sur le plan du taux de scolarisation par rapport à la moyenne nationale avec un écart plus large encore quant au pourcentage de la population d’un niveau supérieur d’instruction. S’agit-il de l’impact du revenu, du sexe ou plus encore de la ruralité ? La réponse est oui là aussi.  

Il est incontestable que ce qui se passe en Tunisie depuis des décennies au niveau de l’école publique a joué un rôle dans le développement d’un nouveau genre d’analphabétisme dans la population. L’école tunisienne n’apprend plus à apprendre, ni à respecter les langues, ni même à tenir un raisonnement qui tient. Aussi, les aménagements de circonstance ou de commodité ne peuvent plus inverser les tendances. Seule une réforme de fond de l’enseignement et de l’éducation nationale aurait quelque chance d’y parvenir. Or cette réforme n’est pas encore à l’ordre du jour.

Habib Touhami
 

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