Que faire des actifs de la famille du président déchu ?
La révolution des jeunes Tunisiens a ouvert le chemin vers une transition démocratique sans précédent dans le monde Arabe. Cependant, elle a aussi apporté un lot de questions qui hantent aujourd’hui l’esprit de nos dirigeants de transition. Comment faire en sorte que la transition vers la démocratie se fasse d’une manière exemplaire ? Comment canaliser l’énergie de la population et la réorienter vers une amélioration de la situation du pays ? Que faire avec les actifs de la famille du président déchu tout en ayant à l’esprit que seule une autorité judiciaire indépendante pourrait déterminer quels sont les actifs acquis de manière frauduleuse ? La présomption d’innocence est certes un principe cardinal de droit mais justice doit être faite et condamnation exécutée.
Aussi, un certain nombre de ces actifs est fait d’entreprises qui sans une gouvernance d’entreprise adéquate pourraient sombrer dans l’inefficience et disparaitre d’elles-mêmes. Dans ce sens, plusieurs étapes sont nécessaires afin de la justice reprenne son cours tout en s’assurant que ces entreprises restent aussi prospères que durant la période de l’avant révolution. Pour ce faire, un certain nombre d’étapes devraient être franchies.
La première étape consiste à transférer l’actionnariat de ces actifs dans un véhicule spécial à but unique : s’assurer de la bonne gestion de ces actifs jusqu’à ce qu’une décision de justice soit prise. Ce véhicule devrait reporter au plus haut niveau de l’Etat (soit au président qui sera élu, soit au parlement) et ce afin d’éviter toutes les éventuelles pressions externes.
La deuxième étape, consiste en un changement radical ou une rupture avec les méthodes de gestion du passé. Une vraie réforme en termes de gouvernance d’entreprise devrait être opérée par des technocrates de haut calibre. La Tunisie a la chance de disposer d’une masse significative de matière grise en Tunisie et à l’étranger. Ces hommes et ces femmes pourraient être appelés au service de la patrie pour s’assurer de la bonne marche de ces entreprises et hisser leur gouvernance d’entreprise aux standards internationaux.
Une fois la décision de justice prise et si elle est en faveur de l’Etat tunisien, ces actifs pourraient ensuite faire l’objet d’opération de vente que ce soit pour des investisseurs locaux qui apporteraient leurs propres capitaux et non s’appuieraient sur les banques locales pour des opérations à effet de levier ou des investisseurs étrangers qui pourraient rapporter au pays une masse significative de devises. Ces ventes devraient s’opérer dans le cadre de processus d’appel d’offres conforme aux standards internationaux.
L’endettement extérieur de la Tunisie est d’à peu près 37% du PIB. Une réduction de cet endettement via l’argent généré par ces opérations de vente pourrait donner à l’Etat une bouffée d’oxygène et permettre le développement de programmes sociaux (par exemple un système d’assurance chômage). Evidemment, le tout sous le contrôle de la justice.
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Article intererssant! J'avais ecris le 22 janvier un article similaire (http://larevolutiondujasmin.blogspot.com/2011/01/tunisian-economy-turning-threats-into.html) ou, entre autres, j'ai exprime l'idee que les ventes d'actifs doivent se faire avec le concours des bailleurs de fonds, donc avec effet de levier, et ce pour deux raisons: (i) l'idee n'est pas de vendre les actifs du clan Ben Ali aux etrangers. Or, sans effet de levier, il n'y aurait que tres peu de tunisiens qui pourraient acheter tout ou partie de ces actifs cash, et (ii) pour un investisseur avertit, l'effet de levier, au-dela du partage du risque avec les bailleurs de fonds, augmente la rentabilite des fonds propres de l'investisseur (je ne connais pas de M&A qui ne s'est pas fait avec effet de levier). Les entreprises du clan Ben Ali sont (ou etaient) en situation de quasi-monopole dans leurs secteurs respectifs; si elles sont gerees correctement, elles ne peuvent qu'etre rentables. Le risque pour les banques locales de finir avec des credits impayes, et donc des entreprises a liquider, meme s'il existe, est faible et n'est pas a la mesure des enjeux de vendre ces actifs rapidement. Faire appel aux bailleurs de fonds etrangers et quasiment impossile pour un tunisien qui n'a pas deja une surface financiere importante. Faciliter ces ventes ne peut qu'accelerer les rentrees de cash dans les caisses de l'Etat et reduire le risque que ces entreprises, par manque d'acquereurs, deviennent moins interessantes avec le temps.
Tres intéressant surtout s'il permet de réduire l'endettement très important de la Tunisie
En réaction à votre article, je pense qu'il serait judicieux de penser à regrouper ces actifs au sein d'un fonds d'investissement public à l'instar de la CDC (caisse des dépôts & des consignations) et garder une gestion privée autonome axée sur le profit En effet, le passage en mode de gestion étatique, même à titre provisoire, risque de mettre à genoux ces entreprises Par ailleurs, la cession de ces actifs dans la conjoncture actuelle ou même à venir risque de favoriser bon nombre de malversations L'apport en dividende de ces entreprises pourrait faire un apport non négligeable au budget de l'état et à équilibrer ses comptes sociaux.
Tres intéressant. Certes la vente de ces biens permet une bouffée d'. oxygène
Bonsoir Khaleed, Pour l'effet de levier, je ne suis pas d'accord avec votre analyse. C'est vrai que l'effet de levier améliore la rentabilité dans une optique d'investisseur mais dans le cas précis de ces actifs, il faut se mettre dans la position du vendeur. Je préfère mille fois vendre ces actifs à des étrangers (apport en devise et transfert de know-how) que de les vendre à des investisseurs locaux avec un effet de levier monstrueux, des rentrées en dinars Tunisien, financées par des banques déjà fragilisées. Aussi, je pense qu'il faut éviter de vendre aux fonds d'investissement (private equity et autres) car ces gens ne jurent que par la rentabilité au détriment de la viabilité à long terme. Bien cordialement, M