Insalubrité et manque d'hygiène, La Kasbah, méconnaissable sous le sit-in

Malgré l’ambiance détendue qui prévalait mardi sur la Place de la Kasbah, occupée par manifestants, la situation sanitaire est problématique. En effet, les efforts des quelques bénévoles, qui essaient de dégager les amas de détritus accumulés par des centaines de personnes qui vivent ici depuis deux jours, sont dérisoires et l’absence d’organisations humanitaires telles que le Croissant rouge est étonnante. Les risques de propagation de maladies ou, pire, de personnes qui décèderaient, surtout parmi celles qui ont entrepris des grèves de la faim, sont réels. Les conséquences de pareils accidents pourraient, alors, être incontrôlables. Récit.

Mardi après-midi à la Kasbah, des centaines de manifestants promettaient de rester là jour et nuit jusqu’au départ du gouvernement actuel. Le secteur était quadrillé et on ne pouvait plus accéder à la place du gouvernement qu’à pied.
Des tentes ont été dressées sur la place, sur chacune est indiqué le nom de la localité, El Hamma, Thala, Regueb, etc. et sont accrochés les portraits de ses martyrs.

A l’intérieur, les hommes se relaient pour se reposer mais vous trouverez toujours quelqu’un pour vous raconter les exactions subies durant les manifestations qui ont précédé le 14 janvier 2011, égrener les noms des martyrs et des blessés, raconter les conditions de vie difficiles et l’oubli dans lequel il se sent plongé, lui et les siens, depuis des décennies. Des bobos en mal de révolution appuient leur démarche et les conseillent de résister. D’autres les remercient de nous avoir donné la liberté.

A l’extérieur, des jeunes chantent accrochés aux fenêtres du ministère des finances et des centaines d’autres défilent sur la place, pancartes à la main, acclamés par une foule de Tunisois venus les appuyer ou tout simplement en curieux.

L’ambiance est assez festive et dans un coin de cuisine improvisée, des femmes s’affairent autour de fourneaux de fortune. « Les gens nous ont ramené beaucoup de nourriture », nous disent-elle. Plusieurs cercles se sont aussi formés autour des tentes. On y discute politique, islam, pauvreté, chômage, etc. Un homme, qui se présente comme un vétéran de la guerre du Liban, dit que les puissances occidentales ne veulent pas que les pays arabes accèdent à la démocratie, « il faut qu’on fasse très attention », dit-il en colère. Une jeune femme, partisane de la théorie du complot, parle de plusieurs infiltrés qui sèment la pagaille pour montrer que les manifestants sont des casseurs et trouver ainsi un prétexte pour les évacuer. Les jeunes déshérités arrivés de leurs villes du centre et du sud du pays sont un peu perdus.

Anissa Ben Hassine