News - 02.02.2011

Elyès Jouini au Point : "L'économie mafieuse, c'est fini"

« L'économie mafieuse était essentiellement liée à une famille au pouvoir. Aujourd'hui, c'est fini », a déclaré au Point, Elyès Jouini, nouveau ministre des Réformes économiques et sociale au sein du gouvernement transitoire. Il a ajouté : « Nous voulons une économie qui fonctionne selon les règles de transparence, où les différents agréments ne sont pas obtenus en fonction de la proximité avec les autorités ni en payant. »

Répondant aux questions de Marc Vignaud, qui l’interrogeait sur ce peut faire un gouvernement qui n'est qu'une équipe de transition, il a déclaré : «  Nous devons gérer les affaires courantes et préparer la transition démocratique. Le testament qu'on laissera, c'est un changement dans les pratiques et dans les approches. On assiste à une très grande mobilisation nationale et internationale en faveur de la Tunisie. Ce que nous voulons, c'est mobiliser toute cette énergie pour mettre en place de grands projets structurants que nous laisserons ensuite à nos successeurs. » Interview.

La transition démocratique prend forme en Tunisie. Le Point.fr a interrogé Elyès Jouini, professeur d'économie tunisien à l'université de Paris-Dauphine, nommé récemment ministre chargé des Réformes économiques et sociales et de la Coordination sur les réformes à mettre en oeuvre pour redonner espoir à la jeunesse.

Quelles réformes économiques et sociales envisagez-vous pour lutter contre le chômage des jeunes Tunisiens, un des éléments à l'origine du renversement de Ben Ali ?

La révolution est partie de l'intérieur du pays, car de nombreuses régions (gouvernorats, NDLR) ont été les grandes oubliées des cinquante dernières années, et ce, malgré le miracle économique tunisien. Il faut donc les remettre au centre du dispositif pour qu'elles accèdent à un certain degré de développement économique. Cela passe par une décentralisation afin qu'elles soient capables de promouvoir leurs propres projets, d'adapter leur bassin d'emploi à leurs besoins industriels. La réponse ne peut d'ailleurs pas seulement être économique. Lors de la révolution, la population a exprimé un désir d'être reconnue dans son identité. Il faut que les différents gouvernorats reprennent leur destin en main.

Nous avons aussi énormément de choses à faire pour développer l'employabilité des diplômés. Aujourd'hui, le système universitaire est certes très développé, mais il est resté trop académique. Nous n'avons pas assez de formations professionnelles. Il va falloir trouver du travail pour des gens qui sont au chômage parfois depuis plusieurs années. Cela passe par des formations en matière de "soft skills", c'est-à-dire de maîtrise de la communication, de la langue... Enfin, nous allons essayer d'identifier les grands projets industriels et d'infrastructures adaptés à différents bassins d'emploi.

L'économie de clan a-t-elle disparu avec la chute de Ben Ali ?

L'économie mafieuse était essentiellement liée à une famille au pouvoir. Aujourd'hui, c'est fini. Nous voulons une économie qui fonctionne selon les règles de transparence, où les différents agréments ne sont pas obtenus en fonction de la proximité avec les autorités ni en payant. Maintenant, il y a la question des critères de recrutement.

Une bonne partie est faite sur des critères personnels de proximité, parce qu'il est difficile pour un employeur de différencier des centaines de CV qui se ressemblent tous. Du coup, les employeurs embauchent ceux qui leur ressemblent, c'est-à-dire ceux qui sont de leur famille, de leur lycée ou de leur ville. La diversification des formations et leur mise en conformité avec les besoins devraient remettre la compétence au centre des recrutements.

De manière générale, que peut réellement faire votre gouvernement qui n'est qu'une équipe de transition ?

Il faut reconnaître qu'on ne pourra pas tout conduire nous-mêmes. Nous devons gérer les affaires courantes et préparer la transition démocratique. Le testament qu'on laissera, c'est un changement dans les pratiques et dans les approches. On assiste à une très grande mobilisation nationale et internationale en faveur de la Tunisie. Ce que nous voulons, c'est mobiliser toute cette énergie pour mettre en place de grands projets structurants que nous laisserons ensuite à nos successeurs.

Vous sentez-vous totalement à l'aise dans le gouvernement de l'ex-Premier ministre de Ben Ali, Mohamed Ghannouchi ?

Très franchement, je ne le connaissais quasiment pas jusqu'à il y a une dizaine de jours. J'ai découvert un homme dont je suis absolument convaincu qu'il est d'une très grande intégrité, qu'il a une très grande capacité d'écoute et qu'il veut remplir sa mission constitutionnelle de mener la transition. Il l'a dit et redit : il n'a aucun agenda politique. Je n'ai donc absolument aucun état d'âme à travailler avec lui et son équipe.

Avez-vous l'ambition de rester ministre après la période de transition pour mener à bien vos réformes ?

Il ne faut jamais dire fontaine, je ne boirai pas de ton eau, mais aujourd'hui mon état d'esprit, c'est que je suis là pour six mois pour assurer la transition et faire en sorte que mon pays tire le maximum de bénéfices de ce qui vient de se passer.

 

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12 Commentaires
Les Commentaires
Hamouda - 02-02-2011 15:27

Je pense que vous voyez clair : gérer le vital et auditer la situation (comme on procède en soins intensifs), une feuille de route sera proposée de sorte que les successeurs continueront la course à relais. Quant à nos universités, outre l'absence de collaboration entre les différentes institutions universitaires (facultés et instituts supérieurs), ellles sont "dissociées" de l'environnement socio-économique et culturel. Le soucis des responsables de l'orientation universitaire est de "placer" les nouveaux bacheliers et ne se préoccupent pas du marketing du "produit" des "sociétés" universitaires. La réforme dans ce domaine passe par un changement radical des approches et des pratiques. Bonne chance pour nous tous.

Lyes ZAHAF - 02-02-2011 21:55

Je rejoint la réflexion de Mr le Ministre sur le développement des soft-skills pour renforcer l'employabilité des jeune diplômés. Personnellement quand j'ai demandé des formations complémentaires en langues à dispenser à mes employés les responsables de l'ANETI n'ont pas trouvé mieux que me demander de chercher pour eux qui pouvait le faire....!!!!

Majdi - 03-02-2011 08:24

Je pense qu'il faut donner une grande importance à développer l'iinfrastructure de transport, routiers et voies férrées à l'intérieur de la tunisie.

lotfi CHERIF - 03-02-2011 09:01

Le rôle de l'Etat devra être redéfini, c'est indispensable. La Tunisie, à l'instar des pays développés, devra s'orienter vers un véritable libéralisme économique fondé sur les règles de l'économie de marché et bannir tout interventionnisme de l'Etat pour éviter d'annihiler toute initiative privée. Le choix ne devra pas être entre "Plus d'Etat"ou "Moins d'Etat" mais "Mieux d'Etat".

Dr. Amor - 03-02-2011 09:05

Je ne saurais etre d'accord sur certains points cruciaux que Mr. Jouini expose. Mais, le moment n'est plus aux discussions sans fin. Avancons! Nous serons beaucoup a aider tout le gouvernement de transition a realiser les choses dans la BONNE direction. Enfin, je pense qu'on a le drit de savoir, en tant que Citoyens, si vous, vous avez un agenda politique. Cordialement

Moncef Ismail - 03-02-2011 11:17

Il est bien temps de moderniser notre administration.

Mourad NABI - 03-02-2011 11:18

Nchallah que Dieu soit avec vous pour la transition, gare aux esprits tordus au sein de l'administration qui vont tout faire pour sauvegarder leurs chasses gardés. Bon courage et on espère voir Si Elyes dans le futur en Tunisie

Laroussi Latifa - 03-02-2011 11:24

"Il ne faut jamais dire fontaine, je ne boirai pas de ton eau, mais aujourd'hui mon état d'esprit, c'est que je suis là pour six mois pour assurer la transition et faire en sorte que mon pays tire le maximum de bénéfices de ce qui vient de se passer."Elyes Jouini. Cette conclusion vient résumer cette dynamique bien caractéristique de la jeunesse tunisienne qui tenait à voir son pays au piédestal des civilisations ,nous avons des valeurs sûres encore faut-il laisser libre champs à tous ceux qui veulent travailler et hisser le pays au rang des puissances..Pourquoi pas d'ailleurs? Nous en sommes bien capable!, les compétences requises sont nombreuses, en Tunisie et ailleurs!!!Bonne chance à tous ceux qui nous veulent du bien,on y croit.

Nejib - 03-02-2011 15:04

Apparemment mr Jouini est en conflit d'intérêt : Lire : http://conflit-d-interet-en-tunisie.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/02/03/conflit-d-interet-elyes-jouini.html

Hédi BALMA - 03-02-2011 15:07

Ce gouvernement de transition pose problème dans la mesure ouù aucun organisme de contrôle ne lui est opposé et surtout par le fait que certain parti d"'opposition" utilisent leurs portefeuilles et les moyens à leurs dispositions à des fins électorales comme Ahmed Nejib Chebbi et Ahmed brahim. Ils devraient soit démissionner de leurs partis respectifs et ne pas se porter candidats aux élections présidentielles soit quitter immédiatement le gouvernement. La Démocratie commence par là d'abord. de plus les nominations doivent être accompagnées des CV des personnes nommées pour être sûrs qu'ils n’appartiennent pas à tel ou tel parti (surtout RCD) ou telle ou telle région car par exemple nous entendons par ci et par là des régions comme celles de Sousse qui revendiquent à nouveau le pouvoir. A suivre

hanene - 03-02-2011 20:35

congratulation pour votre poste. vous le méritiez et je pense que vous êtes la bonne personne pour ce poste. J'ai une petite remarque pour l'emploi et les recrutements: c'est malheureux qu'il n'y a pas de transparence pendant les recrutements c.a.d les offres dans les bureaux d'emploi sont généralement fausses ça d'un coté ou bien pour certains secteur surtout les banques et les institutions financières, on peut pas savoir les postes réellement vacant. De plus, il n'y a pas des entretiens bien développé pour bien évaluer le candidats comme dans les pays développé. Donc en conséquence plusieurs compétents ne sont pas en fonction et ce pour cette raison certaines de défaillance en économie. j'ai une proposition pour les futurs diplômes: il faut les insérer dans la vie professionnelle à partir de leurs stages. A mon avis ça sera bénéfique pour les deux : la société ainsi le stagiaire.

Mohamed - 04-02-2011 17:39

Vous êtes fondateur de l'atuge, Est-ce vrai que cette association est une filiale du RCD?

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