La révolution a aussi délivré les Tunisiens de la dictature du football.
La révolution tunisienne a eu le mérite de libérer la parole et d’affranchir les esprits. De Tunis à Ras Jedir, le pays tout entier est entré en effervescence. Le calme de cimetière des rues tunisiennes a cédé la place à une agitation, inhabituelle pour un Tunisien. Le pays s’est transformé par la grâce de la révolution en un immense Hyde park où tout est prétexte à contestation. Sur le terre-plein central de l’avenue Bourguiba, des attroupements se forment spontanément avant d’entamer une marche pacifique. Sur les terrasses des cafés qui ont retrouvé leur animation des années 60, des clients attablés discutent ferme. Rien qu’à leur mine renfrognée, on se doute du sujet de discussion. Le football est relégué au magasin des accessoires au profit de la politique à cette différence près qu’on le fait aujourd’hui sans recourir aux circonlocutions, appelant un chat, un chat, sans tabous, dans un climat de liberté qu’on n’avait jamais connu auparavant. On en discute à coup de « n’ya qu’à ». Les avis sont souvent tranchés. On aime ou on n’aime pas. On fait rarement dans la nuance.
Les dix millions de Tunisiens se sont découvert des talents de politologue, maniant les concepts avec la dextérité d’un ancien de sciences po. Rien de ce qui a trait à la politique ne leur est désormais étranger. Chacun a sa petite idée sur le mode de scrutin idéal pour le pays, sur les avantages comparatifs des systèmes présidentiel et parlementaire. Les Tunisiens qu’on disait dépolitisés ont maintenant pour la politique les yeux de l’amour, un amour-passion, exclusif. On s’y adonne avec le zèle des néophytes. Plus rien ne les en détournera. Il y a fort à parier que dans quelque temps, Les coqueluches de notre jeunesse ne seront plus Darragi , Msakni ou Dhaouadi, mais les hommes politique. La révolution ne nous a pas seulement délivrés de la dictature de Ben Ali, mais de celle du football. La preuve : le championnat est arrêté depuis deux mois et personne ne s’en est aperçu encore.
Hédi Behi
PS : 01 - 03 -2011 Ceux de nos lecteurs qui découvriront cet article aujourd’hui seront surpris par cette description idyllique de l’avenue Bourguiba, c’est pourquoi, je vous dois cette explication : cet article a été mis en ligne le jeudi 24 février alors que rien ne laissait prévoir les graves incidents survenus sur cette avenue au cours du dernier weekend, ni surtout les appels au meurtre d’un jeune de la Kasbah à l’encontre de M. Mohamed Ghannouchi, sur la chaîne de télévision nationale. Je pensais que la maturité des Tunisiens nous prémunissait contre ces dérives. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Ceux qui s’en sont pris au ministère de l’Intérieur et aux biens des citoyens ou confondu entre débat d’idées et calomnies ne peuvent pas imaginer le préjudice qu’ils ont porté à l’image de notre jeune révolution. Quels que soient les griefs qu’on peut avoir, rien ne peut justifier de telles dérives même si elles sont le fait de quelques exaltés ou plus trivialement de voyous. Comme dirait un certain Charles De Gaulle : Oui à la contestation et aux marches pacifiques, non à la violence et à la chienlit.
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Très bel article, très bien écrit !
C'est vrai il y a une grande liberation enTunisie. Parler est toujours facile. Combien sont ils au travail.