Vers le régime des partis
Contrairement à ce que l’on laisse entendre, le choix du mode de scrutin n’est pas neutre. Le mode scrutin a en effet une incidence directe sur le nombre, la dimension, les alliances et le degré de représentation des partis politiques. Il détermine de ce fait, la nature du système politique à mettre en place. En choisissant la représentation proportionnelle par liste, la Commission et le Gouvernement risquent de renforcer l’articulation organisationnelle des partis politiques au détriment de la stabilité du régime et de la transparence des coalitions politiques.
Il ne faut pas jouer avec les mots et berner la vigilance du corps électoral : les Etats-majors des partis politiques, non nécessairement élus au demeurant, auront demain un pouvoir exorbitant sur la durée de vie des gouvernements et sur leur capacité d’action. Dans l’état actuel des choses, aucune majorité parlementaire stable et cohérente ne sera dégagée à l’heure où le pays affronte des difficultés comme il n’en a jamais connu auparavant. Ce déterminisme n’a pas été suffisamment pris en compte par les votants au sein de la Commission. Pour eux, c’est la représentation qui doit être privilégiée. Oui, mais quelle représentation ? Est-elle celle des familles de pensée ou celle des intérêts catégoriels ou partisans ? La Quatrième République en France est morte beaucoup moins des coups qui lui ont été apportés par les partisans du Général de Gaulle et les putschistes d’Alger que de « son inaptitude à vivre » selon l’expression d’Hubert Beuve–Méry. Quoiqu’on dise, le choix opéré quant au mode de scrutin condamne la Seconde République tunisienne à mal vivre avant même qu’elle ne soit édifiée.
Le mode de scrutin choisi ne permet pas non plus le strict respect du suffrage universel. Supposons pour la clarté de la démonstration que 5 ou 6 partis seulement domineront la prochaine Constituante (hypothèse la plus favorable quant à la gouvernabilité du pays). Dans ce cas, un certain nombre de ces partis doivent concocter « une coalition » pour gouverner. Oui, mais cette coalition n’aurait pas été ratifiée au préalable par les électeurs comme l’aurait permis un mode scrutin uninominal à deux tours. Dans les faits, les alliances entre partis politiques seront conclues sans l’avis du corps électoral et en dehors de son contrôle. Ce n’est pas ce qu’on peut appeler une démocratie. On pourrait nous objecter que le mouvement qui se dessine actuellement en faveur de la constitution de coalitions « républicaines » pourrait diminuer ou atténuer le risque que nous dénonçons. Certes, mais malgré la bonne volonté des uns et des autres, ces coalitions « préalables » pourraient enfanter malgré tout des coquilles vides et donner lieu à des querelles de personnes telles que le passif submergera l’actif.
Telle est la situation. Certains, pas nécessairement mal intentionnés au départ, se sont davantage préoccupés de leur destin personnel et de considérations exclusivement « représentatives » que de l’avenir du pays et de la stabilité du régime. Leur vote en faveur de la proportionnelle par liste risque de conduire le pays vers l’impasse et vers un régime des partis. Il faut que les choses soient nettement dites et les responsabilités des uns et des autres clairement établies et assumées.
Habib Touhami
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les professeurs Sadok Belaid et Kais Said ont plaidés eux aussi pour le mode de scrutin Uninominal à deux tours mais la commission de Iyadh B Achour influencés par les calculs partisane de parties ont ignorés les avis de nos experts de toute facon si Habib bcp vont regretter de ne pas choisir ce mode de scrutin plus équitable.